L’humour pour sensibiliser le public à la fragilité d’un site naturel (39)
Comment préserver un site naturel sans toutefois se priver des touristes ? Comment gérer les flux et les déplacements de visiteurs ? Aux Planches-près-Arbois, Cascade mode d’emploi, une bande dessinée pleine d’humour, est diffusée tout au long des mois estivaux pour sensibiliser le public à la fragilité de la nature.
Dans ce village jurassien de 105 habitants, Les Planches-près-Arbois, la cascade des Tufs fait fureur depuis plusieurs années et attire de plus en plus de touristes. « Nous avons enregistré jusqu’à 1 000 véhicules par jour pendant l’été. Un tourisme de masse insoutenable pour les habitants et pour l’écosystème que représentent la cascade et l’ensemble de la Reculée », explique Valérie Depierre, vice-présidente en charge du tourisme à la communauté de communes Arbois Poligny Salins Cœur du Jura.
L’Office de tourisme et les élus ont donc mené une réflexion collective qui a conduit, notamment, à la fabrication d’un guide de la cascade. « Nous, élus, avons pris pleinement conscience que ce site bucolique devait être préservé à la fois pour les habitants et pour les touristes. Nous devions agir pour que ce patrimoine naturel continue d’offrir le calme, la beauté et l’authenticité que viennent y chercher les visiteurs. »
En effet, la Reculée des Planches est un site exceptionnel, une vallée fermée par des falaises calcaires hautes de 245 mètres. Classée au titre des sites naturels protégés et des sites Natura 2000, elle recèle de nombreux trésors de faune et de flore. À ses pieds se trouve le village Les Planches-près-Arbois et la cascade des Tufs avec ses bassins alimentés par la Cuisance, qui prend sa source au cœur de la reculée et resurgit par de nombreuses cavités creusées dans le tuf, roche calcaire d'origine sédimentaire.
Drôle et pédagogique
« Éviter la contrainte pour privilégier la sensibilisation, explique Philippe Markarian, directeur de l’office du Tourisme Cœur du Jura. Nous avons opté pour une forme attrayante et conviviale, qui semblait plus propice à un changement réel des comportements. » De fait, l’humour pour faire passer des messages sérieux s’incarne dans une bande dessinée. Cascade, mode d’emploi explique en douze pages et cinq leçons comment les différents reliefs (reculées, cascades, grottes…) qui font la beauté du site reposent sur des évolutions géologies invisibles (notamment l’érosion) et comment la présence humaine peut modifier cet équilibre naturel, perturber voire détruire la flore et la faune. Financé par l’Office de tourisme, soutenu par la communauté de communes, ce guide des bonnes pratiques (baignade et pique-niques sont très nuisibles pour la biodiversité), des bons gestes (ne laisser aucune trace de son passage), des bons moments (printemps et automne sont particulièrement attrayants pour venir à la cascade), des bonnes manières (accepter de marcher pour venir jusqu’à la cascade fait partie du charme de la journée) a été édité à 2 000 exemplaires (budget de 3 000 €) et diffusé via les canaux touristiques : Office de tourisme, restaurants, hôtels et chambres d’hôtes…
Cette diffusion a également bénéficié de l’engagement des élèves du Centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) de Montmorot qui ont passé du temps sur le site et ont, au contact direct des visiteurs, contribué à la vulgarisation de ces informations. « A priori, le message semble compris et bien perçu, les vacanciers sont amusés par le ton décalé. De plus, la bande dessinée a bénéficié d’une bonne couverture des médias régionaux. S’il est difficile de mesurer le changement de comportements, il semble bien que cette forme de communication contribue à la prise de conscience », constate Philippe Markarian. Bien sûr, un visiteur qui se baigne, deux personnes qui mangent dans l’herbe, un seul marcheur à côté du sentier ne poseraient pas de problème. Mais 2 000 personnes qui se comportent ainsi pendant quatre semaines et l’écosystème de l’eau est mis à mal, la biodiversité des sols est bouleversée, le tuf (calcaire dont est faite la cascade) s’abîme. « La nature est un être vivant et fragile, cela implique d’adapter notre comportement humain. Sur ce point, la collectivité a un grand rôle à jouer car les aménagements et la signalétique par exemple, contribuent au changement de comportements. »
Gérer la mobilité des touristes
C’est tout le sens de l’action menée par la communauté de communes Arbois Poligny Salins Cœur du Jura. À la recherche de l’équilibre entre préservation des sites et accueil des touristes, les élus ont, dans le cadre du schéma de développement touristique, commandé une étude sur l’ensemble du massif de l’Arbois, périmètre classé « site pittoresque ». Le rendu est prévu pour le second semestre 2022. Les conclusions seront une base pour élaborer des choix stratégiques, notamment en matière de flux et de mobilité des touristes.
D’ici là, les élus mènent des actions qui ont valeur de tests. Depuis l’été 2021 déjà, les véhicules à moteur n’entrent plus dans le village des Planches près Arbois. Ils stationnent à Arbois, à 2 km du site et une navette a été mise en place pendant l’été (environ 600 utilisateurs, 1 500 attendus pour l’été 2022). Un ou plusieurs parkings pourraient être aménagés, selon les besoins de chaque saison et de mobilités alternatives : déplacement à pied sur des chemins de randonnée, vélos électriques ou pas, navette… « En matière de mobilité, nous sommes dans une phase de transition, estime Valérie Depierre. Le regard sur la voiture change et il importe de redécouvrir la marche, de prendre le temps, a fortiori pour découvrir de tels sites. De plus, nous voulons éviter le stationnement anarchique qui perturbe la vie du village. L'équilibre entre le cadre de vie des habitants et l'activité touristique reste notre objectif. » Philippe Markarian va dans le même sens : « Accueillir toujours plus de touristes n’est pas l’objectif numéro 1, car il n’est pas compatible avec la préservation des sites naturels et patrimoniaux. Nous devons accepter que certains lieux ne soient pas accessibles tous, comme c’est le cas, par exemple, pour le sommet du Mont-Blanc. »
Les chiffres-clés de la préservation du site
- Coût de la navette : 5 000 € pour 20 jours (6 AR / jour)
- Coût client : 1,50 €
- Nombre d’usagers : 700
En 2022, la navette sera mise en place du 16 juillet au 28 août, pour un coût prévisionnel de 12 000 €
Le ticket (valable AR) sera de 2 €. Il est attendu entre 1 500 et 2 000 usagers selon les conditions météo.
- 3 000 € : coût du Guide
- 2 000 exemplaires diffusés sur deux étés
Communauté de communes Arbois Poligny Salins Cœur du Jura
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Valérie Depierre
Office de Tourisme Cœur de Jura
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