Faudra-t-il un new deal mobile sur la 5G ?
Pour allouer les fréquences 5G, le gouvernement a opté pour une procédure d'enchères. De quoi inquiéter a priori les territoires sur leur future couverture. Seul le cahier des charges associé aux licences apportera une réponse claire à ce sujet.
C'est potentiellement une mauvaise nouvelle pour l'aménagement numérique du territoire. L'État a annoncé par la voix d'Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances, qu'il procéderait à des enchères pour allouer les fréquences mobiles dédiées à la 5G, le prochain standard de la téléphonie mobile. Après avoir vilipendé "la stratégie du portefeuille" qui a prévalu pour la 4G et la 3G, où "les opérateurs ont privilégié les zones rentables plutôt que l'aménagement du territoire", selon l'expression entendue lors de la présentation du "new deal mobile", l'État s'apprêterait donc à faire un bis repetita. Les enchères devraient avoir lieu cet automne pour un lancement opérationnel de la 5G en 2020.
Retards pris par l'Europe
Il faut dire qu'il y a urgence sur un dossier jugé comme stratégique pour l'industrie européenne. Une fois de plus, l'Asie est en avance, avec une 5G commercialisée depuis le 3 avril en Corée du Sud alors la plupart des pays européens peinent à finaliser leur procédure d'attribution pour respecter l'échéance fixée par l'Europe à fin 2020. Couverture maximale ou abondement du budget de l'État ? La secrétaire d'État a assuré au journal Le Monde vouloir rechercher "un juste milieu" pour ne pas pénaliser les investissements des opérateurs tout en déclarant que "la 5G, avec sa faible latence, ses débits bien plus élevés et sa faible portée, est bien adaptée pour les entreprises et les zones de forte densité humaine".
Prendre exemple sur les États-Unis
Quel sera ce "juste milieu" ? Il faut maintenant attendre la lettre de cadrage adressée par l'État à l'Arcep, base de travail pour l'élaboration du cahier des charges de la mise en concurrence, prévue pour octobre. L'Avicca a suggéré de son côté que la France s'inspire des États-Unis où, en parallèle d'enchères, un fonds dédié à la couverture des zones rurales va être créé par l'Arcep américaine, la FCC. Doté de plus de 20 milliards de dollars sur 10 ans, ce fonds promet de contribuer à moderniser l'agriculture, les transports comme la santé pour ne laisser aucun Américain à l'écart de la révolution numérique… Comme quoi la problématique de l'aménagement numérique transcende les frontières !
Quid des nouveaux entrants ?
Au-delà de la couverture, le cahier des charges devra aussi trancher la question de l'ouverture, ou non, de la 5G à des acteurs autres que les opérateurs mobiles classiques. L'ambition de la 5G est en effet d'opérer une révolution systémique en proposant une technologie offrant davantage de débits mais également adaptée à l'internet des objets, à la smart city, au véhicule autonome ou encore l'industrie 4.0. Pour le moment, les industriels ne se sont pas précipités sur cette technologie, comme le montre le profil des participants aux expérimentations 5G pour lesquelles on retrouve essentiellement des équipementiers et des opérateurs mobiles. Quant aux collectivités, également évoquées comme potentiels opérateurs, la piste des enchères laisse penser que la porte un temps entrouverte est en train de se refermer.
Le new deal à l'épreuve du terrain
Après l'enthousiasme, l'heure est à la critique sur le new deal 4G. Premier souci : le choix des sites prioritaires. Du côté des opérateurs, on dénonce des choix politiques parfois déconnectés des besoins réels, quand les collectivités déplorent des sites d'ores et déjà actés par l'Arcep et les opérateurs. Une chose apparaît certaine : la tâche des "équipes projets" est grandement facilitée par l'existence de données objectives, récentes et exhaustives sur la qualité de service mobile… à condition que les collectivités les financent. Le new deal mobile n'a ensuite pas fait disparaître les problématiques de déploiement : trouver un terrain convenant à toutes les parties, difficultés de raccordement électrique et administrations tatillonnes. Aux blocages des architectes des bâtiments de France, il faut notamment ajouter le veto des ARS sur certains châteaux d'eau situés dans des zones de captage ou encore l'ONF qui pratique des droits de passage dissuasifs pour traverser une forêt…