Emploi - Fin de partie pour la loi Travail
Sans surprise, Manuel Valls a utilisé une troisième et dernière fois l'article 49-3 de la Constitution pour faire adopter par les députés, ce 20 juillet après-midi, le projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Ce texte dont les travaux ont démarré en mars dernier devrait ainsi connaître son épilogue le 21 juillet si aucune motion de censure n'est déposée avant 16h30, ou si celle-ci n'est pas votée.
Le 19 juillet, les sénateurs qui examinaient le texte en nouvelle lecture l'ont rejeté sans débat, estimant n'avoir été entendus ni par le gouvernement ni par l'Assemblée. Par 187 voix contre 154, ils ont adopté une question préalable présentée par leur commission des affaires sociales entraînant ainsi le rejet de l'ensemble du texte. Le co-rapporteur Jean-Baptiste Lemoyne (sénateur apparenté LR de l'Yonne) a ironisé sur un débat de "cinq mois pour faire en sorte que le texte ne satisfasse personne". En réponse, la ministre du Travail, Myriam El Khomri, a souligné qu'"entre le statu quo et la surenchère libérale, il y [avait] la voie du progrès négocié".
La loi nécessite la rédaction de 127 décrets pour sa mise en œuvre effective. Les syndicats opposés au texte, qui ont déjà organisé douze journées de manifestations nationales, ont fixé un nouveau rendez-vous au 15 septembre.
Accords d'entreprise, 35 heures, licenciements
Le projet de loi prévoit notamment, on le sait, la primauté des accords d'entreprise sur les accords de branche (en parallèle, un travail de réduction du nombre de branches doit être engagé). Pour être valide, un accord d'entreprise devra être majoritaire, c'est-à-dire, signé par des syndicats représentant plus de 50% des suffrages aux dernières élections. A défaut d'accord majoritaire, les syndicats minoritaires (représentant au moins 30% des suffrages aux dernières élections) pourront initier un référendum auprès des salariés pour valider l'accord.
Le texte maintient par ailleurs le cadre légal de 35 heures de travail hebdomadaire, contrairement à la volonté des sénateurs. Il précise également les critères justifiant un licenciement économique, différents selon la taille de l'entreprise. Le périmètre géographique d'appréciation des difficultés est international.
D'autre part, le plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif est définitivement supprimé malgré son rétablissement par le Sénat.
Création du CPA et généralisation de la garantie jeunes
Autre mesure emblématique du texte : la création, au 1er janvier 2017, du compte personnel d'activité (CPA) - également ouvert aux retraités - permettant à chaque personne d'accumuler tout au long de sa carrière des droits et de décider de leur utilisation : formation ou départ anticipé à la retraite par exemple. Il comprend le compte personnel de formation (CPF), le compte pénibilité au grand dam du patronat, et un nouveau compte d'engagement citoyen.
D'autre part, pour les jeunes sans emploi, ni en étude ou en formation, la garantie jeunes sera généralisée dès 2017 sous condition de ressources (accompagnement renforcé vers l'emploi et allocation mensuelle de 461 euros pendant un an). Pour les jeunes de moins de 28 ans diplômés depuis moins de trois mois, une aide à la recherche du premier emploi est créée. Elle sera accordée pendant quatre mois.
Le contrat de professionnalisation est par ailleurs aménagé à titre expérimental : jusqu'au 31 décembre 2017, l'obligation de qualification qui accompagne ce contrat pourra être supprimée pour les demandeurs d'emploi les plus éloignés du marché du travail. Cette disposition avait été particulièrement contestée par le député (PS) d'Indre-et-Loire Jean-Patrick Gille en mars dernier. Il y voyait le rétablissement de l'ancien contrat d'adaptation (la formation pouvait se dérouler dans l'entreprise et sans qualification à la clé).
Droit à la déconnexion
Par ailleurs, le projet de loi crée un droit à la déconnexion pour les salariés à partir de 2017, qui devra être abordé lors de la négociation annuelle d'entreprise sur la qualité de vie au travail (QVT). Dans les entités de plus de 50 salariés, à défaut d'accord d'entreprise abordant cette question, une charte devra être signée.
D'autre part, une concertation sur le télétravail doit être engagée avec les partenaires sociaux avant le 1er octobre 2016.
Le projet de loi jette également les bases d'un statut pour les travailleurs des plateformes collaboratives. Ils pourront bénéficier d'une assurance, d'un droit à la formation professionnelle, à la validation des acquis de l'expérience (VAE), du droit de grève, ainsi que de la possibilité de constituer un syndicat.
Enfin, un service public territorial de l'accès au droit est créé pour aider les entreprises de moins de 300 salariés dans la mise en œuvre de leur politique RH. Depuis le 28 juin dernier, les TPE/PME ont à leur disposition sur le site du ministère du Travail une page qui leur est dédiée et qui centralise les outils d'accompagnement en matière d'emploi, de formation et de droit du travail. Ce site comporte entre autres un simulateur d'embauche qui permet à un dirigeant d'entreprise de mieux évaluer le coût d'un recrutement.