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Renouvellement des agriculteurs : le foncier, toujours le foncier

Dans les dix années à venir, la moitié des agriculteurs vont cesser leur activité. Alors pour faciliter le renouvellement des générations et l'installation de jeunes agriculteurs, il faut impérativement préserver le foncier agricole, alerte la Fédération nationale des Safer, à l'entame de ce quinquennat. Une façon de remettre sur la table la "grande loi foncière" réclamée de longue date par la profession.

"Alors que des départs à la retraite massifs ont commencé et vont s’intensifier dans les dix années à venir, la nécessité d’assurer le renouvellement des générations en agriculture est vitale pour les territoires ruraux et pour la société dans son ensemble, tant sur le plan économique que social et environnemental." L’alerte vient de la Fédération nationale des Safer (sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural) dans son atlas sur Le Prix des terres publié le 24 mai (voir notre article du 24 mai 2022). Patente depuis plusieurs années, la question du renouvellement des générations, à laquelle devra s’atteler le nouveau ministre de l’Agriculture… et de la Souveraineté alimentaire, devient urgente.

Depuis plusieurs décennies, la ferme France vit un mouvement de concentration. Les trois quarts des exploitations agricoles ont disparu en cinquante ans, passant de 1,6 million à près de 389.500, selon les chiffres du recensement agricole. Sur dix ans, 100.000 exploitations ont disparu (-21%). En 2020, 12.510 chefs d’exploitation se sont installés, soit un taux de renouvellement de 2,9% qui reste "structurellement insuffisant et rend compte de la diminution des exploitations agricoles françaises".

Ce sont les exploitations en élevage qui sont les plus touchées par la déprise : -40% en dix ans pour les bovins et -36% pour les ovins-caprins, alors que les grandes cultures sont relativement stables (-2,7%). Seuls sont en progression l’horticulture et le maraîchage (+9,3%).

60% des agriculteurs ont plus de 50 ans

Or le mur des retraites approche à grands pas : dans les dix années à venir, la moitié des agriculteurs vont cesser leur activité, dans un contexte de solde déjà négatif entre départs et arrivées. Actuellement, la moyenne d’âge des chefs d’exploitation est de 49 ans et 4 mois. Et 60% d’entre eux avaient plus de 50 ans en 2020. La part des plus de 60 ans ne cesse d’augmenter. Ils sont passés de 22% à 27,4% en dix ans, dépassant désormais les 40/50 ans (21,7%). Si les faibles niveaux de retraites conduisent souvent les agriculteurs à repousser leur départ, celui-ci se situe autour de 63 ans. C'est donc bien une vague de départs qui se profile. L’équation est insoluble en l’état des nouvelles recrues.

Les Safer, dont l’une des missions est de veiller à l’installation de jeunes agriculteurs (1.500 ont été aidés en 2021), identifient de nombreux freins. Dans un contexte difficile, "la plupart des cédants recherchent un arrêt rapide de leur activité". Il est ainsi à la fois "plus facile, plus rapide et plus rentable" pour eux de se tourner vers un "voisin" que d’accueillir un jeune inconnu. Les repreneurs, eux, sont à la recherche de gains de productivité, passant par l’agrandissement. "La poursuite à l’excès d’un modèle à bout de souffle (la diminution des coûts de production) semble la seule solution pour beaucoup", explique la fédération. Autant d’éléments qui exercent une véritable pression sur le foncier. Un problème d’autant plus délicat que nombre de nouveaux agriculteurs ne sont pas issus du monde agricole et se trouvent confrontés à des difficultés supplémentaires : "méconnaissance du système, absence de relation, crédibilité vis-à-vis du cédant ou du propriétaire".

L'Occitanie se dote d'une foncière agricole

Le système actuel favorise donc les agrandissements sur les nouvelles installations et alimente la concentration dans un petit nombre d’exploitations, de plus en plus souvent sous formes sociétaires, avec des structures de holdings complexes et pas toujours transparentes. Ainsi la part des grandes exploitations est-elle passée de 14,6% à 18,7% du nombre d’exploitations et de 32,3% à 39,2% de la surface agricole entre 2010 et 2020. En sens inverse, les petites reculent de 60,3% à 56,8% en nombre et de 26,3% à 23,7% de la surface agricole. Autre traduction de cette forte concentration, voire de cet "accaparement" : les exploitations se sont agrandies et couvrent en moyenne 68,6 ha, contre 18,8 cinquante ans plus tôt, alors que la surface agricole utile, elle, a baissé de 10,2%. A cet égard, la reprise de l’artificialisation en 2021 (au plus haut depuis dix ans) n’est pas une bonne nouvelle. "L’accaparement du foncier, la concentration des exploitations, l’agrandissement excessif, le vieillissement de la population agricole sont à l’œuvre depuis plusieurs décennies. Les Safer observent ces tendances, elles alertent. Les législations évoluent mais pas assez vite !", pointe la fédération. La dernière loi en date est celle du 23 décembre 2021 portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires (voir notre article du 16 décembre 2021). Elle entrera en vigueur au 1er novembre 2022 et permettra de mieux contrôler les cessions de parts. Mais comme l’avait dit l’ancien ministre de l’Agriculture alors, il ne s’agit que d’une "première étape opérationnelle" appelant "le chantier d’une grande loi foncière" réclamée par la profession. Une promesse d'Emmanuel Macron qui n'a pas été tenue lors de son premier quinquennat. Des régions ont décidé de prendre le problème du renouvellement des générations à bras le corps. C'est le cas de l'Occitanie qui va se doter d'une foncière agricole. Dotée dans un premier temps d’un capital de 3,5 millions d'euros, elle permettra d'emprunter auprès des banques pour acheter des terres avant de les mettre en location à de jeunes agriculteurs.

 

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