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Habitat - Faut-il être vieux pour habiter en HLM ?

René, Suzanne, Josette, Guy, Philippe, Catherine, Cédric, Sabrina, Eliott, Kimberley, Zacharie, Josué, Najoua, Louis, Mohamed, Louane... Aujourd'hui, environ 10 millions de personnes habitent un HLM. On s'interroge souvent sur leurs revenus, parfois sur leur couleur de peau ou sur ce qu'ils font dans la vie. Mais jamais on ne pose cette question simple : quel âge avez-vous ? Or, une fois respectées les conditions de revenu, l'âge du chef de famille est le facteur qui a le plus d'influence sur l'entrée dans le parc social.

Alors que les HLM se préparent à un papy-boom (voir notre article ci-contre du 1er juillet 2011), le Commissariat général au développement durable vient de publier une étude très intéressante sur les locataires du parc social. Plutôt que s'interroger sur leurs revenus ou sur leur lieu d'habitation, les statisticiens se sont penchés sur leur âge. Ou plus précisément sur leur génération, c'est-à-dire sur la date de leur naissance. Ils se sont posé le problème suivant : certaines générations accèdent-elles plus facilement que d'autres au logement HLM ? La réponse est oui. Le mieux étant d'avoir un chef de famille né dans les années 1960. Et qui a moins de 30 ans... Deux conditions pas faciles à réunir ! Explications sur ce paradoxe apparent.

Etre né après guerre, ça aide

Premier élément à prendre en compte pour comprendre qui vit aujourd'hui dans le parc social : l'histoire de la construction de logements sociaux.  En effet, pour pouvoir accéder au parc social, encore  faut-il qu'il y ait des logements à occuper! Le parc HLM est relativement récent. Il s'est surtout développé après la Seconde Guerre mondiale, passant de 2% à 14% des résidences principales entre 1955 et 1980. Le maximum a été atteint au milieu des années 1990. Aujourd'hui, le parc HLM représente environ 15% du parc total des résidences principales. Logiquement, les générations nées entre 1957 et 1972, appelons-les "baby-boomer tardifs", ont eu davantage la possibilité d'entrer dans le parc HLM que leurs aînés. En effet, ils sont devenus adultes au moment même où il y avait le plus fort pourcentage de logements sociaux dans le parc de logements français. Au contraire, les nouvelles générations, celles qui sont nées dans les années 1970, sont moins entrées dans le parc social, constatent les statisticiens. Mais les enquêtes ne permettent pas de préciser pourquoi il n'y avait pas de places pour ces jeunes générations,  alors que le parc total de logement continuait à progresser en volume pour atteindre aujourd'hui 4 millions de logements.
Deuxième élément, à bien distinguer du premier, l'effet d'âge. C'est-à-dire le fait même que les gens vieillissent, accèdent à la propriété ou meurent. Quelle que soit la génération à laquelle on appartient, ce sont toujours (depuis 1973), les ménages dont le chef de famille a 25 ans qui ont la plus forte probabilité de se retrouver dans le parc social. Un quart des jeunes (25-30 ans) qui n'habitent plus chez leurs parents vit aujourd'hui en HLM. Cette proportion diminue ensuite avec l'âge, pour atteindre un minimum à 60 ans. Si l'on prend tous les ménages dont le chef de famille a 60 ans aujourd'hui en France, seulement 14% d'entre eux vit en HLM. La proportion remonte ensuite, pour dépasser 20% chez les octogénaires.

Des entrants de plus en plus vieux

Troisième point étudié, le temps pendant lequel les personnes restent dans leur logement. Si l'on interroge tous les locataires actuellement présents, ils sont en moyenne dans leur logement HLM depuis 11 ans. Mais cette moyenne varie très fortement suivant l'âge : les trentenaires sont dans leur appartement depuis 5 ans ; les septuagénaires depuis 20 ans. Un peu plus de 10% des jeunes retraités (60-65 ans) a vécu toute sa vie en HLM.
Quatrième point : l'âge d'entrée. Les entrées dans le parc social se font toujours majoritairement avant 35 ans. Mais, depuis 1984, l'âge à l'entrée s'élève peu à peu. Les nouveaux locataires sont de plus en plus vieux. Cependant, on a toujours trois fois plus de chance d'obtenir un logement social - toutes choses égales par ailleurs -  quand on a moins de 30 ans que lorsqu'on atteint la quarantaine. Contrairement à une image répandue, les personnes seules ont une probabilité d'entrer en HLM plus élevée que les couples et les familles monoparentales.

"Va travailler à l'école, t'auras un HLM"

Cinquième point, l'âge de sortie. Les plus jeunes sont ceux qui quittent le plus facilement le parc social. Ainsi, un ménage de moins de 30 ans a cinq fois plus de chances de quitter le parc social qu'un ménage âgé de 50 à 64 ans. Si l'on exclut les départs pour le cimetière, la moitié des ménages quittant le parc HLM devient propriétaire. 43% partent pour louer un logement privé.
Dernier sujet évoqué par les statisticiens, le lien entre le diplôme et l'accession au parc social : plus le diplôme du chef de famille est élevé, plus la probabilité d'entrer dans le parc social est élevée. Et ce, quel que soit l'âge des occupants ou leur situation matrimoniale. Mais cet effet "diplôme" est moins important ces dernières années. Les plus diplômés sont aussi les plus prompts à quitter le parc HLM. Cet effet a également tendance à diminuer : en 1996, une personne qui avait le bac avait trois fois plus de chances de partir qu'un non-diplômé. En 2006, elle a à peine deux fois plus de chances de partir qu'un non diplômé.
Pour en savoir plus, en particulier sur la méthodologie, il faut consulter l'étude statistique en lien ci-dessous. On conseillera également, sur les effets d'âge sur les politiques locales de l'habitat, de lire le dossier préparé par le réseau des Acteurs de l'habitat suite à une journée d'étude qui s'est tenue à Paris le 23 juin dernier.

Hélène Lemesle

Références : ministère de l'Ecologie, Commissariat général au développement durable, "Logement HLM : les nouvelles générations moins présentes", août 2011 ; Acteurs de l'habitat, Dossier "L'habitat des jeunes et des personnes âgées : quelles réponses des acteurs de l'habitat dans les territoires?" , journée du 23 juin 2011.