Foncier agricole : un fonds de portage national est lancé pour soutenir les installations
La Fédération nationale des Safer vient de lancer avec des partenaires un fonds de portage capitalistique, pour permettre à de jeunes agriculteurs de s'installer sans investir tout de suite dans le foncier, mais tout en ayant la possibilité de le faire plus tard. Installation, rémunérations, montée en gamme et circuits courts de l'alimentation : comment favoriser le "manger local", ont plus globalement interrogé les Safer ce 3 mars au Salon de l'agriculture.
Au Salon international de l'agriculture ce 3 mars 2023, la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (FNSafer) a annoncé le lancement du fonds de portage destiné à faciliter l'installation d'agriculteurs sans capital, fonds sur lequel elle travaille depuis plusieurs années. Financé d'ores et déjà par le Crédit agricole, le Crédit mutuel, France active et les Safer, ce fonds intitulé Elan est porté par le fonds d'investissement à impact Citizen capital.
Un fonds de portage à l'échelle nationale
Dans un contexte démographique tendu et alors que le type de repreneur a un impact important sur l'évolution du modèle dans un sens ou dans l'autre (voir notre article du 28 février 2023), le fonds de portage permettra d'acquérir des terres et de les louer à des agriculteurs souhaitant s'installer, avec un horizon possible de 30 ans. "À partir de la dixième année, l'agriculteur qui aura bénéficié d'un bail rural pourra racheter le foncier", explique Emmanuel Hyest, président de la FNSafer. C'est donc selon lui "une démarche de progression sociale", qui permet à l'exploitant d'investir au bon moment pour lui sans avoir à subir l'inflation.
Dans la panoplie des outils visant à davantage maîtriser le foncier agricole et à soutenir l'installation d'agriculteurs, une telle solution de portage du foncier n'existait pas encore à l'échelle nationale, même si des foncières agricoles commencent à voir le jour, comme celles portées par la région Occitanie (voir notre article du 7 juillet 2022) et par l'entreprise Fermes en vie (voir notre article du 11 octobre 2022). "On ne peut pas demander à une personne de prendre tous les risques", selon Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, qui souligne la nécessité de cette nouvelle "brique de sécurisation". Ce fonds de portage était "pleinement demandé par la profession", abonde un représentant de la FNSEA.
AOP et outils techniques : des leviers en faveur du "manger local"
La FNSafer avait précédemment animé une table-ronde intitulée "Manger local : oui mais comment ?". Le maintien des exploitations et l'installation passent certes par le foncier, mais aussi beaucoup par un travail sur une rémunération décente des agriculteurs, pour Magali Saumade, présidente de la chambre d'agriculture du Gard. Pour cette dernière, un levier en particulier n'est pas à négliger : celui des appellations d'origine protégée (AOP). Le portage de l'AOP Taureau de Camargue a ainsi permis la valorisation de cette viande, tant sur le plan culturel qu'au niveau du prix. "Ces démarches sont également favorables au tourisme", ajoute-t-elle, louant les "élus visionnaires" ayant permis de renforcer l'attractivité des Cévennes autour de la culture des oignons et d'une AOP dédiée.
Ensuite, pour aider les agriculteurs à répondre aux attentes actuelles, notamment sur l'approvisionnement en produits locaux de la restauration collective, "il faut des outils techniques", poursuit Magali Saumade. La chambre d'agriculture du Gard a créé avec les collectivités "Le mas des agriculteurs", magasin fédérant quelque 4.000 producteurs, avec une priorité affichée au bio.
En Isère, le département et la chambre d'agriculture, en lien avec la métropole de Grenoble et plusieurs autres intercommunalité, ont mis en place un pôle agroalimentaire visant à reconnecter la production locale avec la demande du territoire en produits bio ou HVE. Centré sur l'approvisionnement des magasins locaux et de la grande distribution, ce pôle s'inscrit en complément de la plateforme "Mangez bio Isère" tournée vers la restauration collective. En Isère, les collèges sont approvisionnés à 50% en produits locaux et à 30% en bio. Ainsi pour Pascal Denolly, président du pôle agroalimentaire de l’Isère, au-delà de la gouvernance mise en place dans le cadre des projets alimentaires territoriaux (PAT), les collectivités ont intérêt à financer de tels outils pour impulser la dynamique et permettre notamment à des "sas" tels que des légumeries de bien fonctionner. L'enjeu étant pour lui "de petit à petit faire en sorte que le modèle soit rentable pour les acteurs économiques".