Réduction du déficit : vers la conclusion d'un "contrat" entre l'État et les collectivités ?
La conférence de financement des territoires, qui se réunira "probablement à la fin du mois d'avril" sous la houlette du Premier ministre, aura pour objectif la mise au point d'un "contrat" sur "la relation financière" entre l'État et le secteur public local, a indiqué le 1er avril la ministre chargée des comptes publics. C'est dans ce cadre que les collectivités participeraient à partir de l'an prochain à la maîtrise du déficit public.

© Capture vidéo Assemblée ntionale/Amélie de Montchalin
En matière de finances publiques, comme dans tout domaine, les mots ont leur importance. Amélie de Montchalin avait évoqué fin mars, dans une interview à L'Opinion, l'idée d'un "partenariat" entre l'État et les collectivités sur les finances publiques locales. Auditionnée le 1er avril par les députés de la délégation aux collectivités territoriales, elle a cette fois envisagé ouvertement le projet de mise en place d'"une forme de contrat" sur la "relation financière" entre l'État et les collectivités. "J'ai bien dit contrat et pas contractualisation", a-t-elle souligné, en précisant qu'"un contrat, c'est des droits et des devoirs mutuels".
"Visibilité à plusieurs années"
"Le mot clé qui nous guide est le mot de prévisibilité", a-t-elle déclaré. "C'est ce que nous avons à bâtir en 2025 pour offrir sur au moins la moitié du mandat" (2026-2028, voire aussi 2029) "un contrat qui doit concerner notre relation financière". L'idée est que les élus "puissent construire leur mandat, leur projet pluriannuel d'investissement, leur fonctionnement sur la base d'une visibilité à plusieurs années". Les échanges entre le gouvernement et les élus locaux viseront à déterminer "la manière dont les collectivités, qui sont essentielles à l'investissement dans des secteurs clés, peuvent continuer à porter ces investissements", mais "tout en contribuant à la réduction du déficit", a complété la ministre. Le rythme d'évolution des dépenses du secteur public local dans son ensemble a dépassé en 2024 celui de ses recettes, a-t-elle pointé. Or l'État doit être "en mesure d'amener le pays à moins de 3% de déficit [par rapport au produit intérieur brut] en 2029", a-t-elle rappelé.
La ministre a rencontré ces derniers jours les représentants des associations d'élus locaux pour commencer à évoquer les modalités du contrat auquel elle souhaite aboutir. Et visiblement, ils ne voient pas tous les choses de la même manière. "Certains préféreraient que ce contrat porte sur les recettes, d'autres pensent que le bon indicateur, c'est plutôt celui de l'autofinancement [NDLR : la différence entre les recettes et les dépenses de fonctionnement]. D'autres disent qu'au fond un contrat sur certaines dépenses clés de fonctionnement pourrait être une bonne idée".
"Lien fiscal" dans les communes
"C'est un travail que nous souhaitons partenarial, de coconstruction" avec "les collectivités, les acteurs responsables qui les gouvernent", a affirmé la ministre, qui entend bien se démarquer des propos accusateurs que Bruno Le Maire, l'ancien ministre de l'Économie, avait tenus l'été dernier. De quoi rassurer les élus locaux en vue de la conférence de financement des territoires, que le Premier ministre pourrait réunir "probablement d'ici à la fin du mois d'avril".
La ministre s'est dite "ouverte (…) dans le cadre de cette prévisibilité" à un réexamen de certaines compensations de fiscalité locale (par exemple les compensations de la suppression de la taxe professionnelle) attribuées à des communes dont la situation a beaucoup évolué. De même, elle s'est dite favorable à une réflexion sur une nouvelle répartition sur les territoires de certaines recettes de production d'énergie (comme la taxe sur les éoliennes).
Mais en matière de fiscalité locale, Amélie de Montchalin a surtout ouvert la porte à une éventuelle réflexion sur la mise en place d'une nouvelle contribution territoriale pour financer le bloc communal. "Se pose dans beaucoup de mes échanges avec les élus locaux la question de l'imposition forfaitaire universelle d'utilisation des services publics, pour rétablir un lien fiscal entre tous les habitants des communes et les élus", a-t-elle dit. Estimant que la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales avait été "une bonne réforme", elle a toutefois considéré qu'il est "tout à fait intéressant de regarder comment nous pouvons recréer, sans hausse de la fiscalité, potentiellement avec des modèles fiscaux différents, ce lien un peu consubstantiel entre le citoyen, l'habitant et la commune".
"Épargne forcée" : prélèvements au plus tôt le 20 mai
Cette prise de position de la ministre intervient un mois après celle de son collègue chargé de l'aménagement du territoire sur ce sujet sensible. "Il n'est pas possible que certaines collectivités puissent vivre avec seulement 20% de contributeurs" (en l'occurrence les villes comptant 80% de locataires), avait déclaré François Rebsamen devant des députés. Il s'était dit "favorable à ce qu'on reprenne une réflexion sur une contribution minimale rétablissant ce lien de résidence" (voir notre article).
Autre information communiquée par la ministre : le détail des montants qui seront prélevés sur les recettes fiscales d'un peu plus de 2.000 collectivités et intercommunalités dans le cadre du dispositif de "lissage" (Dilico) d'un milliard d'euros, inscrit dans la loi de finances pour 2025, sera connu "au mois d'avril". "Avec un prélèvement qui pourrait intervenir au plus tôt le 20 mai", a-t-elle indiqué. "Il est important que les collectivités sachent le plus tôt possible si elles vont être contributrices et, dans ce cas, à quelle hauteur", avait estimé, peu avant, le socialiste Stéphane Delautrette, président de la délégation aux collectivités territoriales.