Logement - Expulsions locatives : urgence et longueur de temps...
Si Cécile Duflot avait mauvaise mine mercredi 24 octobre au matin devant les parlementaires d'une commission élargie à l'Assemblée nationale venus débattre avec elle et François Lamy des crédits de la mission "Egalité des territoires, logement et ville" du projet de loi de finances (PLF) 2013, ce n'était pas d'avoir entendu le Premier ministre annoncer sur France inter l'annulation par le Conseil constitutionnel de la loi qu'elle a portée depuis la rentrée (voir notre article dans notre édition de demain, après que la décision aura été rendue). De cette annonce, elle s'est refusée à tout commentaire. "J'ai passé une grande partie de la nuit aux côtés des équipes du Samu social et de la plateforme du 115", a-t-elle expliqué, pour constater de ses yeux qu'en "région Ile-de-France, la situation est de plus en plus tendue".
Quelques jours auparavant, à l'occasion de la présentation de son 17e rapport, (voir notre article du 22 octobre ci-contre), le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD) avait exprimé son sentiment de ne pas avoir été entendu sur ce sujet par le gouvernement, après avoir sonné plusieurs fois l'alarme.
"Une administration aveugle"
Une cellule de veille des expulsions locatives créée par le comité de suivi du Dalo (droit au logement opposable) rend compte régulièrement, depuis sa création il y a six mois, au cabinet de la ministre du Logement des signalements recueillis par des associations partenaires. Il y en avait 70 lundi dernier, dont deux ménages prioritaires Dalo expulsés la semaine précédente. Xavier Emmanuelli, président du HCLPD, et Bernard Lacharme, son secrétaire général, s'indignent que ces situations n'aient pas été considérées par les préfets. "La préfecture de Paris connaît parfaitement ces situations, ce n'est pas un dysfonctionnement, elle agit de façon totalement assumée", observe Bernard Lacharme. "C'est une administration aveugle, poursuit Xavier Emmanuelli. On ne doit pas laisser une administration marcher toute seule et appliquer les consignes à la lettre." "Ils ne sont pas en tort, ils sont dans l'aveuglement", ajoute Xavier Emmanuelli, renvoyant – était-ce volontaire ? – aux pages les plus sombres de l'histoire de l'administration française.
Les deux hommes appellent à la signature d'une circulaire sur la gestion des expulsions spécifique pour les prioritaires Dalo. Circulaire dont Cécile Duflot avait assuré quelques jours auparavant, dans les colonnes de La Croix, qu'elle était en cours de cosignature… au ministère de l'Intérieur. "S'il ne s'agissait que de Cécile Duflot, la circulaire serait déjà envoyée depuis longtemps…", estime-t-on au HCLPD.
"La solidarité nationale doit opérer"
Devant la commission parlementaire, Cécile Duflot a exprimé son souhait de "renforcer les moyens donnés aux préfets pour réquisitionner certains équipements dans les périodes les plus tendues" afin de répondre à l'urgence de "la mise à l'abri" de personnes à la rue.
Elle a également rappelé les 50 millions d'euros annoncés en septembre dernier par Jean-Marc Ayrault (lire ci-contre notre article du 24 septembre) consacrés à l'hébergement d'urgence en Ile-de-France, "pour soulager les zones identifiées" mais aussi "les villes moyennes qui étaient jusque-là peu touchées".
A propos de l'articulation entre l'Etat et les collectivités locales, "la politique de l'hébergement d'urgence doit être une politique mutualisée par l'Etat", a estimé la ministre, "il est normal que ce ne soit pas de la responsabilité des territoires, qui pour certains d'entre eux concentrent les difficultés, de supporter cette charge. La solidarité nationale doit opérer". Pour autant, "nous manquons aussi de la mobilisation de certaines collectivités pour accompagner et pour accepter la construction notamment de CHRS [centres d'hébergement et de réinsertion sociale]", a-t-elle déploré.
Par ailleurs, "on accueille, dans des dispositifs d'hébergement d'urgence, des personnes qui relèvent de l'asile", a conscience la ministre, précisant que ce sujet sera aussi abordé lors de la conférence contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale les 10 et 11 décembre prochains, conduite avec Marie-Arlette Carlotti, ministre délégué en charge de la Lutte contre l'exclusion.
10.000 logements accompagnés
Puisqu'il faut travailler autant "dans l'urgence" que "sur la durée", "le recours aux hôtels n'est pas une solution durable", reconnaît la ministre, qui entend créer 15.000 places en cinq ans, dont 5.000 en hébergement d'urgence mais aussi 10.000 places en logements accompagnés, considérant que "l'intermédiation locative est un outil puissant de réinsertion vers le logement classique". Pour rappel, lorsqu'elle avait présenté, au dernier congrès HLM, son projet de "super-PLAI", l'USH avait proposé d'expérimenter un dispositif de "logements sociaux accompagnés" portant sur, justement, 10.000 logements de type maisons-relais, hôtels familiaux...