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Fonds de péréquation du bloc communal (Fpic) : une répartition inchangée malgré la réforme territoriale

Si redoutés par les élus locaux, les effets de la nouvelle carte intercommunale sur la répartition du fonds de solidarité du bloc communal (le Fpic) ont été globalement limités, assure la DGCL dans un rapport au Parlement que Localtis s'est procuré. 1% seulement des territoires est passé d'une situation de bénéficiaire à celle de contributeur au fonds. Retour sur les principales conclusions de ce rapport, au moment où, ce 9 novembre, les députés examinent en commission les dispositions du projet de loi de finances pour 2018 relatives à la péréquation entre les collectivités.

Les élus locaux redoutaient que la nouvelle carte intercommunale prenant effet au 1er janvier 2017 ne perturbe fortement la situation des communautés au regard du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic). Ce mécanisme créé par la loi de finances pour 2012, qui est rapidement monté en charge - au point de redistribuer en 2017 un milliard d'euros entre les territoires les plus riches et ceux qui sont les plus défavorisés - est en effet un mécanisme qui fonctionne à l'échelle intercommunale.
L'inquiétude était grande notamment du côté du comité des finances locales (CFL) et de son président, André Laignel. L'instance avait demandé au gouvernement, dès juin 2016, la réalisation par la direction générale des collectivités locales (DGCL) de simulations permettant de mesurer le bouleversement à venir et ainsi éventuellement d'initier des mesures au Parlement. Ce souhait n'a jamais été exaucé, l'administration mettant notamment en avant les difficultés techniques de l'opération. Le directeur général des collectivités locales, Bruno Delsol, a tout de même livré au CFL, fin mars 2017, non des estimations, mais de premiers éléments de bilan des conséquences des récentes évolutions intercommunales sur la situation des communautés vis-à-vis du Fpic. Entre 2016 et 2017, "une douzaine" d'ensembles intercommunaux (communes et leur intercommunalité considérées comme un tout) seulement sont passés de l'état de bénéficiaire net au fonds à celui de contributeur net ou sont arrivés au strict équilibre, avait-il annoncé. C'est, avait-il précisé, "très nettement moins" qu'entre 2015 et 2016, où 97 ensembles intercommunaux avaient alors connu un basculement. Il fallait en conclure que, loin des craintes exprimées par les élus locaux, la situation globale des communautés à l'égard du Fpic a en fin de compte très peu évolué après les quelque 400 fusions de communautés mises en oeuvre en début d'année.

59% des territoires sont réellement bénéficiaires au Fpic

Dans un rapport qu'il vient de remettre au Parlement sur "le fonctionnement et l'évolution" du Fpic et que Localtis s'est procuré (à télécharger ci-dessous), le gouvernement confirme le premier bilan que la place des Saussaies a effectué au début du printemps. La refonte de la carte intercommunale n'a pas modifié "les équilibres globaux de la répartition [du fonds] par rapport à 2016", affirme le ministère de l'Intérieur dans ce rapport élaboré en application de l'article 166 de la loi de finances pour 2016. "93% des ensembles intercommunaux et des communes isolées voient leur situation inchangée en 2017 par rapport à 2016", indique-t-il sur la base de savants calculs. Dans le détail, neuf ensembles intercommunaux (soit 1% du total) qui étaient bénéficiaires nets au Fpic en 2016 sont devenus cette année des contributeurs nets au dispositif. Par ailleurs, dix ensembles intercommunaux dont la situation était neutre par rapport au fonds sont eux aussi tombés dans la catégorie des contributeurs nets. Dans le sens inverse, 41 ensembles intercommunaux (soit 3%) qui contribuaient effectivement au Fpic l'an dernier, font à présent partie des bénéficiaires nets.
Toujours selon le rapport, sur les 1.279 ensembles intercommunaux et communes isolées existant en 2017, 34% sont des contributeurs nets au Fpic. Cela représente 435 territoires et 41% de la population. Le changement par rapport à l'an dernier est minime, puisque 35% des territoires étaient des contributeurs nets (soit 746 ensembles intercommunaux et communes isolées réunissant 43% de la population). Côté bénéficiaires cette fois, le changement est plus grand. En 2017, 59% des ensembles intercommunaux et communes isolées (représentant 54% de la population), sont des bénéficiaires nets au Fpic. L'an dernier, leur proportion était de 55% et ils réunissaient 50% de la population.

45 millions d'euros pour le territoire de la métropole de Marseille

Un certain nombre d'élus locaux s'attendaient à une relative stabilité du Fpic de manière globale, mais redoutaient que certains territoires pris individuellement ne connaissent de fortes évolutions à l'égard du mécanisme de solidarité. Selon eux, les communautés dont les limites n'ont pas bougé, ou très peu, en début d'année, risquaient particulièrement d'être pénalisées. Le ministère de l'Intérieur tend à démontrer que ce type d'effet a en fait été plutôt limité. Pour les territoires alimentant le fonds comme pour ceux qui en bénéficient, la part de ce dernier dans leurs ressources fiscales totales a connu de "faibles" variations entre 2016 et 2017. Pour 93% des territoires enregistrant un écart positif, ce dernier est inférieur à 4 points. En outre, pour 99% des territoires constatant une variation négative, celle-ci est inférieure à 2% (dans leurs ressources fiscales totales).
Comme dans le rapport qu'il avait remis au Parlement en octobre 2016 sur le dispositif, la DGCL souligne que "le Fpic est un puissant instrument de rééquilibrage des ressources entre les collectivités". Les versements ont atteint dans certains cas des montants "significatifs". Les communes et la métropole d'Aix-Marseille-Provence par exemple ont perçu cette année "une attribution supérieure à 45 millions d'euros". Nombre de territoires (222) se sont vu octroyer une somme comprise "entre 1 million d'euros et 10 millions d'euros".
Avec des montants calculés notamment à partir de la richesse des territoires et du revenu de leurs habitants, le mécanisme a permis entre 2016 et 2017 de réduire les inégalités de richesses entre les territoires "de plus de 12%". Le dispositif "est péréquateur pour 80% des territoires concernés par le fonds" et bénéficie aux "territoires les plus pauvres".

