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Jeru 2017 - Face aux besoins criants, le gouvernement s'engage à porter à 10 milliards les subventions Anru 2

Jacques Mézard et Julien Denormandie ont annoncé que la promesse de campagne d'Emmanuel Macron, de porter de 5 à 10 milliards d'euros l'enveloppe d'équivalent-subventions du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU ou "Anru 2"), serait tenue. Un engagement qui donne de l'air aux 216 quartiers Anru d’intérêt national et aux 264 projets d'intérêt régional, dans la perspective de la signature de leur convention Anru, dans les 2 ans à venir. Mais on ne sait pas encore qui va payer...

"La volonté du président de la République est de passer l'enveloppe de l'Anru de 5 à 10 milliards d'euros. Cet engagement sera tenu", a confirmé Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, le 6 juillet, lors des Journées nationales d'échanges des acteurs du renouvellement urbain (Jeru), organisées par l'Anru sous la grande halle de la Villette (Paris). Son secrétaire d'Etat, Julien Denormandie, avait vendu la mèche la veille, lors d'une séance plénière intitulé "Du PNRU au NPNRU, tous mobilisés pour transformer les quartiers" au cours de laquelle la question financière ne pouvait pas être éludée. Mais quelle sera la part de l'Etat pour appliquer cette promesse de campagne d'Emmanuel Macron (voir notre article ci-dessous du 3 avril 2017), ça, en pleine discussion sur le collectif budgétaire, ni Julien Denormandie ni Jacques Mézard n'a pu le dire...

"Le problème, c'est qui va payer"

"Je n'ai aucun doute sur le fait que l'engagement sera tenu, le problème, c'est qui va payer", a ironisé Jacques Chanut, président d'Action Logement (également président de la Fédération française du bâtiment). "Nous ne pourrons pas accompagner ce doublement de budget seul", a-t-il prévenu, rappelant qu'"à l'origine, nous devions accompagner le NPNRU pour moitié et qu'aujourd'hui nous le finançons à 93% (...) or il n'y a pas 93% de salariés (parmi les habitants des quartiers Anru 2)" et la mission première de l'ex-1% est bien toujours de loger et d'accompagner la mobilité résidentielle des salariés.
Au passage, Jacques Chanut s'est interrogé sur le "sixième milliard", issu des caisses de l'Etat, promis par François Hollande en octobre dernier (voir notre article du 31 octobre 2016), demandant que cette parole-là de l'Etat soit également tenue.
"Nous avons le sentiment d'être seul pour accompagner une politique publique", a-t-il également lâché, tout en assurant de l'adhésion d'Action Logement à la pertinence de cette politique publique en faveur du renouvellement urbain de quartiers qui en ont, de son point de vue, incontestablement besoin.

"Le doublement de l'enveloppe est indispensable"

"Si on passe de 5 à 10, le programme n'est plus le même", s'est félicité François Pupponi, président de l'Anru pour quelques jours encore (son mandat de député l'obligeant désormais à quitter la présidence d'une agence publique). Déjà, les deux premières conventions Anru 2 signées, avec Rennes et Pau (voir notre article du 21 juin 2017), avaient gonflé la contribution de l'Anru au-delà de ce qui était prévu initialement et l'enveloppe destinée aux opérations Anru d'intérêt régional n'était clairement "pas suffisantes". Aucun doute pour François Pupponi : "Le doublement de l'enveloppe est indispensable." Pour Jacques Chanut, la configuration antérieure serait très vite devenue "intenable".
Mais la question financière est loin d'être le seul déterminant de la réussite du NPNRU, dont l'objectif est d'améliorer la vie des gens dans les quartiers mais aussi - et c'est lié - de "faire reculer la ghettoïsation". Cela passe par l'installation d'entreprises dans les quartiers et une politique d'attribution renouvelée, estime François Pupponi, ainsi que d'un "choc de l'offre" de logements au niveau du territoire intercommunal, a ajouté Nathalie Appéré, maire de Rennes et présidente de l'Anah. L'élue bretonne a mis également l'accent sur la gestion de la "temporalité" du projet de renouvellement urbain qui, parfois dure 20 ans, alors qu'il faut répondre dans le temps court aux "préoccupations quotidiennes et légitimes" des habitants en matière de sécurité et d'offre éducative. Deux thèmes désormais incontournables. Histoire qu'on ne puisse plus dire "vous avez dépensé des millions d'euros à la rénovation du quartier et les dealers sont toujours là", a illustré François Pupponi.

Trafic de drogue et repli communautaire

"Des quartiers sont gangrénés par les trafics de drogue", témoigne Frédéric Paul, délégué général de l'Union sociale pour l'habitat (USH). Il pointe également un autre mal, qui fait que "le NPNRU ne pourra pas être la répétition du PNRU" : les "phénomènes de repli communautaire, excluant, qui ne fonctionne pas sur les valeurs de la République". Selon lui, régler ces deux phénomènes devrait être "un enjeu du quinquennat". Et qu'on ne compte pas sur le dispositif "NPL" (pour "Nouvelle politique du logement", dispositif facultatif introduit par la loi Egalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017) : il ne croit pas une seconde qu'augmenter les loyers dans ces quartiers (afin de compenser la baisse des loyers HLM dans les quartiers attractifs) y fera venir une classe moyenne. Frédéric Paul suggère quant à lui de mettre "le braquet sur 10 ou 20 quartiers", sous un statut proche de celui des opérations d'intérêt national (OIN) - appelons-le "opération d'intérêt public", propose-t-il - avec un projet qui couvre toutes les thématiques du renouvellement urbain (bâti, école, sécurité, espaces publics, équipements publics, développement économique...), piloté par un opérateur unique, l'Anru.

Projet Anru et contrat de ville

Son président actuel n'a pas mordu : "C'est le rôle du contrat de ville", a estimé François Pupponi qui continue de croire dans la politique de peuplement via les politiques d'attribution et la construction massive de logements sociaux hors quartiers de la politique de la ville. Mais "les loyers HLM sont devenus trop chers par rapport à la paupérisation qui touche la population française depuis la crise de 2008-2009", rétorque Frédéric Paul, rappelant que sur les 450.000 logements attribués en 2016, la moitié l'ont été à des foyers vivant sous le seuil de pauvreté.
Nathalie Appéré confirme : "Nous ne pourrons pas endiguer la ghettoïsation si nous continuons à concentrer les habitants les plus pauvres dans les mêmes quartiers", mais en même temps, "nous ne pouvons pas leur attribuer de logements neufs" dans les nouvelles constructions situées dans des quartiers plus attractifs. La maire de Rennes expérimente une solution : le loyer unique (voir notre article du 3 mai 2017 Rennes Métropole se prépare à expérimenter le "loyer unique" dans son parc social). Si Julien Denormandie n'a pas rebondi sur les opérations d'intérêt public de Frédéric Paul, il a toutefois montré un intérêt pour toute démarche d'expérimentation.

 

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