Fonds vert : une circulaire fournit enfin les clefs de répartition régionale
Précisé au compte-goutte par le gouvernement, le fonctionnement du fonds vert à destination de la transition écologique des collectivités territoriales se dévoile davantage avec la publication d’une circulaire sur son mode opératoire et les critères de répartition régionale du financement. Prochaine étape : la répartition des enveloppes départementales par les préfets de région, d’ici fin janvier. La fongibilité des crédits et la possibilité de procéder à des réajustements en cours d’année donnent toutefois un caractère indicatif à la répartition du fonds, laissant subsister un certain flou.
Dans une circulaire, diffusée ce 18 janvier, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, fournit plusieurs précisions utiles à la mise en oeuvre du fonds vert, doté de 2 milliards d’euros pour aider les collectivités territoriales et leurs partenaires à "accélérer leur transition écologique", et effectif depuis début janvier. Un document très attendu des décideurs locaux, dont le ministre avait tout juste esquissé les bases, en novembre dernier, lors d’une audition par la commission des lois du Sénat, en insistant notamment sur l’exigence de simplicité d’usage du dispositif et sur son accessibilité, c’est-à-dire la disponibilité des services déconcentrés de l’Etat pour appuyer les élus dans leurs demandes et la conduite de leurs projets. Une première brique avait été apportée en ce sens avec la publication, début décembre, d’un guide d’une quarantaine de pages à leur intention pour les éclairer sur les objectifs du fonds vert et les différentes portes d’entrée (voir notre article du 6 décembre 2022). Mais de nombreuses questions restaient en suspens en particulier sur la répartition des enveloppes financières.
Les préfets auront toute latitude pour identifier les priorités
Ce n’est pas une surprise, les crédits du fonds sont entièrement déconcentrés aux préfets et ne seront donc pas distribués par appel à projets. Le ministre fait de la liberté de gestion des préfets (de région et de département) "un principe cardinal de fonctionnement du fonds au niveau local". Pour les y aider, trois axes d’intervention ont été identifiés - le renforcement de la performance environnementale dans les territoires, leur adaptation au changement climatique et l'amélioration du cadre de vie -, correspondant au total à 14 types de mesures finançables (dont le récapitulatif figure en annexe 1 de la circulaire). Des cahiers d’accompagnement des porteurs de projet et des services instructeurs ont également été transmis en parallèle de la circulaire de façon à préciser, pour chaque action, la nature des projets éligibles, des valeurs indicatives de subvention ou les modalités de candidature sur la plate-forme unique de dépôt (plateforme aides-territoires.fr/fondsvert).
De façon transversale, chacune des mesures bénéficiera d’un financement des prestations d’ingénierie et d’études "pour les collectivités qui en ont besoin". En outre, 25 millions d’euros pourront être mobilisés pour financer des prestations d’ingénierie de planification ou de stratégie. Par ailleurs, la Banque des Territoires déploiera une offre de services complémentaire adossée au fonds vert (détaillée par thématique en annexe 4), soit 207 millions d’euros de subvention pour une ingénierie territoriale dédiée aux projets et 1 milliards d’euros de prêts sur fonds d’épargne pour contribuer au financement des projets.
Articulation avec les autres leviers de la transition écologique
L’idée est bien sûr que le fonds vert "ne se substitue pas à d’autres financements mobilisables". Les préfets sont donc invités à ne pas baisser la garde sur la mobilisation des autres outils de l’Etat (fonds Barnier, DSIL, DTER, fonds mobilité active etc.). Le fonds est d’ailleurs cumulable avec les autres dotations de l’Etat et le taux d’aide sera là encore à la main des préfets, dans la limite de 80% d’aides de l’Etat (sauf cas particuliers précisés dans les cahiers d’accompagnement), souligne la circulaire (annexe 3).
Loin d’occulter les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), il pourra également permettre d’en "concrétiser certains", insiste également le ministère, qui appelle à "accentuer" les revues de projets qu’ils contiennent "quitte à en faire évoluer la liste" en fonction des remontées des collectivités. Le ministre ne fait toutefois pas de l’insertion du projet dans un CRTE une condition d’éligibilité au fonds vert, "qui doit pouvoir accompagner toutes les catégories de collectivités" et bénéficier "équitablement" aux territoires ruraux, urbains, péri-urbains, du littoral, de montagne. En revanche, les projets financés par le fonds vert auront bel et bien vocation à être inscrits dans les CTRE.
