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Formation professionnelle - La rivalité Etat-régions freine la réforme de la formation

Les décrets d'application de la loi relative à l'orientation et à la formation tout au long de la vie du 24 novembre 2009 vont bon train, constate un rapport parlementaire. La réforme achoppe cependant sur un point essentiel : la question du "pilote".

Quinze mois après la promulgation de la loi du 25 novembre 2009 qui a réformé la formation professionnelle, "certaines de ses mesures reçoivent déjà une application concrète significative", jugent les députés Gérard Cherpion (UMP, Vosges) et Jean-Patrick Gille (PS, Indre-et-Loire), dans un rapport présenté le 8 mars, en présence de la ministre de la formation et de l'apprentissage, Nadine Morano.
Vingt décrets d'application sont parus, qui permettent la mise en oeuvre de 17 dispositions de la loi sur 62. Treize articles sont encore en attente de leur décret. "Nos interlocuteurs ont plus souvent vu le verre à moitié vide qu'à moitié plein, mais comment pourrait-il en être autrement ?", a déclaré Gérard Cherpion, devant la commission des affaires sociales, soulignant avoir constaté une "forte adhésion au principe de la réforme".
Si les députés se félicitent de ces avancées ils n'en sont pas moins critiques sur un certain nombre de points, à commencer par la question de la gouvernance de la formation, que la loi n'a pas résolue. Le président de la commission, Pierre Méhaignerie, a lui-même dénoncé le fait qu'il y avait "beaucoup de pilotes dans l'opération" : l'Etat, les régions et les partenaires sociaux. "Il y a du bon vouloir, mais les responsabilités sont encore plus diluées qu'auparavant, a insisté Jean-Patrick Gille, en guise de conclusion. Le retour de l'Etat est un coup d'arrêt au processus de décentralisation." 

FPSPP : une mise en oeuvre "rapide" mais un équilibre qui "reste à trouver"

Cette absence de pilote se fait ressentir à l'heure actuelle dans l'élaboration des nouveaux contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles (CPRDF) devant être conclus au 1er juin 2011 pour six ans, entre l'Etat et la région. Leur objectif : assurer un développement cohérent des filières de formation initiale et continue. Or leur élaboration pâtit d'une "insuffisance de méthode", souligne le rapport, avec une difficulté d'impliquer les partenaires sociaux "qui ne sont pas toujours structurés au plan territorial". Les députés déplorent par ailleurs le retard pris pour la publication du décret relatif à la réforme du CNFPTLV (Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie), amené à jouer un rôle prospectif d'orientations pluriannuelles dans le cadre de ces contrats.
Nadine Morano, qui n'a pas hésité à parler de "loi historique", s'est défendue de ces critiques en déclarant qu'une circulaire du 22 octobre 2010 avait fixé un "cadre très détaillé" aux futurs contrats. Elle a également indiqué que le gouvernement avait chargé les sous-préfets "d'examiner par bassin d'emploi la réalité de la mobilisation des acteurs".
S'agissant du FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, doté de 800 millions d'euros en 2010 soit près du double du FUP  /Fonds unique de péréquation) qu'il est venu remplacer, sa mise en œuvre a été "rapide", se félicitent les rapporteurs, mais un équilibre "reste à trouver". Là encore, l'intervention de l'Etat est pointée du doigt. Jean-Patrick Gille a ainsi la critiqué la ponction de 300 millions d'euros en 2011 au profit des actions du gouvernement en matière d'emploi. "Ce prélèvement va à l'encontre de la volonté explicite du législateur", a fait valoir le député. Francis Vercamer (Nouveau Centre, Nord) l'a rejoint, affirmant que cette ponction n'allait "pas inciter les partenaires sociaux à alimenter le fonds", alors que certains d'entre eux demandent d'abaisser leur taux de contribution de 13% aujourd'hui à 10%.

L'Afpa "entrée en agonie"

Le rapport revient par ailleurs sur le sort de l'Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), l'un des échecs de la loi, puisque son article 54 qui prévoyait le transfert du patrimoine immobilier de l'Etat à titre gratuit a été censuré par le Conseil constitutionnel en décembre dernier. Entre le coût du transfert de ses psychologues à Pôle emploi, le désengagement financier de l'Etat et le passage aux appels d'offres, pour Jean-Patrick Gille, l'Afpa est "entrée en agonie". Nadine Morano a reconnu que c'est un "point qui fait problème". Elle a annoncé qu'"une mission d'experts de l'Inspection générale des finances et du Conseil d'Etat serait installée dans les prochaines jours" et qu'elle rendrait ses conclusions fin mai 2011. "D'ici là, la délégation intersyndicale sera reçue dans les prochains jours à mon cabinet."
Concernant le service public de l'orientation enfin, ces "maisons des métiers" que voulait Laurent Wauquiez, le décret de labellisation n'est toujours pas paru mais il est "sorti du Conseil d'Etat parfaitement conforme à la volonté du législateur", a indiqué la ministre.
Quant à savoir si tout cela profitera aux principaux intéressés, le mot le plus dur revient à Pierre Méhaignerie : "C'est une mécanique d'une lourdeur... Un système étatico-corporatiste... Je ne suis pas sûr qu'un pays veuille nous suivre dans ce système d'orientation tout au long de la vie."