Valdallière élargit le champ des possibles (14)
Comment donner corps et âme à une commune nouvelle ? Comment les habitants, et les élus, d’un territoire jusque-là composé de 14 clochers peuvent-ils adopter une identité commune ? À Valdallière, une résidence d’architectes a contribué à ouvrir des horizons…
Valdallière est une commune nouvelle créée le 1er janvier 2016, par la fusion de quatorze communes. Seules quatre d’entre elles comptaient plus de 500 habitants. Valdallière se situe au sud-ouest du Calvados, et rassemble aujourd’hui 6 200 habitants sur un territoire rural de 158 km2. « Au départ de la fusion, les équipes s’inquiétaient de la baisse des effectifs des élus locaux : de 149 conseillers municipaux, on devait d’abord passer à 57, puis à 29 », explique Jean Pavie, directeur général des services (DGS) depuis 30 ans.
L’interrogation se portait aussi sur la nouvelle identité de la commune nouvellement créée : comment l’incarner ? « Nous avons trouvé le nom de Valdallière, du nom de la rivière Allière, mais il fallait aussi autre chose… ». La Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) du Calvados conseille alors l’outil « résidence d’architectes » ; puis elle oriente les élus vers Territoires pionniers. Cette structure culturelle basée à Caen associe collectivités territoriales, acteurs locaux, et habitants dans des expériences collectives et créatives. Elle mène notamment des actions de sensibilisation à l’architecture, à l’urbanisme et plus largement aux enjeux des lieux de vie.
Carte blanche pour la résidence d’architecture et paysage
Une résidence d’architecte/paysagiste est organisée en 2018. Le projet est mené par Territoires pionniers avec le soutien de la commune de Valdallière, de la région Normandie et de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) Normandie. Il s’inscrit dans le cadre du dispositif 10 résidences d’architectes en France 2017-2018, porté par le Réseau des maisons de l’architecture avec le mécénat de la Caisse des Dépôts, le Conseil National de l’Ordre des Architectes et le ministère de la Culture.
Quatre personnes –Margaux Milhade, architecte, et Camille Frechou, paysagiste-conceptrice, accompagnées de Loan Calmon, réalisateur, et Maxime Canelli, cuisinier– sont accueillies à Valdallière, avec, pour fil rouge à leur démarche, cette question : « comment faire commun dans ce nouveau bassin de vie issu de la fusion de 14 communes ? »
L’équipe a carte blanche. « On ne savait pas du tout où on allait », se souvient Jean Pavie. Pendant six semaines, d’avril à juillet 2018, les résidents s’installent dans une des boutiques disponibles du bourg de Vassy, et vont à la rencontre de ce vaste territoire, de ses 14 bourgs et de ses habitants. Une expérience singulière, en marge des pratiques conventionnelles : ils vivent sur place, arpentent le bocage, font connaissance avec ceux qui l’habitent, croisent leurs regards, découvrent leurs pratiques et identifient avec eux des possibles. Peu à peu leur démarche se resserre autour des bâtiments publics, propriété des 14 ex-municipalités, et notamment des anciennes mairies, devenues « maisons communes ».
Une étude-action pour une « programmation active » des anciennes mairies
En 2019, la municipalité lance un marché de consultation pour la « réalisation d’une prestation de programmation active de locaux et une assistance à maîtrise d’ouvrage pour la construction d’une gouvernance communale rénovée ». L’équipe déjà venue en résidence est retenue. Elle commence par réaliser un état des lieux. Une centaine de bâtiments publics sont recensés, examinés, analysés (surface, nature et consommation de chauffage, travaux réalisés ou à programmer, accessibilité, etc.). Des documents et des relevés in situ complètent ce catalogue, ainsi qu’un carnet de plans et façades, pour permettre à tous d'appréhender précisément ce patrimoine commun. L’étude-action s’intitule « Bouches à oreilles » et va durer presque une année : « Nous souhaitions partir de ces locaux vacants pour créer des relais locaux, des comités consultatifs, ou les mettre à disposition d’associations ; valoriser le patrimoine par une intensification des usages, et nous appuyer sur cette question programmatique pour infléchir les usages », poursuit Jean Pavie. Ce travail, qui va s’étaler finalement sur une année entière, se termine par la réalisation d’un film « Habiter Valdallière » , projeté le 20 juin 2018 dans le bourg de Vassy.
L’étude sur le bâti municipal révèle de grands potentiels : « Cela nous a ouvert le regard et poussés à réfléchir d’abord à un projet solide avant de chercher des financements. Car les subventions vont d’abord aux projets cohérents et clairs », note le DGS.
Changement de municipalité… et de braquet
Lors des élections municipales de 2020, une équipe opposée à la commune nouvelle est élue. Elle met fin au projet. Les services déconcentrés de l’État, notamment la DDTM du Calvados, le Caue 14, et le DGS tentent néanmoins de convaincre les nouveaux élus de reprendre la réflexion et de monter un nouveau projet : celui d’un tiers lieu. Les élus adhèrent à l’idée. Le tiers lieu ouvre en 2022 et accueille déjà 13 artistes, un céramiste, un bar associatif et des concerts.
« Le problème, c’est l’ingénierie »
« Dans les communes rurales, le problème c’est l’ingénierie. Nous vivons un quotidien assez ingrat. Cette résidence et cette étude nous ont permis de nous poser et de réfléchir avec les architectes, très présents puisqu’ils habitaient là. Ce travail a infusé dans tous les domaines, il a élargi le champ des possibles. Dès lors, les perspectives se sont élargies. Nous avons ouvert une maison de santé, nous nous sommes approprié ces questions de gouvernance, notre façon de travailler a évolué, et nous nous sommes projetés dans le temps long », détaille Jean Pavie.
Pour finir, et dans l’élan, des projets ont germé, comme celui du tiers lieu. Puis les cimetières que la municipalité (accompagnée par le Caue 14) a décidé d’embellir et de végétaliser : un travail mené en régie municipale, avec la participation active des habitants. Quant aux 14 ex-mairies, aujourd’hui chichement occupées par deux heures de permanence administrative hebdomadaires assurées par quatre secrétaires de mairie itinérantes, des arbres fruitiers ont été plantés en espalier sur leurs façades, selon une ancienne tradition locale. Chacune des 14 mairies annexes accueille « son » poirier palissé : 14 variétés différentes pour une collection botanique dispersée mais unique : celle de Valdallière.
Zoom sur le budget
Coût de l'étude-action : 89 950 euros HT (subventionnée à 80 % par l'Europe au titre du LEADER, soit 71 960 euros).
Les services de la commune ont apporté un concours important à cette expérience (coups de mains, petits travaux), mais ce temps passé n’a pas été comptabilisé.
Commune de Valdallière
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Frédéric Brogniart
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