Finances publiques : le gouvernement décrète l'état d'alerte

Le Premier ministre a lancé ce 15 avril, lors d'un comité d'alerte des finances publiques auquel participaient des représentants des associations d'élus locaux, les travaux de concertation sur le projet de budget pour 2026. "Nous devons mesurer la gravité de la situation" du déficit et de la dette, a-t-il dit, alors que le gouvernement estime à 40 milliards d'euros le montant des économies à trouver l'an prochain dans l'ensemble de la sphère publique. Les modalités de la participation des collectivités seront précisées dans les prochaines semaines.

L'exécutif souhaite réduire de 6% les dépenses publiques d'ici à 2029, un effort auquel il demande aux collectivités de participer mais, à ce stade, sans définir quelle sera leur part. Entouré de nombreux collègues du gouvernement, le Premier ministre, François Bayrou, a évoqué ce 15 avril "l'ascension de l'Himalaya" qui l'attend. Il clôturait la première réunion du comité d'alerte budgétaire, réunissant des représentants de l'État et de ses opérateurs, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales, ainsi que des parlementaires. Mais l'Association des maires de France avait décidé de boycotter la réunion, dénonçant "une séquence de communication" (voir notre article).

"Il est des heures de vérité décisives et celle-ci en est une. Seule une prise de conscience de nos concitoyens, seule la confrontation les yeux ouverts avec la vérité de notre situation [budgétaire], peut soutenir une action déterminée", a déclaré l'hôte de Matignon, derrière lequel étaient inscrits ces mots : "La vérité permet d'agir".

L'effort de 6% de réduction de la dépense en cinq ans équivaut à un effort de "1% par an, un peu moins même les premières années", a détaillé le ministre de l'Économie, Éric Lombard. L'objectif est de ramener le déficit public à 3% du PIB en 2029, le maximum autorisé par les règles de l'Union européenne.

Deux jours plus tôt, le ministre avait annoncé un effort "de 40 milliards d'euros" l'an prochain, sous forme "essentiellement" d'économies, pour réduire le déficit public de 5,4% du PIB - objectif 2025 - à 4,6% en 2026.

Contribution "juste et prévisible" 

La France s'était déjà dotée d'un budget pour 2025 prévoyant une cinquantaine de milliards d'euros d'efforts, renforcé cette semaine par cinq milliards supplémentaires puisés dans des crédits mis en réserve.

"L'effort doit être équitable entre les trois grandes catégories" - État, sécurité sociale et collectivités territoriales - et cela relèvera "du dialogue", a déclaré le patron de Bercy ce 15 avril. Pour sa part, le secteur public local doit avoir une contribution "juste et prévisible", a estimé François Rebsamen, le ministre de l'Aménagement du territoire. La progression des dépenses de fonctionnement des collectivités "reste relativement élevée" ("+3,9%"), a-t-il dit. Le gouvernement souhaite voir ces dépenses ralentir. Mais pour que que celles-ci "diminuent", "il faudrait que l'État n'impose pas lui-même de nouvelles dépenses de fonctionnement aux collectivités locales", a reconnu l'ancien maire de Dijon, sous les applaudissements du président de Départements de France, François Sauvadet. François Rebsamen a également insisté sur la nécessité de limiter "le coût des normes" pour les collectivités. Un discours que l'on a souvent entendu de la part des gouvernements successifs. Plus neuve est en revanche la volonté de l'exécutif d'offrir aux élus locaux une "visibilité pluriannuelle" sur les recettes de leurs collectivités, une attente de leur part.

François Bayrou a lui aussi fait montre d'une certaine attention pour les collectivités. "Nous devons agir en restant fidèles à notre organisation décentralisée, en préservant l'autonomie des collectivités locales", a-t-il lancé au cours de son allocution d'une quarantaine de minutes, en présence de nombreux journalistes. "Ce sont elles qui portent une grande part de l'investissement de notre pays, beaucoup plus que l'État", a-t-il aussi souligné. L'idée du gouvernement est de "prioriser" cependant "les investissements d'avenir". En parallèle, il veut "arriver à simplifier les soutiens de l'État" à ces investissements, "parce qu'il faut apporter plus de clarté dans le maquis de ces soutiens", selon François Rebsamen.

Missions de l'État, agences, achats…

Pour "partager le diagnostic de la santé financière des collectivités et bâtir une stratégie pluriannuelle de participation au redressement", le gouvernement réunira le 6 mai prochain une conférence des territoires, sous l'égide du Premier ministre.

L'État et son organisation - qu'elle soit centrale ou déconcentrée - sont aussi ciblés, on le sait, par ce gouvernement en quête d'économies. Lancée fin février par le Premier ministre pour "identifier les doublons et redondances", la "remise à plat des missions et des budgets" des administrations de l'État sera suivie par "une évaluation de l'exécution" des missions de l'État, à laquelle seront associées l'Assemblée nationale et le Sénat. Cette "revue des missions" sera l'occasion de "voir si elles sont bien remplies" et aussi "si c'est à l'État ou aux collectivités" de les porter. Les conclusions de la démarche sont annoncées pour le mois de mai.

"Nous irons au bout" du "chantier sur les opérateurs et les agences", a par ailleurs lancé la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin. Il s'agira de "les fusionner" ou de "les refaire entrer dans l'État quand tout cela est devenu trop fragmenté". "Il faut parfois en supprimer, mais toujours en respectant l'action publique", a-t-elle aussi indiqué.

Le gouvernement s'intéresse à plusieurs autres pistes d'économies, comme la révision du "mécanisme des achats" publics - qui entraînerait des surcoûts sur les dépenses courantes des administrations publiques - et une réflexion sur "la gratuité [des services publics] qui déresponsabilise". Avec cela, nous pouvons réduire la dépense sans tronçonneuse, serpette, ou sécateur", a jugé la ministre des Comptes publics.

"Grands choix" présentés avant mi-juillet

Trois mois de chantiers et de concertations s'ouvrent pour construire le projet de budget pour 2026, puisque les "grandes orientations" retenues par le gouvernement seront présentées "avant le 14 juillet". L'exécutif ne veut pas en effet attendre l'échéance habituelle du mois de septembre pour dévoiler ses arbitrages budgétaires. Par ailleurs, deux autres comités d'alerte des finances publiques sont programmés, en juin et septembre.

"On va voir", mais "on cible moins les collectivités locales", réagissait Sébastien Miossec, président délégué d'Intercommunalités de France, à l'issue du rendez-vous avec le gouvernement.

 

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