Darcey associe ses habitants au devenir du paysage local (21)

Grâce aux habitants de Darcey, on peut de nouveau arpenter le « chemin de ronde » qui fait le tour du village et permet de relier les rues en évitant la circulation automobile. Les enfants accèdent ainsi en toute sécurité à l’arrêt de bus, désormais refait à neuf. Avec l'aide d'un professionnel, les habitants ont aussi réhabilité un muret de pierres sèches partiellement effondré sur ce même chemin. « Ces réalisations sont le résultat très concret de notre étude concertée sur l'avenir du paysage, explique Bernard Franjou, maire de la petite commune de 360 âmes. Ici, notre richesse, c'est la qualité du paysage. » La commune compte notamment l'un des premiers espaces naturels classés en France après la loi de 1930 sur les monuments naturels : les sources de la Douix. Ce torrent qui jaillit sous le plateau du Duesmois longe lui-même le plus grand parc d'archéologie préventive de Bourgogne, autour d'un ancien site de sidérurgie du néolithique.

Une étude action sur le paysage

Arrivé aux commandes de la mairie en 2020, Bernard Franjou est architecte de formation. C'est donc tout naturellement qu'il sollicite le Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) pour reprendre le projet d'extension d'un lotissement communal lancé par son prédécesseur, afin d’insérer au mieux le nouveau bâti, dans le respect du paysage local. « Au-delà de ce lotissement, le PLUi allait se lancer et un projet d'implantation d'éoliennes était débattu, explique le maire. Nous avons donc voulu associer les habitants à une réflexion plus large sur le paysage local et son devenir. » Aidée par le CAUE, la petite commune recrute un paysagiste concepteur qui propose d'intervenir sous forme d'une étude action, en associant les habitants à plusieurs chantiers de réhabilitation d'éléments emblématiques du paysage local.

Des habitants bien mobilisés en ateliers participatifs

Menée de septembre 2022 à mai à juin 2023, la démarche a commencé par une réunion publique d'information, avant un premier atelier de diagnostic en marchant, à l’affût des spécificités du paysage local. « Dans le même temps, nous avons lancé une consultation des habitants pour qu'ils nous disent ce qui, selon eux, devait être conservé dans le paysage local, amélioré ou ne nécessitait pas d'intervention », explique le maire. Le deuxième atelier intitulé « Débroussaillons » a permis de réouvrir le « chemin de ronde » qui relie toutes les rues du village. Le troisième atelier - « Murons » - s'est attelé à restaurer un muret de pierres sèches sur ledit chemin, avec les conseils d'un artisan murailler. « Ces ateliers très concrets ont bien mobilisé : une trentaine de participants à chaque fois, dont le conseil municipal des jeunes. C'était passionnant », se réjouit le maire. Un troisième atelier pour penser le réaménagement de l'une des trois places du village a moins mobilisé, en plein hiver. Enfin la phase participative s'est achevée sur un temps de conclusion, qui a permis de faire le bilan de la consultation et de préfigurer le sommaire du plan guide.

Une démarche récompensée

En utilisant cette matière citoyenne, le paysagiste a ensuite formalisé un plan guide du paysage, autour de trois enjeux : préserver (zones humides, source, arbres emblématiques, murets, cônes de vues), augmenter (nouveaux itinéraires de promenade, centralités à densifier et relier par des chemins piétons ou cyclables…) et s'adapter (continuités et centralités végétales). Un plan d'actions de 12 fiches a également été esquissé. Le plan guide va être intégré comme annexe du PLUi pour la commune de Darcey. « Le fait d'avoir mené cette démarche nous a donnés du poids pour négocier des orientations du PLUi, sur les mobilités par exemple », reconnaît le maire. La démarche concertée a également été remarquée au plus haut niveau : elle a été récompensée de 3 étoiles aux Trophées de la participation et de la concertation Décider ensemble, fin 2023.

Sensibiliser au paysage demande du temps

Malgré cette indéniable réussite, le maire questionne l'impact à moyen terme de la démarche : « Notre paysage est menacé par le manque d'eau, les maladies des arbres… Il y a des mutations rapides mais je ne sens pas encore de réelle prise de conscience. Il y a eu un vrai enthousiasme au cours de la démarche mais c'est comme une bouteille à la mer, ça semble déjà un peu loin… Mais nous sommes pleins d’espoir ! » Compte tenu de ses limites financières, la mairie ne peut pas aujourd'hui engager d'action concrète supplémentaire pour le paysage - « Nous avons déjà beaucoup à faire sur la rénovation énergétique de notre patrimoine » - et les habitants n'agissent pas sur leurs propriétés privées pour maintenir le paysage local. « Vouloir mobiliser un village sur la question du paysage est difficile. Quand on est né ici et qu'on a toujours vu ce paysage, on l'imagine comme immuable. Une démarche unique ne suffit pas à faire évoluer d'un coup les mentalités, il faut de la ténacité dans le temps, et ça devrait finir par fonctionner ! » Pour le maire, certaines réflexions pourraient être reprises comme éléments prescriptifs du paysage dans le PLUi. Une avancée réglementaire donc, avant l'avancée culturelle plus profonde qu'il appelle de ses vœux.