Démographie et besoins comme clefs de répartition
Les crédits seront délégués par la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), responsable du programme, aux préfets de région, en leur indiquant des cibles indicatives par mesure. A leur tour, ils répartiront les enveloppes entre départements, en dialogue avec les préfets de départements, et ce "dès que possible" et en tout état de cause avant fin janvier. Ces derniers ventileront les crédits entre les différentes mesures et seront chargés de leur exécution.
Autre information majeure fournie par la circulaire : les crédits seront répartis "en fonction des critères démographiques et des besoins propres à chaque territoire". Ces critères de répartition régionale par mesure sont présentés de manière synthétique en annexe 2. Ils visent "une répartition équitable" et en "correspondance" avec les problématiques rencontrées par les collectivités (le recul du trait de côte ou les risques cycloniques, par exemple), et ce dans un souci de "cohérence des interventions", et si nécessaire de "péréquation des moyens financiers". A titre d’illustration, pour l’éclairage public, le critère est celui du nombre de communes de 10.000 habitants par région. Sur le déploiement des zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m), celui des ZFE existantes, à créer et en dépassement. Pour la prévention des incendies, le nombre de départements concernés pondéré par le nombre de feux sur 2006-2020.
La marge de manœuvre des préfets est importante. La fongibilité des enveloppes et la possibilité de procéder à des "réajustements en cours d’année" donnent un "caractère indicatif " à la répartition du fonds par mesure, souligne la circulaire. Le principe a aussi bon dos pour entretenir un certain flou. Concrètement, les préfets auront la possibilité "d’allouer et de réallouer en cours d’exécution les crédits du fonds entre ses différentes mesures". Quelques repères sont cependant posés. Chacun des trois axes d’intervention devra représenter en exécution "au moins 10% des crédits délégués" et "chaque mesure devra faire l’objet d’au moins un projet", sauf celles s’appliquant à des territoires spécifiques littoraux, d’outre-mer ou de montagne, par exemple. De surcroit, 500 millions d’euros devront impérativement être fléchés sur les départements et EPCI dont la CVAE est supprimée. Sur l’enveloppe des 1,5 milliard restants, une petite partie sera grignotée par les dépenses des systèmes d’information et de communication (10 millions d’euros) et pour le fonds de restructuration des locaux d’activités (25 millions). Les préfets devront aussi veiller au respect de l’enveloppe de 150 millions d’euros en 2023 issue de ce fonds qui devra bénéficier au déploiement de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB). On sait suite aux diverses annonces que le volet sur le ZFE sera de 150 millions d’euros, le fonds friche sera abondé de 350 millions d’euros, 100 millions d’euros seront consacrés à la prévention des incendies et 500 millions pour la renaturation des villes.
Mode opératoire de la décision et suivi d’exécution
L’essentiel des mesures sera mis en oeuvre à l’échelle départementale par les préfets, à l’exception de celles relatives aux friches, aux bio-déchets et à la biodiversité qui le seront au niveau régional, par les préfets de région avec l’appui de l’Ademe et des agences de l’eau, et après consultation des préfets de département. La demande d'aide et le suivi de l'instruction du dossier s'effectueront sur l'outil Démarches simplifiées. Le rythme des engagements de crédits devra être "soutenu", sans que cela se fasse au détriment de la qualité environnementale des projets qui reste le curseur, insiste le ministre. Des jalons d’exécution seront communiqués aux préfets pour ce faire avec une certaine flexibilité. En cas de risque avéré de sous-exécution d’ici la fin de l’année, "des redéploiement entre régions" ou "des ajouts de mesures éligibles " pourront ainsi être opérés dans le courant de l’été.
Une réunion mensuelle avec le ministre est prévue pour les préfets de région de façon à identifier les mesures qui rencontrent le plus de succès ou les obstacles au bon fonctionnement du dispositif. Des comptes rendus trimestriels quantitatifs et qualitatifs sont également attendus. La circulaire insiste en outre sur "la bonne association des élus locaux à la gouvernance du fonds verts", selon des modalités à définir, même si en toute logique les comités locaux de cohésion des territoires (CLCT) semblent être le cadre adéquat. Les collectivités devront en retour afficher la bannière "France Nation verte" pour chaque projet subventionné.