Un journal des infox pour éduquer au numérique (64)

« Il est essentiel d’apprendre aux enfants que nous vivons dans une démocratie et combien c’est important. La sensibilisation aux fausses informations s’inscrit, parmi d’autres actions, dans cette volonté de rendre les citoyens, actifs et responsables », explique Jean-Paul Casaubon, président de la communauté de communes Vallée d’Ossau, vice-président de La Fibre 64.

À l’origine du Journal des fake news diffusé sur le site éponyme, on trouve à la fois l’engagement et l’expertise du syndicat mixte La Fibre 64, mais aussi la demande de la Vallée d’Ossau et l’appel à projets de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) « outiller la médiation numérique » vague 3. Fort de son expérience auprès du public scolaire, le syndicat s’est appuyé, pour monter le projet, sur des études récentes indiquant que « pour les plus de soixante ans, il est plus difficile de distinguer ce qui est vrai » (Inria) ; que « les plus de 65 ans partagent sept fois plus de fausses informations que les jeunes de 18 à 29 ans ». Quant aux jeunes de 10 à 15 ans, une étude menée par Milan Presse précise que si « 61 % d’entre eux s’interrogent sur la véracité des informations, 69 % ne cherchent pas la source de l’information ».

Une gouvernance politique et technique

« Ces données coïncidant avec notre connaissance des publics, nous avons monté le Journal des fake news, avec la Vallée d’Ossau comme territoire d’expérimentation reproductible et documentable », précise Clémentine Pradalier, chargée de mission à La Fibre 64. « La taille de notre territoire -10 000 habitants -, une chaîne de décision courte, des arbitrages rapides, le rendent particulièrement pertinent pour des opérations pilotes », confirme le président de la Vallée d’Ossau. Dès la conception du projet, une gouvernance est mise en place, composée d’élus, de techniciens ainsi que des représentants des partenaires : Centre pour l'éducation aux médias et à l'information de l’Education nationale (Clemi), Fréquence écoles, association de médiation numérique. Ce comité de concertation a suivi le projet, mais aussi assuré le rôle de comité de rédaction avant la publication des articles.

Deux ateliers, trois étapes

Première étape, la sensibilisation pendant un atelier de deux heures mené dans les classes de quatrième des deux collèges du territoire (une soixantaine d’élèves), et dans les locaux de la communauté de communes pour les plus de soixante ans (prérequis : savoir utiliser un clavier et une souris et s’inscrire aux deux ateliers) : 23 personnes présentes. Cette phase de sensibilisation est très importante pour amener les participants à s’interroger : comment repérer une infox ? Comment vérifier une information ? Est-il pertinent de la transmettre ? Quel est l’impact d’une publication ? 

L’originalité de la démarche réside dans la deuxième étape : au cours du second atelier, les seniors sont invités à rédiger eux-mêmes un article. Accompagnés par le médiateur, ils expérimentent la réalité de l’infox : mélanger le vrai et le faux, susciter une émotion forte, utiliser des pièges à clic… Ils sont aussi sensibilisés aux droits d’auteur, en particulier pour les images qui illustrent leurs articles. Ils rédigent ensuite à propos de leur article, un quiz en direction des lecteurs qui devront se positionner : l’information est-elle vraie ou fausse ? Le même travail est mené par les collégiens avec leurs professeurs, « des enseignants très investis », précise la chargée de mission.

Un site web et une marraine

Avant la diffusion, qui constitue la troisième étape, le comité de coordination valide les productions. Soit, en 2023, 25 articles émanant des collégiens et 11 des ateliers séniors. Afin d’assurer une diffusion elle aussi pédagogique, un site web a été créé : ce média supplémentaire aborde des sujets liés au territoire et publie de janvier à mai.

Plusieurs campagnes de communication ont informé les habitants, et une marraine a été choisie : Aude Favre, youtubeuse spécialisée dans les fake news : « elle donne une visibilité à notre expérience et elle est venue donner une conférence sur l’activité économique générée par les fausses informations ».

Le budget, d’un montant 62 000 euros pour deux ans, est financé pour moitié par l’ANCT et pour l’autre moitié par La Fibre 64, le conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques et les collectivités locales partenaires.

Année 2, l’essaimage 

Dans le cadre de l’appel à projets, Nicolas Patriarche, président de La Fibre64, a annoncé l’essaimage du projet en 2024, au sein de quatre nouvelles classes de collégiens et de séniors dans plusieurs communes du Pays basque et de la communauté de communes Nord-Est Béarn. De plus, l’ANCT met à disposition des médiateurs partout en France, les supports d’intervention et les trames pédagogiques.

En ce qui concerne la Vallée d’Ossau, cette expérience a débouché sur la création d’un conseil intercommunautaire des enfants : « Nous avons profité de l’énergie dégagée pendant cette expérience du journal pour donner la parole aux jeunes plutôt que de parler à leur place, explique le président de la communauté de communes. Afin de ne pas interférer, nous avons confié l’animation du conseil intercommunautaire à une association. » Ces conseils sont l’occasion pour les élus de recueillir les préoccupations des jeunes : « si leur souci de l’environnement ne nous a pas surpris, leur souhait de partager du temps avec leurs aînés était plus étonnant. Dans tous les cas, nous observons le fort investissement de ces collégiens : nous les sollicitons et ils adhèrent. » Coût de ce conseil communautaire : 7 000 à 8 000 euros pour 2024, couvrant le budget d’animation et les déplacements des enfants : transports de leur domicile aux locaux de la communauté de communes, visite au Sénat, prochain voyage pour les JO…