International - Export : seize chartes régionales signées
Les chiffres du commerce extérieur sont toujours aussi alarmants pour la France. Annoncés en février par Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, les résultats pour l'année 2011 font apparaître un déficit de la balance commerciale de 69,9 milliards d'euros après 51,4 milliards en 2010. Seul point positif : c'est un peu mieux que les prévisions du gouvernement (75 milliards d'euros). Dans cette bataille pour l'exportation, les régions n'ont pas le même poids. Deux régions comptent ainsi pour près de 30% des exportations françaises, selon les statistiques du commerce extérieur établies à partir des données des Douanes et de l'Insee : l'Ile-de-France, qui représente 17,9% des échanges avec 74,9 milliards d'euros d'exportation et Rhône-Alpes, qui en représente 11,4% (47,6 milliards). D'autres sont bien loin derrière, comme l'Auvergne (1,6% des échanges avec 6,8 milliards d'euros d'exportation), la Basse-Normandie (1% des échanges avec 4,36 milliards d'euros d'exportation) ou encore le Limousin (0,5% des échanges avec 1,9 milliard d'exportation).
Le plan d'action export lancé en 2011 pour doper les exportations des entreprises à partir d'une action coordonnée de toutes les instances concernées (Ubifrance, chambres de commerce et d'industrie, conseillers du commerce extérieur, Oséo, Coface, conseils régionaux…) accorde une large place à l'échelon régional. Dans le cadre de ce plan, une charte nationale a été signée en juillet 2011 entre les différents partenaires. Elle a vocation à être déclinée au niveau régional. Ces chartes régionales à l'export doivent donner naissance à des guichets uniques de l'export, et à terme, à des maisons de l'export à l'image de celle développée dans le Nord-Pas-de-Calais. Déjà seize chartes régionales ont ainsi été signées*. Trois devraient l'être à court terme, selon le secrétariat d'Etat, dans le Limousin, les Pays-de-la-Loire et en Franche-Comté.
L'idée est simple : mettre en place un accueil unique pour aiguiller les entreprises dans leur recherche. En Nord-Pas-de-Calais, l'expérience date d'une dizaine d'années. Les acteurs publics et décideurs qui ont vocation à agir pour le développement international sont réunis dans un même bâtiment. L'organisation est non officielle et se fait à travers des réunions mensuelles tout en préservant l'autonomie de chaque partenaire. Les exportations régionales ont fortement subi les effets de la crise avec une baisse de l'activité automobile. Pourtant, la région conserve sa quatrième place des régions exportatrices, derrière Midi-Pyrénées qui bénéficie du poids de l'aéronautique. Elle affiche ainsi un montant d'exportation de 32,1 milliards d'euros et contribue à hauteur de 7,7% aux échanges. Mais dans le détail, on s'aperçoit que 42% de ces exportations sont le fait de 625 entreprises de taille intermédiaire (ETI), alors que les 9.526 PME exportatrices locales ne représentent que 29,5% du total. Ce qui montre la place stratégique du segment des ETI dans les exportations.
