Régions - Formation professionnelle : les contrats de plan sont bien engagés
Il y a quelques mois, le le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV) se félicitait de premiers retours plutôt positifs concernant la mise en place des nouveaux contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles (CPRDFP). Aujourd'hui, les régions sont entrées dans le vif du sujet, réalisant ça et là des diagnostics locaux et commençant à négocier avec les différents acteurs concernés - partenaires sociaux, missions locales, Pôle emploi...
Les CPRDFP ont vu le jour dans le cadre de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation tout au long de la vie. Ils doivent être signés pour une durée de six ans entre l'Etat - représenté par le préfet et le recteur - et la région, celle-ci étant la rédactrice du document. L'objectif de ces contrats : définir une programmation à moyen terme des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes et assurer un développement cohérent des filières de formation professionnelle initiale et continue. Auparavant, c'était le plan régional de développement de la formation professionnelle (PRDF) qui jouait ce rôle, sans qu'il n'y ait de signature contractuelle entre les acteurs concernés.
Le CNFPTLV, qui est chargé de suivre leur mise en oeuvre, a réalisé une première analyse de ces contrats naissants. "En règle générale, le processus s'est accéléré très nettement à l'automne, notamment avec la publication des circulaires de la DGEFP (22 octobre 2010) et de la DGESCO, la direction générale de l'enseignement scolaire (novembre 2010). La dynamique s'est enclenchée. Aujourd'hui toutes les régions ont lancé leurs travaux d'élaboration des CPRDFP", détaille ainsi le CNFPTLV dans une note de février 2011.
La circulaire de la DGEFP a en effet fourni les étapes clés pour la mise en oeuvre des contrats de plan régionaux : la réalisation d'un diagnostic territorial partagé pour identifier les zones où des formations sont disponibles et les publics n'y ayant pas ou peu accès ; un projet rédigé par la région, après discussions avec le préfet, le recteur et les partenaires sociaux, qui ne sont pas signataires du document mais qui sont représentés au Comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP) ; la discussion au sein de ce comité qui associera les partenaires locaux, et notamment Pôle emploi et les représentants des missions locales, à l'élaboration du projet.
"De multiples réunions ont eu lieu entre le conseil régional et les services de l'Etat pour définir et déterminer les thématiques ou axes de travail et arrêter ainsi une méthode d'élaboration du contrat", précise dans sa note le CNFPTLV, qui estime toutefois que certaines régions, comme Bourgogne, Aquitaine, Pays-de-la-Loire ou Ile-de-France, pourraient avoir un peu de retard. Un phénomène qui a poussé l'Association des régions de France (ARF) à demander un délai supplémentaire (jusqu'à fin 2011 au lieu de juin 2011), demande pour laquelle l'association n'a pas encore obtenu de réponse. Mais "il n'y a pas de remise en cause de l'idée d'avancer sur le sujet", précise Pierre Le Douaron, chargé de la formation professionnelle au CNFPTLV. "On aurait pu imaginer que certaines régions ne montent pas dans le train, mais à l'heure actuelle, dans toutes les régions, il y a un premier round de diagnostic, permettant d'identifier les questions principales à régler. Le processus est engagé."
"Il vaudra engagement"
De l'avis de tous, cette nouvelle contractualisation est une avancée. "Une véritable opportunité pour les régions, les partenaires sociaux et l'Etat de créer une dynamique de travail collaboratif autour d'enjeux croisés branche/territoire, formation initiale/formation économique et développement économique/formation professionnelle", comme l'a souligné Pierre Ferracci, président du groupe Alpha, auditionné par Gérard Cherpion (député UMP des Vosges) et Jean-Patrick Gille (député PS d'Indre-et-Loire) dans le cadre de leur rapport parlementaire sur la mise en application de la loi orientation-formation, et qui est maintenant chargé par la région Paca de présider le groupe de travail régional pour l'élaboration du CPRDFP.
