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Transports - Ferroviaire : le Centre d'analyse stratégique préconise une ouverture progressive à la concurrence

Alors que le gouvernement devrait annoncer dans quelques mois un calendrier d'ouverture à la concurrence de certaines lignes ferroviaires, le Centre d'analyse stratégique éclaire dans un rapport les bénéfices que peuvent en tirer les collectivités. Sans pour autant omettre les risques que représente un tel changement.

Dans la continuité du rapport Grignon publié en mai dernier, le Centre d’analyse stratégique (CAS) décrypte dans un rapport présenté ce 5 octobre les volets stratégiques et prospectifs de l’ouverture à la concurrence des transports ferroviaires. Volontairement, il ne développe ni le volet social ni le cas francilien. Il rappelle que la Commission européenne a prévu d’étudier l’an prochain un projet de réglementation sur cette ouverture et qu’il ne faut donc pas tarder à préparer le terrain, en s’interrogeant pour commencer sur les bénéfices que peuvent en tirer les collectivités. Pour Claude Abraham, président du groupe de travail à l’origine du rapport, cette ouverture à la concurrence est "inéluctable". "Les régions ont tort de s’y opposer fermement, car elles s’exposent au risque de mal maîtriser les obligations auxquelles elles auront tôt ou tard à faire face. Et donc à subir le changement sans l’anticiper", avance-t-il.

Ce rapport se penche sur les cas étrangers. Un exercice presque classique, mais dont il tire quelques chiffres intéressants. En Suède, l’ouverture a réduit d’environ 20% le coût des services de transport ferroviaire supportés par les collectivités publiques (Etat et collectivités locales). Une vingtaine d’entreprises y quadrillent un marché toujours dominé par l’opérateur historique. En Allemagne, le degré d’ouverture varie selon les Länder et a contribué au développement de l’offre et du cadencement. Mais l’ouverture y a été opérée dans le cadre d’une vaste réforme du secteur. Or, en France, c’est bien ce qui inquiète : un tel changement ne nécessitera-t-il que des ajustements ou bousculera-t-il un système déjà fragilisé sur bien des points ? Autre risque : que le parc de matériel roulant soit moins bien optimisé en cas de partage de certaines dessertes entre l’opérateur historique et un concurrent.

La piste de l'allotissement par groupes de lignes

En termes de modalités d’ouverture, le rapport préconise -"étant donné le caractère non rentable des services conventionnés (TER, trains qu’équilibre du territoire ou TET)" - de développer une forme d’ouverture où des contrats des service public sont attribués périmètre par périmètre et sur une période donnée. C’est la voie de l’allotissement et, qui plus est, elle est déjà permise par la réglementation européenne. "Mais la mise en concurrence interviendra le plus probablement au moment de la renégociation des contrats de service public", ajoute Claude Abraham. Soit de 2013 à 2019 pour les TER, avec un pic attendu entre 2014 et 2016, et en 2014 pour les TET lors du renouvellement par l’Etat de leurs conventions. Parmi les diverses formes d’allotissement possibles, le rapport retient celui par groupes de lignes. Déjà privilégié par l’Allemagne, il permettrait "de concilier l’objectif de développement de la concurrence et la minimisation des coûts de transaction ou des risques d’économies d’échelle, et de grouper des lignes faiblement rentables ou difficiles à exploiter et des services plus dynamiques".

Lancer des expérimentations

A partir d’une modélisation de l’économie du transport ferroviaire régional qu’il a fait réaliser, le CAS démontre que "la concurrence devrait produire un bénéfice collectif important, principalement pour les contribuables", mais qu’une ouverture trop rapide serait moins bénéfique qu’une ouverture progressive. Il en déduit aussi que "le transfert sur route d’une part plus importante de services TER permettrait d’accroître encore les bénéfices pour la collectivité". Il recommande de ne pas attendre l’obligation communautaire pour lancer des expérimentations d’ouverture "sur des périmètres restreints, définis sur des critères de cohérence géographique et d’aménagement du territoire". Dès maintenant, il propose que soit préparée sur le plan administratif une stratégie à présenter publiquement l’an prochain, avant que des premières dessertes soient mises en appel d’offres dès 2013-2014. Il recommande aussi de créer un pôle national de compétences, une mission d’appui pour aider les régions à lancer les premières expérimentations, de lancer un appel à projets pour les y encourager, et de réaliser une concertation avec les régions pour définir le calendrier et les modalités d’ouverture. Enfin, pour les services dits "commerciaux", c’est à dire essentiellement le TGV, Vincent Chriqui, directeur général du CAS, estime que "compte tenu de sa plus grande complexité et de son intérêt plus faible pour la collectivité, l’ouverture à la concurrence, est moins prioritaire mais doit être préparée dès maintenant".