Mobilité - Une conférence européenne pour faire le point sur l'ouverture à la concurrence des transports publics
Six mois après son entrée en vigueur, le règlement sur les obligations de service public (OSP) qui organise l'ouverture à la concurrence des transports publics en Europe suscite encore des questionnements. Conçu pour mettre fin à une longue période d'incertitude juridique, il définit notamment le cadre des subventions publiques octroyées par les autorités organisatrices (AO) à leurs exploitants pour assumer les OSP qu'elles ont elles-mêmes définies (application de tarifs sociaux, choix de desservir certaines lignes excentrées ou certains arrêts, etc.). Il concerne l'ensemble des services publics de voyageurs (urbains, interurbains, régionaux, nationaux et internationaux) et tous les contrats passés pour ces services (délégations de service public, marchés publics et contrats de partenariat, à l'exception des concessions de travaux).
Le règlement encadre la durée des contrats et définit aussi les conditions d'attribution directe à une régie. Dans ce cas, l'opérateur interne est "cantonné" au territoire de son AO : ainsi, une régie départementale ne peut pas participer à des appels d'offres organisés pour des transports urbains situés dans une ville de son département.
Dans la pratique, le règlement OSP suscite encore des interrogations. Des divergences d'interprétation demeurent, par exemple, sur le calendrier d'application - 2014 ou 2019 - de la disposition permettant aux AO de choisir entre la mise en concurrence de leurs services publics ferroviaires (TER, RER) ou l'attribution directe à un opérateur de leur choix qui pourra être distinct de l'opérateur historique. Des questions se posent aussi au moment de la rédaction des contrats sur les contenus obligatoires.
Pour y répondre et faire le point sur les conséquences du règlement OSP sur l'ouverture du transport urbain et ferroviaire et sur les relations entre autorités organisatrices (AO) et opérateurs, une conférence européenne se tiendra à Paris le 7 juin. Organisée par l'Union des transports publics (UTP) et le comité Union européenne de l'Union internationale des transports publics (UITP), elle réunira des experts juridiques, des représentants des AO et des opérateurs qui pourront témoigner des changements intervenus depuis la première conférence sur le sujet organisée à Barcelone il y a deux ans.
Une étude présentant l'organisation et les principaux acteurs du marché des transports publics de courte distance dans 23 pays de l'Union et en Suisse sera dévoilée à cette occasion. "Nous avons constaté que les marchés s'ouvraient rapidement mais le rythme est très différent selon les pays et les types de transport", a expliqué Brigitte Ollier, directrice de l'Euro Team de l'UITP au cours d'une conférence de presse ce 27 mai. Les pays d'Europe du Nord, l'Allemagne et la Grande-Bretagne sont aujourd'hui davantage ouverts à la concurrence que l'Espagne, l'Italie ou les pays d'Europe de l'Est mais il faut s'attendre très vite à d'importants changements.
Au sein d'un même pays, la situation peut aussi considérablement varier selon les types de marchés. En Allemagne, par exemple, la concurrence est très vive sur le transport ferroviaire régional même si l'opérateur historique, la Deutsche Bahn garde encore une part de marché de 85%. En revanche, dans leur très grande majorité, les transports urbains restent exploités par des régies municipales. En France, la situation est inverse : le transport ferroviaire régional et Intercités reste encore aujourd'hui le monopole de la SNCF tandis que la délégation de service public est le mode de gestion utilisé dans 90% des réseaux urbains, avec une concurrence forte sur ce segment. "Ces cinq dernières années, 40% des réseaux mis en concurrence ont changé de titulaire", a souligné Bruno Gazeau, délégué général de l'UTP.
La conférence du 7 juin traitera aussi de l'amélioration de la qualité du service que peut entraîner l'ouverture à la concurrence. En Allemagne, elle a généré un doublement du nombre de passagers sur le réseau ferré régional tout en diminuant les coûts et en proposant davantage de services aux voyageurs, affirme-t-on à l'UTP. Même constat en Grande-Bretagne, où les infrastructures ont de surcroît bénéficié d'une sérieuse remise en état ces dernières années. Bruno Gazeau y voit aussi un autre avantage pour les transports urbains. "Au moment où la collectivité organise la mise en concurrence se pose nécessairement la question du partage de la voirie. Le débat n'a pas lieu dans le cadre des régies. Or, c'est un aspect essentiel pour l'organisation de la mobilité dans la ville : pouvoir faciliter la circulation des bus est l'investissement le plus rentable que la collectivité puisse faire."
Anne Lenormand