"C'est compliqué mais plutôt positif", estime aussi Laurence Demonet, vice-présidente déléguée aux formations et à l'accompagnement des parcours de vie au conseil régional de Lorraine. Les grands changements par rapport à l'ancien PRDF résident dans le caractère prescriptif du CPRDFP et dans la nouvelle contractualisation qui est imposée. "Il vaudra engagement, c'est extrêmement important", souligne la responsable lorraine. Comme le précise en effet la circulaire du 22 octobre 2010, la signature du CPRDFP "engage stratégiquement et financièrement les signataires ainsi que les membres du CCREFP." Des conventions annuelles d'application sont prévues, qui préciseront pour l'Etat et le conseil régional la programmation et le financement des actions, y compris les financements prévisionnels issus du programme opérationnel du fonds social européen (FSE).
L'idée de ce contrat est aussi de rassembler les contributions de tous les acteurs concernés par le sujet, région et Etat bien sûr, mais aussi missions locales, Pôle emploi, associations, entreprises, et partenaires sociaux. Et d'établir, ensemble, les priorités en termes de formation professionnelle et en fonction des bassins d'emploi concernés. "C'est une démarche tout à fait différente, il s'agit là de définir les problèmes et difficultés qu'on a envie de traiter ensemble", détaille Pierre Le Douaron.
En Lorraine, vingt-cinq contributions ont ainsi été reçues par le conseil régional, qui est en train de rédiger le document de synthèse. La région Centre est allée encore plus loin, organisant un appel à contributions des citoyens pour "sortir d'un cadre qui pouvait être très institutionnel", explique Isabelle Gaudron, vice-présidente de la région en charge de la formation, l'apprentissage et l'insertion. Et le fait de travailler ainsi, en synergie, est très apprécié. "Il faut complètement changer notre façon de travailler et se mettre en complémentarité pour construire une offre de formation. Pour le moment, je ne vois pas dans les vingt-cinq contributions de points de blocage majeurs, mais il faut écrire un texte et on souhaite que ce ne soit pas que des mots !", témoigne Laurence Demonet.
Du côté de la région Centre, après consultation, on a déjà dressé les thèmes prioritaires, au premier rang desquels figurent l'accompagnement des habitants, l'accompagnement des jeunes et notamment de ceux qui sortent tôt du système scolaire, l'égalité d'accès à la formation et la professionnalisation de la formation...
Une gouvernance encore en question
Mais après la finalisation des CPRDFP, il faudra voir si les engagements seront tenus. "Après juin, ce sera plus compliqué... On peut imaginer qu'il n'y aura que 30% du contrat qui sera appliqué", prévoit Laurence Demonet. En région Centre, on imagine des modalités différentes, selon les cas, comme des opérations cofinancées et "d'autres où chacun restera dans son domaine" : "Nous ne fixons pas de règles là-dessus, on se contente pour le moment de définir les priorités", précise Isabelle Gaudron. Le CNFPTLV a également relevé cette volonté de mettre en oeuvre des moyens communs, même s'il est encore trop tôt pour savoir si ce type de dispositif se confirmera dans les contrats.
Une chose est sûre : les premiers pas des CPRDFP confirment le rôle de chef de file des régions, lesquelles avaient pourtant largement critiqué le fait que ces nouveaux contrats devaient être signés par le préfet et le recteur et plus seulement par le président du conseil régional. "La seule institution à avoir une vue totale, globale de la sortie de la classe de troisième jusqu'à la retraite sur la formation professionnelle, c'est la région. On peut faire le lien et la coordination", affirme Laurence Demonet. Même écho en région Centre. "On est identifié comme partenaire et chef de file sur le sujet et on est les rédacteurs", se félicite Isabelle Gaudron.
Dans leur rapport, Gérard Cherpion et Jean-Patrick Gille faisaient état d'"une gouvernance encore en question" : "La coordination est une chose, mais qui jouera, dans les faits, le rôle du pilote ? Quel lien sera-t-il établi entre les divers acteurs concernés, qu'il s'agisse de ceux qui sont consultés ou concertés, des signataires du contrat de plan ou des membres du CCREFP ?", avaient questionné les deux députés. Des questions qui ressurgiront sûrement au moment de finaliser les projets de CPRDFP et de passer à l'action. D'autant plus que ces contrats de plan régionaux devront être coordonnés avec les autres supports contractuels comme les contrats d'objectifs territoriaux signés entre l'Etat, les régions et les branches professionnelles, et les contrats d'objectifs et de moyens (COM) apprentissage conclus entre l'Etat et les conseils régionaux, qui sont eux-mêmes en cours de renouvellement pour les cinq prochaines années...