Les dysfonctionnements du fonds ont été en grande partie levés

Le fonds aurait notamment permis pour ces territoires d'"atténuer les effets" de la baisse de la dotation globale de fonctionnement. Globalement, les ensembles intercommunaux d'une taille comprise entre 20.000 et 100.000 habitants en ont particulièrement profité, alors que, toujours globalement, ceux de plus de 200.000 habitants ont contribué massivement au mécanisme de solidarité.
L'efficacité du dispositif, déjà constatée en 2015, s'est encore accrue depuis, selon le rapport. La loi de finances pour 2016 a exonéré de prélèvement au titre du Fpic les communes urbaines et rurales les plus défavorisées, rappelle-t-il. Les EPCI à fiscalité propre dont sont membres ces communes acquittent les prélèvements à leur place. Ces mesures "sont opérantes", affirme la DGCL. Il n'existe, selon elle, quasiment plus de "communes pauvres" appartenant à "un EPCI riche" et devant, malgré leur indigence, alimenter le Fpic. La question qu'avaient soulevée nombre d'élus locaux au cours de ces dernières années serait donc "en grande partie résolue", souligne-t-elle.
Le problème lié à la perception de versements du Fpic par des "communes riches" membres d'"intercommunalités pauvres" semblerait aussi en voie de règlement. La loi de finances pour 2017 a prévu l'exclusion du bénéfice du Fpic des communes qui ont un potentiel financier par habitant deux fois supérieur au potentiel financier par habitant moyen des communes de leur EPCI d'appartenance. Selon le rapport, le mécanisme "permet d'exclure du reversement 283 communes" [...] et 'libère' 1.755.622 euros" au profit des autres communes des territoires concernés.

"Un effort soutenable pour les territoires contributeurs"

Plus cohérent, le Fpic devrait donc logiquement gagner en crédibilité et être mieux accepté. Pour autant, on peut douter que les manifestations d'hostilité de certains - notamment les élus franciliens et ceux des massifs montagnards - ne disparaissent. Ils continueront probablement à critiquer un mécanisme qui "confisque" les ressources de leurs collectivités. Comme dans les précédents rapports, les auteurs s'emploient encore à démontrer à ce sujet que "l'effort supporté au titre du Fpic est soutenable pour les territoires contributeurs". 73% des territoires contributeurs nets au Fpic et au dispositif de solidarité spécifique à l'Ile-de-France, le Fsrif, ont une contribution nette à ces fonds de péréquation représentant moins de 5% de leurs recettes fiscales totales. Ce taux peut grimper jusqu'à 10 à 13% des ressources fiscales totales, mais seulement pour 3% des territoires. Au total, le montant moyen prélevé par habitant en direction du Fpic s'élève à 24,48 euros en 2017, contre 25,34 euros en 2016.
En 2017, le Fpic est "plus utile que jamais", fait savoir l'Assemblée des communautés de France (ADCF), que Localtis a interrogée. En ramenant le nombre d'EPCI à fiscalité propre de 2.062 en 2016 à 1.266 cette année, la réforme territoriale a réduit mécaniquement les écarts de ressources entre eux. Mais, à l'intérieur de ces territoires, qui sont beaucoup plus qu'auparavant constitués de zones à la fois urbaines et rurales, les écarts de richesse se sont accrus. "La nécessité de la péréquation au sein des communautés a grandi", souligne l'ADCF.
Pour mettre en oeuvre la solidarité, les communes et communautés peuvent plus facilement décider selon leurs propres règles (et non en suivant les dispositions prévues par la loi) de la répartition des versements et/ou des contributions entre l'EPCI et ses communes membres. Les parlementaires leur ont en effet donné des marges de manoeuvre par des dispositions de la loi de finances pour 2016. De nombreux ensembles intercommunaux ont saisi cette opportunité, puisque l'utilisation des modalités dérogatoires de répartition du Fpic a plus que doublé entre 2015 et 2016. L'an dernier, plus du quart des ensembles intercommunaux en ont fait usage, permettant "une répartition du Fpic encore plus proche des réalités socio-économiques de chaque territoire", selon le rapport. Mais il n'est pas certain qu'en 2017, et à l'avenir, leur proportion augmente. En juillet 2016, le Conseil d'Etat avait rendu au gouvernement un avis défavorable à un nouvel "assouplissement significatif" dans ce domaine, au motif qu'une commune pourrait, avec des règles de répartition définies librement, être mise en difficulté contre son gré. On notera que cet avis, qui n'avait pas été rendu public, figure en annexe du rapport.

 

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