Rennes Métropole évalue l'impact de la 5G pour les territoires
Rennes Métropole et Lannion sont, à ce jour, les seules collectivités à détenir une licence expérimentale 5G. Objectif ? Evaluer, avec l’appui de chercheurs, l’impact de cette technologie pour les territoires.
La métropole bretonne fait partie des seules collectivités locales à avoir obtenu une licence expérimentale 5G auprès de l’Arcep. Un dossier, monté en collaboration avec Lannion et des centres de recherche locaux, centré sur l’internet des objets, la ville intelligente, la réalité virtuelle et la télémédecine.
Les opérateurs télécoms challengés par de nouveaux acteurs
Lors d’un séminaire organisé le 21 décembre à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), Norbert Friant, en charge de la stratégie numérique de Rennes Métropole, a fait un point d’étape sur cette expérimentation 5G qui s’achèvera à l’été 2019. "L’appellation 5G est trompeuse a-t-il souligné car elle semble indiquer qu’il s’agit d’un simple changement de version d’une technologie déjà présente. Or il n’en est rien : la 5G est plutôt un syncrétisme technologique réunissant internet mobile, internet des objets et réseaux dédiés à la défense." Au-delà de l’amélioration des débits (multipliés par 10), on en attend une réduction des délais de latence avec une transmission quasi instantanée des données, une plus grande sécurité des échanges, le tout pour une consommation énergétique moindre. Des caractéristiques qui devraient démultiplier les usages - industrie 4.0, véhicule autonome, santé connectée, smart city… - mais aussi les acteurs. "Aux côtés des opérateurs et équipementiers que nous connaissons déjà, nous voyons arriver de nouveaux profils d’entreprise. Les industriels de l’automobile, des services urbains, de la défense mais aussi les Gafam américains et les Batx chinois. Mais pourquoi pas aussi les territoires ?", s’interroge Norbert Friant.
Un seul réseau pour gérer l’ensemble des services ?
Une idée qui n’est pas lancée à la légère. Selon le technicien, ce sont en effet bien l’ensemble des 350 métiers des collectivités qui pourraient être impactés par la 5G. Parmi les premiers sur la liste, la police, les pompiers et les réseaux de transports : "Aujourd’hui nous utilisons un réseau Tetra pour piloter, pour gérer les incidents et la sécurité de notre réseau de transport urbain. Ce service pourra passer par la 5G, ce qui améliorera la sécurité du réseau et sa capacité de résilience", a-t-il assuré. Autre exemple, les objets connectés dédiés à la "smart city" : poubelles dotées de puces RFID, compteurs énergétiques communicants, capteurs en tous genre… Et la Métropole parle en connaissance de cause puisqu’elle fait partie des premières collectivités à avoir déployé un réseau LoRa à une échelle métropolitaine pour connecter bâtiments et infrastructures urbaines. Un réseau dont la caractéristique est d’avoir un excellent taux de couverture et de pénétration (murs, sous-sols…) mais avec des débits très limités. La 5G, en intégrant nativement l’internet des objets, pourrait bien reléguer au placard ces technologies "très bas débit", LoRa et autres SigFox, évitant aux territoires de multiplier les réseaux hertziens dédiés.
Aménagement numérique et acceptabilité des antennes
Avec un bémol cependant. "Avec la 5G, les cellules radios vont être plus petites, mais aussi plus nombreuses, multipliées par un facteur qu’on a encore du mal à évaluer : 5, 10, 30 ou 100...", alerte Norbert Friant. Concrètement cela signifie qu’il va falloir trouver de nouveaux emplacements pour accueillir ces "small cells" : mobilier urbain, candélabres, réseaux aériens et d’une manière générale tous les points hauts desservis par la fibre optique. Et pour éviter d’avoir à se retrouver dans la même situation que pour la 2G, 3G et 4G, il convient de réfléchir sans plus tarder aux moyens d’assurer la couverture de l’ensemble du territoire. "Nous devons dès à présent nous préoccuper de ce sujet en intégrant la couverture 5G et la desserte des points hauts dans les réseaux d’initiative publique, car la fibre est une des conditions de la 5G. Il s’agit également de mettre en œuvre une charte d’implantation des antennes 5G dans la lignée de celle qui existe sur les antennes de téléphonie mobile actuelles". Avec de premiers déploiements commerciaux annoncés par l’Arcep pour 2020 dans les grandes villes – et de premières levées de boucliers d’association comme Robin des toits - il y a là urgence. Les communes vont en effet être une fois de plus en première ligne pour opérer la médiation avec les riverains des antennes 5G. Et avant même d’apporter les services annoncés, il faudra les rassurer sur un niveau d’exposition aux champs électromagnétiques toujours croissants.
