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Aménagement numérique - Forum THD : cap sur les usages et services numériques

La sixième édition du Forum national du très haut débit organisé par Ideal Connaissance et la Fédération des industriels des RIP (Firip) s'est tenue ces 5 et 6 septembre à Marseille en présence de Jean-Michel Baylet, le ministre en charge de l'Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales, et d'Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat au Numérique et à l'Innovation. L'occasion pour les acteurs de la filière d'échanger sur les défis de la couverture THD complète du territoire, et de tourner les yeux vers les enjeux des usages et des services qui, demain, donneront du sens aux investissements consentis. La ville d'accueil du forum, Marseille, a été mise à l'honneur pour ses initiatives, ainsi que toute la région Paca.

Des solutions s'esquissent pour les territoires enclavés

Tant les acteurs locaux que Jean-Michel Baylet ont vanté les avancées du plan France THD.  Le ministre  a fait état de 47,7% de locaux raccordables au second trimestre 2016, ce qui lui fait espérer une couverture de la moitié de la population à la fin de l'année, avec un an d'avance sur l'objectif intermédiaire initial du plan. Pour les années futures, ce serait "un déploiement d'un million de prises par an, dans le seul cadre des RIP" (réseaux d'initiative publique). Là où les investissements en fibre optique sont d'ores et déjà programmés et financés, des progrès restent également à faire. Tout d'abord pour compléter la transition : Axelle Lemaire a donné des gages à la filière en annonçant que le décret donnant naissance aux nouvelles "zones fibrées", conçues pour accélérer l'extinction du cuivre, paraîtrait début 2017.
Au cœur des discussions, les territoires les moins denses ; nombre de voix ont appelé de leurs vœux un "mix technologique" pour ne pas faire dépendre l'accès au THD de la seule fibre optique. Jean-Michel Baylet a cité en exemple la solution technologique de boucle locale radio 4G-LTE développée par les sociétés Infosat et Xilan, qu'il avait rencontrées à Rouen au mois de juin dernier. Ce dispositif "RTTH" (radio to the home) a reçu les honneurs du forum, et a fait l'objet d'expérimentations récentes à Canteleu et Saint-Omer. En l'attente d'une consultation publique de l'Arcep fin septembre, cette technologie se campe comme une option de plus en plus crédible pour bénéficier des fréquences de la bande 2570-2620MHz bientôt mise à disposition par l'Autorité de régulation.

Usages et services innovants : passer à la vitesse supérieure

Les deux membres du gouvernement ont aussi insisté sur la prise en compte des usages et des services numériques ; Jean-Michel Baylet en la reliant au risque de fracture numérique, Axelle Lemaire en appelant à "faire sortir les infrastructures et les usages de la vision en silo". Les élus locaux ont confirmé cette urgence en valorisant les efforts régionaux pour élaborer des documents d'orientation, avec la stratégie de cohérence régionale d'aménagement numérique (SCoRAN) et les différents schémas de développement des usages numériques territoriaux qui se mettent en place dans les départements.
Les moyens ne sont pourtant pas toujours à la hauteur des ambitions pour développer usages et services innovants. Sur ce point, Jean-Michel Baylet, tout en évoquant un éventuel fléchage du fonds de soutien à l'investissement local vers les projets numériques, a semblé renvoyer les collectivités à leurs responsabilités. Francis Kuhn, directeur général du Sictiam, a avancé des propositions pour sécuriser la place des services et des usages dans les projets d'infrastructures : leur inscription au cahier des charges des RIP élaboré pour le plan France THD, ou encore l'allocation de sommes représentant au moins 10% des investissements en infrastructure, pour développer les services.
Au financement, les congressistes ont associé l'urgence d'un meilleur partage des bonnes pratiques et d'une démarche réellement collaborative. Dans le domaine de la silver économie par exemple, Jean-Charles Manrique, DGA en région Paca, a cité en exemple l'expérimentation Lysbox développée dans le département du Loiret pour lutter contre l'isolement du quatrième âge (voir ci-contre notre article du 30 janvier 2015). Malgré une efficacité prouvée, ce dispositif n'a jamais réellement bénéficié d'une publicité nationale. Interrogé par Localtis, Thomas Gassilloud, PDG de l'opérateur Wibox et maire de Saint-Symphorien-sur-Coise, présent sur place, confirme le désarroi : "On parle des services et usages depuis 10 ans. Mais on peine encore à passer de la phase d'expérimentation à une vraie généralisation de services essentiels tels que la télémédecine ou le télétravail."

Paca, première "smart region" ?

En région Paca, les acteurs publics semblent quant à eux déterminés à "jouer collectif" et ne pas gaspiller les opportunités. Paca THD a ainsi affiché ses ambitions pour une couverture fibre des territoires régionaux reculés, et notamment des sites touristiques. Mais c'est bien l'écosystème numérique local qui attire le plus l'attention. Axelle Lemaire est d'ailleurs allée à la rencontre des entrepreneurs de la French Tech Aix-Marseille après son allocution au forum. Le projet de "smart région" mis en avant par les élus régionaux s'affiche comme un catalyseur de cette dynamique, notamment via un fonds régional d'intervention permettant d'associer financements publics et privés pour encourager le développement des services numériques, évoqué par Françoise Bruneteaux, vice-présidente du conseil régional.
Les élus misent sur un fort volontarisme politique et sur l'aura de leur territoire pour devenir la première "smart region" de France et d'Europe. En capitalisant sur l'expérience de Nice dans le domaine, mais aussi sur l'image de Marseille, "ville monde" vantée par Daniel Sperling, adjoint au maire.
Aux niveaux local et national, ce forum a donc constitué l'occasion de réaffirmer des agendas politiques forts en faveur de la mutation de l'économie vers le numérique - une mutation qui se traduit également en emplois. La Firip a rappelé la signature d'une convention avec Bercy en juin dernier, pour assurer 40.000 formations : le numérique représente des opportunités concrètes pour la croissance, que personne n'entend aujourd'hui gaspiller.