Vichy et son Mobil'santé, le bus de l'accès aux soins (03)

L'accès à la santé et la question de la démographie médicale sont en bonne place dans les préoccupations des maires. Dans l'Allier, le déficit de généralistes se double d'un manque de spécialistes. À Vichy et dans les communes de son agglomération, un bus santé s’inscrit dans une démarche d’ « Aller-Vers », pour accompagner les populations dans leur parcours de soins.

Depuis le 2 janvier 2023, le bus Mobil’Santé circule sur le territoire de Vichy Communauté, et vient à la rencontre de populations les plus vulnérables et qui connaissent des freins dans l’accès aux soins. « Des personnes en situation précaire, voire marginale, en errance », mais aussi « des personnes éloignées géographiquement des pôles de santé comme des personnes âgées », explique la coordinatrice de cette équipe mobile, Julie Laurent. Une partie des 39 communes de l'agglomération de Vichy communauté est en effet largement rurale. Des personnes sans aucun suivi médical, sans couverture santé ni droits ouverts, le CCAS en a découvert beaucoup depuis le Covid. Une précarité médicale qui se confirme depuis que ce bus circule : 68,8 % des personnes accompagnées dans le cadre de ce dispositif n'ont pas de médecin traitant !

Un accompagnement global

Le bus accompagne les personnes dans leur parcours santé. Un accompagnement « complet », insiste l'adjointe au maire, Évelyne Voitelier. Comme pour cette femme atteinte d'une tumeur, découverte après une mammographie : l'équipe l'aide à coordonner ses rendez-vous, voire s’y rend avec elle. « Cela va donc de l'accompagnement physique d'une personne à l'hôpital, à la réinterprétation avec elle du diagnostic médical, pour s'assurer qu'elle l'a totalement compris et accepté et ensuite veiller à l'organisation de soins à domicile si besoin, jusqu'au suivi d'une personne qui souffre d'une addiction. En résumé, cela combine un accompagnement sanitaire, mais aussi social et psychologique », résume Julie Laurent. Un accompagnement qui peut donc durer, jusqu'à ce que la personne soit en mesure de s’en passer.

Un contrat est signé avec chaque personne, « c'est l'équivalent d'un contrat d'accueil dans un établissement de santé. Cela rend les personnes actrices de leur parcours de soins », relève la coordinatrice. Cela s'impose aussi, car plusieurs personnes sont sous mesure de protection.

Ce travail s'appuie sur « un gros travail de coordination, car il nous serait impossible d'exister sans le tissu social et les établissements de santé du territoire », reprend la coordinatrice du bus. Le bus Mobil’Santé fait partie des actions inscrites dans l’axe « populations précaires » du contrat local de santé (CLS) de Vichy communauté, signé en 2019, en partenariat avec l’État, le conseil départemental, la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), le centre hospitalier, l'Éducation nationale, des acteurs locaux de santé. « Il permet de mobiliser les acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux et de consolider les partenariats locaux autour des enjeux liés à la santé, tels que la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé, la promotion de la santé, la prévention, les politiques de soins et l’accompagnement médico-social. L’objectif du CLS est de faire émerger des actions pertinentes auprès de la population », rappelle l'élue. Il est complété par un contrat local de santé mentale, « intéressant pour nous, car les personnes repérées par le bus sont souvent en souffrance psychique », relève la coordinatrice.

Activités physiques adaptées

L'équipe du bus se compose, outre la responsable, d'une infirmière, d'une assistance sociale et d'une psychologue, d'un dentiste bénévole et de deux médecins retraités, d'un agent administratif et d'un chauffeur logisticien, qui propose également des activités physiques adaptées. Tous ne se déplacent pas forcément en même temps. Ni n'exercent à temps plein sur ce dispositif.