Usages, couverture, impact sur les métiers, compétitivité de la 5G avec d’autres technologies hertziennes… autant de sujets sur lesquels l’expérience de Rennes Métropole promet d’apporter un éclairage complémentaire des expérimentations menées par les industriels. Rendez-vous est donc pris pour l’automne 2019 pour un bilan complet.
Une rubrique expérimentations 5G sur le site de l’Arcep
L’Arcep a mis en ligne fin décembre un tableau de bord des expérimentations 5G, en cours ou terminées. Celui-ci récapitule toutes les autorisations délivrées par l’autorité de régulation depuis l’ouverture de son "guichet pilotes 5G" début 2018. Il présente de manière détaillée les expérimentations, sous la forme d'un panorama de l'ensemble des cas d'usages testés, d'une carte de France des expérimentations 5G. A ce jour la carte répertorie 14 expérimentations, portées pour l’essentiel par des opérateurs et des équipementiers. Rennes, Bordeaux, Vélizy, Paris, Sophia Antipolis et Lille accueillent des expérimentations 5G autour de la ville intelligente. L’autorité rappelle que le guichet 5G est toujours ouvert : les acteurs qui le souhaitent peuvent bénéficier, à titre transitoire et sous réserve de leur disponibilité, de fréquences 5G dans la bande 3,5 GHz et 26 GHz.
Risques liés à l’exposition des radiofréquences : impératif de transparence et d'accès aux données
Il faut “permettre au monde de la recherche, en particulier à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), de pouvoir disposer de données précises émanant des opérateurs et des constructeurs d’antennes, tant sur l’exposition et la durée d’exposition que les technologies utilisées par les antennes”. Voici l’une des recommandations du rapport de l'office parlementaire de l'Assemblée nationale et du Sénat “Perspectives technologiques ouvertes par la 5G”, publié le 11 décembre 2018. Les auteurs appellent à “garantir le financement de l’appel à projets de recherche de l’ANSES sur les risques liés à l’exposition aux radiofréquences”. Les fréquences associées à la 5G s’échelonneront de 700 mégahertz à 26 gigahertz. “Mais les incertitudes sont nombreuses quant au choix des bandes de fréquences”, peut-on lire dans le rapport. “Trois, toutes supérieures à la limite supérieure de la très haute fréquence, soit 300 mégahertz, sont aujourd’hui envisagées : celles des 700 mégahertz, 3,5 gigahertz et 26 gigahertz”. L’impact de ces rayonnements électromagnétiques n’est pas du tout le même en fonction des fréquences. “Plus on monte en fréquence, plus le corps humain devient opaque au champ électromagnétique”, a précisé Olivier Merckel, chef de l’unité d’évaluation des risques à l’ANSES lors de l'audition du 11 décembre. Le rapport rappelle que les études menées par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et l’Anses ont conduit à reconnaître les radiofréquences comme cancérogènes possibles, mais qu’en revanche “les effets biologiques observés n’ont pas encore apporté la preuve d’un risque certain sur l’homme en matière de cancérogénicité”. “Nous travaillons avec l’ANFR (1) et la Fédération française des télécommunications pour organiser le recueil des données que nous devons récupérer pour travailler efficacement”, a conclu Olivier Merckel de l'ANSES.
(1) L'Agence nationale des fréquences