L'urbanisme tactique en pratique (50-53-61-72)

« Repensons nos places et nos rues » est un dispositif expérimental d'urbanisme tactique proposé par le Parc naturel régional et Géoparc Normandie-Maine. Il permet à des bourgs ruraux de tester de nouveaux usages, avant de réaménager leurs espaces publics. De quoi convaincre par l'exemple de mieux concilier place de la voiture, végétalisation et usages sociaux, dans un contexte d’adaptation au changement climatique. Illustration, avec la commune d'Ambrières-les-Vallées, en Mayenne.

À Ambrières-les-Vallées, commune de 2 623 habitants de la Mayenne, la rue Anne Leclerc mène des écoles à la place du Marché. Après la maison d'assistants maternels, elle s'élargit en place, autour d'un bel arbre. En pratique, l’espace ressemble davantage à un parking qu’à une place ! Durant l'été 2024, une partie de la circulation est passée à sens unique, les stationnements sont relocalisés pour libérer l'espace autour de l’arbre avec des jeux tracés au sol, des bancs et des jardinières plantées. Les habitants s'en saisissent : pique-niques, pause des assistantes maternelles avec leurs petits, étapes au retour du marché… « C'est ce qu'on appelle de l'urbanisme tactique, explique Anne-Laure Lagadic, chargée de mission revitalisation des centres bourgs au Parc naturel régional (PNR) Normandie-Maine. Ça paraît technique, c'est très simple : on teste de nouveaux usages pendant un certain temps, avant d'en tirer des enseignements pour réaménager ensuite de manière définitive le site. »

Une ingénierie mise à disposition

« Au-delà de notre mission bien connue de préservation des patrimoines naturel et paysager, le Parc a un rôle d'aménagement du territoire et une capacité à expérimenter », indique Laurent Marting, le président du PNR Normandie-Maine. C'est dans ce cadre que ce Parc a initié le dispositif Repensons nos places et nos rues, dont Ambrières a inauguré la première édition. « Nous connaissons une déprise démographique et les élus se demandent comment réaménager leurs centres bourgs pour les rendre plus attractifs, poursuit le président. Mais nos petites communes n'ont pas d'ingénierie en interne pour mener à bien ces projets. Avec ce dispositif, nous les aidons à tester des solutions, à mieux réfléchir avant de s'engager. »

Questionner les conflits d'usage, végétaliser et faire participer

Pour en bénéficier, il faut candidater à l'appel à projets annuel : « Nous l'ouvrons une année à notre secteur normand, l'autre année à notre partie ligérienne car nous sommes à cheval sur nos deux régions qui financent le dispositif », explique la chargée de mission. Dans sa lettre de motivation, la commune candidate présente le site qu'elle veut transformer, comment elle compte s'investir dans une démarche associant habitants et commerçants, sa volonté de questionner la place du végétal, de désimperméabiliser et d'avancer sur les conflits d'usages. Une fois la commune retenue par un comité de sélection, le PNR lance un appel d'offres en direction d'architectes urbanistes ou de paysagistes concepteurs.

Diagnostic et conception du projet en participatif

« Nous sélectionnons des équipes qui ont une appétence à travailler en milieu rural, souligne la chargée de mission. Le courant doit passer entre l'équipe et nos élus, pour une bonne implication et appropriation du projet. » Le diagnostic est ensuite mené en format participatif. À Ambrières-les-Vallées, cinq publics ont participé : les élus et services de la commune, et notamment les services techniques du fait de l'enjeu majeur d'entretien des espaces publics, le conseil des jeunes, les commerçants, et enfin les habitants et usagers de la place. Deux ateliers transversaux ont ensuite permis de construire les scénarios d'aménagement sous des formats intelligibles pour tous, comme des maquettes. Enfin, le prestataire a transposé ces choix dans une esquisse d’aménagement normée et chiffrée, accompagnée d’un plan de préfiguration.

Un aménagement temporaire testé

« On a ensuite testé l'aménagement entre juillet et novembre », explique la chargée de mission. Pour ce test réversible, le PNR met à disposition deux « parklets », des modules de mobilier urbain, en bois, qui s'insèrent temporairement sur les places de stationnement pour les transformer en espaces d'échanges ou d'assise. La commune fait réaliser le reste des travaux d'aménagement temporaire. « À Ambrières, elle a financé un chantier participatif pour créer des bancs et du marquage de jeux au sol, encadré par le prestataire du dispositif. Des jeunes y ont participé, en partie rémunérés par un dispositif Argent de poche. » 1 Les services techniques ont également participé, notamment en apportant la terre des « bigbag » qui ont été végétalisés.

Des projets plébiscités et partagés

« En testant, on désamorce les craintes naturelles qui font surface à tout changement, souligne le président du Parc. Et si ce n'est pas concluant, on peut amender le projet. » À Ambrières-les-Vallées comme à Carrouges, commune de l’Orne de 626 habitants, commune test du dispositif en 2022, le bilan est concluant : la circulation s’apaise, les habitants se réapproprient l'espace et les commerçants valident l'intérêt, y compris sur leur chiffre d’affaires. « La mairie d'Ambrières-les-Vallées a pérennisé l'aménagement en ajustant quelques éléments, suite au retour des usagers », indique la chargée de mission. La démarche a aussi permis de repérer la qualité d'un bâtiment en friche qui borde la place et devait initialement être détruit. Cette ancienne marbrerie pourrait devenir une halle couverte, au profit de l'animation de la place.

Un effet « boule de neige »

Selon la chargée de mission, « le temps long de sept à huit mois est nécessaire à la bonne coordination des acteurs et à l'appropriation du projet. Animer l'espace public durant le test est aussi un gage de réussite : les habitants et les commerçants sont les garants de la convivialité du nouvel espace créé. » Le « clap de fin » de chaque édition « Repensons nos places et nos rues » est l'occasion pour le PNR d'inviter les élus des communes membres à découvrir la réalisation. « Ça crée un effet boule de neige, note le président. On comprend mieux l'intérêt du végétal, l'envie des habitants de se réapproprier les cœurs de bourgs. Et la nécessité de repenser en parallèle la place de la voiture, même si elle reste incontournable en milieu rural. »

1 Le dispositif Argent de poche, présenté sur le site de la Caisse d’allocations familiales

Le dispositif en quelques chiffres

  • 15 000 euros : le coût annuel du dispositif d'ingénierie « Repensons nos places et nos rues » est pris en charge par les régions Pays-de-La-Loire et Normandie, en alternance une année sur deux, les PNR constituant une politique à charge des régions.
  • 10 000 à 12 000 euros : le coût de l'aménagement temporaire, pris en charge par la commune lauréate. Ces aménagements sont en partie réutilisés dans l'aménagement définitif.
  • 17 000 euros : le coût de fabrication des « parklets » mis à disposition par le PNR à la commune lauréate, financé à 75 % par la région Normandie et 25 % par la région Pays-de-la-Loire.

Parc naturel régional Normandie-Maine

Nombre d'habitants :

90000

Nombre de communes :

134
1 route du Château
61 320 Carrouges

Laurent Marting

Président

Anne-Laure Lagadic

Chargée de mission Revitalisation des centres bourgs

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