Suivant les jours, un bus aménagé en cabinet médical entièrement équipé (notamment en téléconsultation), mène des actions individuelles (entretien, consultation) ou collectives (dépistage, prévention). C'est la responsable qui détermine avec le maire l'action la plus adaptée à proposer. « Les maires connaissent mieux que nous leur territoire. Par exemple, la semaine prochaine, le bus se déplace dans une commune où le maire nous a demandé de mobiliser l'équipe au complet », explique Julie Laurent. En général, le bus s'installe pour une demi-journée. Le matin ou l'après-midi, suivant les cas. « Pas la peine de se déplacer à 9 heures du matin dans une commune dortoir » Les communes mettent à disposition une petite salle à proximité. « Si on fait une campagne de vaccination et de prévention, on doit pouvoir avoir deux lieux », justifie-t-elle. En revanche, le bus n'organise pas de consultations médicales dans les communes disposant de médecins.

À Vichy même, le bus organise des maraudes

Les demandes des maires sont croissantes. Le contrecoup des campagnes de communication menées par le CCAS et le bouche-à-oreille. « Cela a pris du temps pour que nous soyons identifiés. Que les maires comprennent ce que nous faisions et que cela apportait vraiment quelque chose, qu'il ne s'agissait pas juste d'un affichage. Nous avons commencé par un travail de séduction avec des cafés santé, pour nous faire connaître ou des actions de dépistage par exemple du diabète. Il a fallu convaincre, beaucoup communiquer. Les élus ont aujourd'hui compris qu'ils avaient aussi un rôle à jouer auprès de la population pour l'aider à se déplacer jusqu'à nous », explique l'élue. Début 2024, l'agenda des tournées du bus était bouclé jusqu'en mai. Récemment, c'est sur une petite commune de 130 habitants que le bus s'est rendu. « L'élu nous avait alertés sur les conditions de vie d'un monsieur sans aide et dont la situation se dégradait. Ce monsieur refusait toute intervention extérieure, mais grâce à l'entremise du maire, il a accepté que nous le contactions et nous avons pu prendre rendez-vous avec lui », raconte la coordinatrice.

En moyenne, l'équipe du bus suit les personnes durant quatre mois, avant de passer le relais à un professionnel ou une association. L’ARS avait fixé pour objectif un retour vers le droit commun dans un délai de deux mois puis, au regard des évolutions, a revu les délais dans l’intérêt des patients.

En 2023, 178 personnes ont été accompagnées. Parmi elles, 96 sont « sorties » de la « file active ». Côté chiffres, ces accompagnements ont conduit à 716 actions médicales, 422 actions sociales et 446 interventions psychologiques.

De l'expérimentation à la pérennisation

Cette initiative est née d'une expertise – celle du CCAS qui était déjà porteur d'un « pôle santé publique », une petite structure faisant le lien entre le CCAS - l'hôpital et l’Anef œuvrant pour les personnes précaires. « Nous avons saisi l'opportunité d'un appel à projets de l'Agence régionale de santé, au lendemain de la crise du Covid, pour aller au-delà de ce que nous faisions, en expérimentant un service mobile, le bus santé », explique l'adjointe à la santé de Vichy.

L'appel à projet a donné les moyens de lancer le projet, de le tester sur un an, et de mieux évaluer son coût de fonctionnement. « Depuis le départ, nous sommes dans la perspective d'une action à long terme », précise le directeur du CCAS. C'est pourquoi le CCAS a monté un dossier auprès de l'ARS pour obtenir le statut d’établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Cela permet un agrément d’une durée de 15 ans pour Mobil’Santé avec des financements de la CPAM.

Cela n'empêche pas de chercher des financements complémentaires, en lien avec le nouveau contrat de ville, voire au niveau de l'agglomération, si un CIAS se met en place. Un autre champ d'expérimentations à venir…

Chiffres clés

L'agence régionale de santé accorde une enveloppe correspondant aux équivalents temps plein (ETP) des personnels mobilisés sur la structure : agent administratif et médecins. Le dentiste, pour sa part, est bénévole.

Commune de Vichy

Nombre d'habitants :

25789
place de l’Hôtel-de-Ville
03 200 Vichy
mairie@ville-vichy.fr

Evelyne Voitelier

Adjointe au maire, en charge de la santé, du handicap, du cadre de vie, de la sécurité et des quartiers

Laurent Fabien

Directeur du centre communal d’action sociale

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