L'Auvergne, dix-septième région exportatrice
L'Auvergne, qui se classe au dix-septième rang, cherche, à travers la signature de la charte, à refaire son retard. Le guichet unique s'est traduit il y a un mois, par la création d'un numéro d'appel téléphonique et d'un site internet permettant aux entreprises de s'y retrouver dans les méandres des structures d'aide. "Ce que nous souhaitons, c'est que ce ne soit pas forcément une juxtaposition des outils pour les entreprises, mais qu'il y ait une réelle complémentarité des actions", explique Laurence Roquetanière, en charge de l'activité internationale à la CCI de Clermont-Ferrand. La petite taille de la région a facilité la coordination des acteurs. Mais la signature de la charte s'inscrit dans un travail déjà engagé. "Ce n'est pas la révolution dans la région, car il existait déjà une association, Auvergne international, qui organisait les actions de chacun. Le guichet va être porté par cette association. Mais on veut aller plus loin en offrant une véritable valeur ajoutée aux entreprises à travers nos prestations de conseil qui sont toutes gratuites", détaille Laurence Roquetanière. A terme, les partenaires seront regroupés dans un même lieu, même si la région ne veut pas se lancer dans la création d'un bâtiment jugée trop dispendieuse. "On peut mutualiser les ressources sans bâtiment", explique Hamid Berkani, vice-président du conseil régional d'Auvergne en charge du développement économique et de l'emploi. D'ailleurs, reconnaît-il, "cette affaire est plutôt pas mal partie". Ce qui ne l'empêche pas de louer les effets bénéfiques de la mutualisation. "Auparavant, chacun agissait dans son coin." Aujourd'hui, c'est le conseil régional qui a la présidence du guichet unique mais "on tourne toujours, explique le vice-président, et on a la preuve qu'on peut faire plus avec moins."
Pas de virage à 180°
La région Rhône-Alpes, qui a toujours eu une forte implication à l'international avec son agence Erai, n'est pas épargnée par les difficultés : sa balance commerciale est devenue déficitaire en 2011. Profitant de l'élan donné par le gouvernement, la région cherche à mieux organiser ses troupes. En juin 2011, elle a signé la charte régionale avec ses partenaires (CCI, Rhône-Alpes Ubifrance, la Coface, Oséo, les conseillers du commerce extérieur). L'accord est destiné à clarifier le rôle de chacun dans la chaine d'accompagnement des entreprises à l'export et à mettre à leur disposition un point de contact pour les orienter dans leurs démarches. Mais si cette charte a permis de repenser le rôle de chacun et surtout de prendre acte de la multiplicité des acteurs, elle n'a pas encore abouti à la création d'un guichet unique. "Cela a fait avancer les choses : un certain nombre de structures sont en train de repenser leur présence à l'international, mais ce n'est pas un virage à 180 degrés", explique Jean-Louis Gagnaire, vice-président du conseil régional de Rhône-Alpes, délégué au développement économique, à l'industrie et aux PME, qui pointe une certaine inertie des acteurs. "Mais ces structures se parlent, ce qui n'a pas toujours été le cas, elles commencent à organiser des actions ensemble, comme la Quinzaine internationale, elles ne sont plus les unes contre les autres", assure Jean-Louis Gagnaire. En revanche, l'élu ne se montre pas très ouvert à la création d'une maison de l'export qui selon lui ne correspond pas aux besoins réels du terrain. "Mieux vaut faire une forme de guichet, pas forcément unique, et structurer les réseaux pour que ceux qui ont besoin d'être accompagnés trouvent le bon interlocuteur." Un lourd travail reste donc encore à faire. "Au niveau régional, on est arrivé, avec la charte notamment, à une communauté de vues sur ce qu'il faut faire et ce n'était pas gagné. Maintenant, il faut décliner ça territoire par territoire. C'est un travail de longue haleine, qui exige de soutenir dans le temps les entreprises et de manière conjuguée."
Quant aux demandes du gouvernement de chiffrer la réussite de ces dispositifs à travers des indicateurs quantitatifs, les régions sont plus réservées. "Nous avons pour le moment 5% d'entreprises exportatrices, mais on préfère mesurer l'augmentation de la qualité et non de la quantité de ces entreprises dans leur démarche d'export", détaille ainsi Hamid Berkani. Et il faudra du temps pour que ces guichets uniques aient des effets réels sur les niveaux d'exportation des entreprises. En région Rhône-Alpes, le vice-président estime que les effets de la charte ne se feront ressentir que d'ici deux ou trois ans.
Emilie Zapalski
*Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Haute-Normandie, Ile-de-France, Champagne-Ardenne, Lorraine, Alsace, Centre, Poitou-Charentes, Bourgogne, Auvergne, Rhône-Alpes, Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Guyane, la Réunion.