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Aménagement numérique - Feuille de route THD : le département pourrait recevoir la compétence "très haut débit"

Le projet de feuille de route sur le déploiement du très haut débit en France est en cours de finalisation et devrait être soumis à concertation dès la semaine prochaine. Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'Economie numérique, auditionnée par la commission du développement durable du Sénat le 11 décembre, et Antoine Darrodes directeur de la mission Très haut débit, qui intervenait le lendemain devant les participants du colloque organisé par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), ont apporté des précisions utiles sur son contenu.
Pour faire décoller la fusée du "très haut débit" à l'issue du séminaire gouvernemental consacré au numérique, prévu fin février, le gouvernement va devoir suivre un calendrier serré. Après concertation sur le projet, la feuille de route devrait être finalisée courant janvier et formellement adoptée lors du séminaire gouvernemental. "Dès le lendemain, des comités seront convoqués pour étudier les nouveaux dossiers des collectivités et la mission se tiendra dès janvier à la disposition de celles qui souhaitent un appui sur la nouvelle doctrine d'accompagnement des projets", a indiqué Fleur Pellerin

Contractualisation systématique

La ministre a confirmé son attachement à la contractualisation. Rappelons que sur les zones denses, les opérateurs étaient jusqu'ici simplement tenus de déclarer leurs intentions d'investissements sans véritable contrôle a postériori. Dans le nouveau schéma, des contrats seront signés entre les partenaires. Ils seront "systématiques, y compris sur les zones très denses entre opérateurs, collectivités et Etat, de manière à garantir le déploiement des investissements et le calendrier associé à ces investissements". La mission prépare un modèle type mais chacun pourra l'adapter en fonction des caractéristiques locales. Il inclura des dispositions concernant les modalités du constat de carence dont les délais seront raccourcis. "Nous souhaitons anticiper par rapport aux cinq années prévues actuellement", a précisé la ministre. Certains experts estiment qu'il pourrait être limité à trois ans, mais il n'y aura pas de sanctions - contrairement à ce prévoyait la proposition de loi Maurey-Leroy -, jugées "contre-productives", mais un mécanisme de reprise en mains par les collectivités territoriales.
Lors de son intervention au colloque de la FNCCR intitulé "Quelles perspectives pour l'aménagement numérique de la France en très haut débit", Antoine Darrodes a donné des précisions sur le dispositif : "En cas de constatation de manquements par les opérateurs, l'intervention publique sera immédiate. L'Etat viendra soutenir l'essentiel des besoins de financements des collectivités qui, ainsi pourront intervenir en lieu et place de l'opérateur." Grâce à cet accompagnement, le coût serait réduit pour les collectivités qui pourraient ainsi faire plus facilement face à ces nouvelles charges. Mais le contrat proposé comportera aussi des clauses d'engagement des collectivités pour faciliter les travaux sur l'espace public, l'implantation des locaux techniques, la mise à disposition des fourreaux, l'accès au parc social de logements.

Extinction du cuivre : pas si simple !

Dans les schémas actuels, la ministre considère la bascule du cuivre vers la fibre comme un chantier majeur qui doit se préparer et s'organiser à l'avance : "Il y aura bien extinction du cuivre mais elle sera progressive et dans un calendrier et des modalités qui seront précisés après l'expérimentation de Palaiseau qui va durer environ 18 mois." De son côté, Antoine Darrodes a souligné que cette bascule ne concernait pas uniquement le téléphone et internet mais de nombreux autres services (télésurveillance, signalisation tricolore, etc.), sans oublier le fait que la fibre doit être alimentée électriquement pour fonctionner. A la campagne, lorsqu'il y a coupure d'électricité, le seul lien qui reste aujourd'hui, c'est le téléphone sur cuivre qui continue de fonctionner alors qu'avec la fibre, il n'y aura plus d'accès... Toutes ces différences devront être prises en compte et donneront lieu à des solutions alternatives. Pour conforter le modèle économique de la fibre et réduire les risques liés à la commercialisation, le chantier sera nécessaire, mais l'extinction du cuivre demeure une entreprise complexe. 

Le département chef de file ?

A propos de l'avant-projet de loi de décentralisation et de la place prépondérante que pourrait jouer la région, la ministre a corrigé le tir : "Il n'est pas question de donner à une collectivité l'autorité sur une autre en matière de très haut débit. Nous confierons sans doute aux régions le soin de coordonner la remontée des schémas directeurs d'aménagement numérique et de veiller à la compatibilité de ces schémas aux frontières." Dans cette perspective, la région aurait une mission de collecte d'information et de négociation vis-à-vis des opérateurs pour éviter les redondances. Pour enfoncer le clou, elle a toutefois ajouté : "Dans les discussions menées avec le ministère de l'Egalité des territoires, nous sommes plutôt favorables à donner la compétence aux départements, pour clarifier une situation de partage qui répartit aujourd'hui les compétences entre toutes les collectivités." Dans tous les cas de figure, les communautés d'agglomération ou les communautés de communes qui souhaiteront prendre en charge le déploiement des réseaux sur leur territoire pourront le faire "sans que les départements puissent se défausser de leurs responsabilités", a-t-elle complété. 

Financement : toujours en attente de bouclage

Point décisif attendu par tous les acteurs, les modalités de financement du plan national ne sont pas définitivement arrêtées. On sait déjà que le dispositif reposera sur des prêts et sur des subventions. Côté prêts, les deux "guichets" de la Caisse des Dépôts sont en voie de réactivation, comme l'avait déjà indiqué Fleur Pellerin il y a quelques semaines (voir notre article du 19 octobre). La ministre négocierait par ailleurs actuellement, dans le cadre des fonds d'épargne devant être mis à la disposition des collectivités territoriales pour financer leurs investissements d'infrastructures (20 milliards d'euros), la part qui pourrait être affectée aux investissements sur le très haut débit. Dans cette perspective, la Mission THD travaille sur l'ingénierie des produits financiers qui seront proposés : "Les prêts seront de longue durée et à des taux bas" mais non encore précisés.
Les subventions constitueront  le principal outil de péréquation. Leur volume n'est pas encore fixé mais la ministre a donné un ordre de grandeur : évoquant les risques d'une condamnation de l'Etat français par la Cour européenne de justice à rembourser les 1,3 milliard de taxe Copé perçus sur les opérateurs, Fleur Pellerin a précisé que ce volume représenterait un manque à gagner de 200 à 300 millions d'euros par an, "correspondant à ce dont le gouvernement a besoin pour abonder un fonds de péréquation". Par ailleurs, Fleur Pellerin a confirmé que les engagements financiers pris au titre du FSN (Fonds de solidarité numérique) ne seraient pas remis en cause et que les collectivités locales recevraient bien les aides prévues.

Maintien des services par le numérique en milieu rural

A côté des infrastructures, le plan prévoit, dès le démarrage, de consacrer une partie des instruments financiers disponibles au développement des usages. La ministre y tient particulièrement, notamment sur des thématiques telles que l'accès aux soins, le maintien à domicile, la ville intelligente, les smartgrids et la maîtrise par le numérique de la consommation énergétique. "Les zones rurales les plus enclavées devront bénéficier du très haut débit pour profiter à plein de l'existence de services distants." Favorable à des démarches innovantes dans ce domaine, elle compte demander à la Caisse des Dépôts, chargée d'un guichet réservé au financement de projets, de prendre des dispositions "afin que des expérimentations soient engagées rapidement".