Une dictée géante invite les enfants d’Évreux à jouer avec les mots (27)

Ce n’est pas courant. À Évreux, le 28 février 2023, c’est avec un sourire jusqu’aux oreilles que 385 enfants, du CM1 à la 6^e, se sont exercés à faire une… dictée. Et pour cause, d’une part, elle se déroulait dans le magnifique théâtre de la ville, mais en plus, ils s’étaient, quelques semaines avant, impliqués dans la préparation du texte. « Tout est parti d’un constat posé par les acteurs de la politique de la ville d’Évreux Portes de Normandie, de la cité éducative et du programme de réussite éducative d’Évreux. Il concernait le manque de maîtrise de la part des enfants, des savoirs fondamentaux que sont la lecture, l’écriture et le calcul. Nous souhaitions les aider à aborder ces questions de façon ludique », témoigne Driss Ettazaoui, vice-président à la politique de la ville. « C’est en réfléchissant sur un évènement qui mobiliserait l’ensemble des acteurs de l’écosystème éducatif – Éducation nationale, indispensable pour une organisation pendant le temps scolaire, centres sociaux, animateurs… - que l’idée de la dictée géante s’est imposée. Je connaissais ce concept imaginé par Rachid Santaki, pour avoir coorganisé une dictée géante à trois reprises au Palais du Luxembourg, avec l’Association des élus de France que je préside. »

Les enfants préparent eux-mêmes le texte

Il est décidé de mener cette action dans les trois quartiers prioritaires de la ville d’Évreux, une initiative qui débute bien avant le jour même de la dictée. Courant 2022, sur la base du volontariat des professeurs, Rachid Santaki s’est rendu dans 19 classes pour animer un atelier d’écriture. L’objectif était d’inciter les enfants à proposer les mots du texte final. C’est ainsi qu’ont, par exemple, été sélectionnés les mots kinésithérapeute, dithyrambique ou encore gratte-ciel… Pour des raisons de place dans le théâtre, les 385 enfants qui participaient à la dictée du 28 février 2023, ont été divisés en deux groupes, un premier pour le matin et le second l’après-midi.

Une réconciliation avec l’orthographe

Une fois sur place, après une introduction à la démarche précisant le cadre - absence de notes, notion d’erreurs plutôt que de fautes, côté ludique de l’exercice -, la dictée, composée d’une centaine de mots, a été lue par Rachid Santaki. Il était possible pour les plus jeunes de s’arrêter un peu plus tôt dans le texte. « Mais ils étaient tellement motivés que tous l’ont faite en entier, preuve que cette démarche les avait un peu réconciliés avec les mots et l’orthographe », se félicite Adèle Comellas, cheffe de projet opérationnel de la cité éducative. Les feuilles ont été ensuite ramassées et aussitôt corrigées en coulisses par un collectif de cinq personnes dont des enseignants. « Pendant ce temps, un petit interlude théâtral autour des Fables de la Fontaine était présenté aux enfants. » Les textes corrigés ont été rendus aux enfants, tandis qu’une correction collective de la dictée leur a permis de se rappeler quelques règles d’orthographe. Quelques lots ont été remis (livres, petites enceintes…) pour les rédacteurs des meilleures dictées. Un goûter clôturait chacun des deux temps de la journée.

Des actions pérennes dans les quartiers

« Ce temps fort a été très apprécié par les enfants car je crois que nous avons réussi à leur donner l’envie de l'expression écrite », témoigne le vice-président, qui souligne aussi la satisfaction affichée par la sous-préfète ainsi que les représentants de l’Éducation nationale.

Cofinancée par l’État et l’agglomération, dans le cadre du budget du Programme de réussite éducative (PRE) et de la Cité éducative, l’initiative a coûté 10 000 euros. Il n’est pour l’instant pas prévu de renouveler l’expérience, mais dans le cadre de la Cité éducative, diverses actions autour de la lecture et de l’écriture se tiennent dans les quartiers en dehors des temps scolaires. Roxane Joannidès, docteure en sciences du langage, dispense par ailleurs une formation à la Mission locale, basée sur une méthode d’apprentissage novatrice, qui privilégie la compréhension, plutôt que la mémorisation, de la logique de l’orthographe. « Et pourquoi ne pas envisager la création d’un club d’orthographe à l’échelle des trois quartiers prioritaires ? », lance Driss Ettazaoui.