Les dépôts sauvages de Carnelle Pays-de-France sous l'œil de l'intelligence artificielle (95)

Grâce à un système proposé par le Syndicat mixte Val-d’Oise Numérique, la communauté de Carnelle Pays-de-France repère les dépôts illégaux avant qu'ils ne se transforment en décharge sauvage. Si la solution aide à prioriser les interventions de la collectivité, elle ne remplace pas l’intervention humaine.

Territoire rural à proximité de la région capitale, la communauté de communes de Carnelle Pays-de-France voit ses espaces naturels régulièrement souillés par des dépôts sauvages. « Leur multiplication ces dernières années est notamment imputable à des sous-traitants d'entreprises de BTP travaillant sur les chantiers du Grand Paris », analyse Patrice Robin président de la communauté de communes. Or ces dépôts contiennent parfois des matières dangereuses tels que des hydrocarbures ou de l'amiante. « C'est un fléau qui, si l'on ne s'y attaque pas rapidement, contamine les sols et les nappes phréatiques », souligne l'élu.

Détecter les anomalies de pixel

Face à l'ampleur du problème, la collectivité est à l’affût de toutes les bonnes idées. C'est ainsi qu'elle s'est portée volontaire quand le Syndicat Val-d’Oise Numérique a décidé en 2021 d'expérimenter une solution permettant de mieux détecter les dépôts sauvages. Celle-ci a été imaginée par la start-up locale Disaitek, conceptrice d'algorithmes aidant à repérer les exoplanètes sur des images spatiales. « Or pour les déchets, le principe est le même, explique Rachid Adda directeur général de Val-d’Oise Numérique, l'intelligence artificielle analyse des images haute définition pixel par pixel pour déterminer des anomalies. » Après un test concluant sur quelques photos aériennes, le Syndicat s'est appuyé sur un contrat d'innovation (dispositif Villani) pour faire l’acquisition d’une solution de détection des dépôts sauvages par analyse de photos satellites.

Photos satellite haute définition

Restait à trouver des images aériennes à un coût soutenable pour les collectivités. Le syndicat a été orienté vers le Dispositif institutionnel national d’approvisionnement mutualisé en imagerie satellitaire (Dinamis) dont les données, collectées par les satellites de la galaxie Pléiades Néo, sont fournies pour un coût très inférieur au prix du marché à toutes les structures publiques qui n'en font pas d'usage commercial. Une convention a été signée avec Dinamis prévoyant le renouvellement de la couverture photo départementale toutes les 3-4 semaines. Mises à disposition du syndicat, les photos sont traitées par les algorithmes de Disaitek qui les restitue aux acteurs locaux (syndicat, département, EPCI, gendarmes) via une plateforme web dont Val d’Oise Numérique administre les droits d’accès.

Celle-ci affiche sur une carte de petites étiquettes partout où un dépôt sauvage a été identifié. Au total, quelque 200 à 250 dépôts sauvages ou décharges illégales sont observés mensuellement, la plateforme en ayant mis à jour plus de 900 en l'espace de deux ans à l'échelle du département… Un clic droit fournit la parcelle cadastrale concernée, une estimation du volume et d'autres informations comme la proximité d'un cours d'eau susceptible d'être contaminé par des déchets. « La plateforme permet le suivi dans le temps des dépôts et évite qu'un petit dépôt ne se transforme en décharge en favorisant une action rapide », souligne Patrice Robin. Elle permet aussi de repérer les décharges illégales de particuliers peu scrupuleux ou de réseaux organisés, invisibles depuis la voie publique. Elle constitue enfin un outil collaboratif en étant accessible aux intercommunalités, aux mairies, aux gendarmes et aux services d'incendie et de secours.

Ramasser et punir

« Le dépôt repéré il faut ensuite le traiter » relève l'élu qui chiffre à 120 000 euros le montant que sa collectivité est contrainte de mobiliser pour lutter contre les dépôts sauvages. Il s'agit tout d'abord d'enlever les déchets. La communauté de communes s'occupe de dépôts de moins d'une tonne mais doit recourir à des prestataires agrémentés pour tous les déchets toxiques. La plateforme aide sa brigade de l'environnement à repérer les dépôts récents et à prioriser les interventions préventives ou de ramassage des services techniques. Mais il s'agit aussi de punir les auteurs.

« C'est compliqué car la loi nous oblige à prendre les gens en flagrant délit », précise Patrice Robin. Là où c'est possible, la collectivité s'appuie sur des caméras de vidéoprotection voire des pièges photographiques. Les gendarmes réalisent également des planques à proximité des dépôts en croissance, « avec un temps limité à y consacrer ». Mais appréhender les délinquants – processus qui repose sur une procédure stricte avec pour préalable une plainte – n'est pas toujours facile, surtout quand le véhicule est immatriculé à l'étranger. Pour lutter plus efficacement, l'élu estime qu'il faudrait une modification de la loi. Il réfléchit également avec le département à une remise à plat de l'offre et des conditions d'accès aux déchetteries pour éradiquer un phénomène que l'IA n'a finalement fait que mieux révéler.

Budget de l’opération

  • 70 000 euros pour la plateforme
  • 50 000 euros pour l'acquisition des photos
  • Soit 120 000 euros par an pour le Syndicat Val d'Oise Numérique

Communauté de communes Carnelle Pays-de-France

Nombre d'habitants :

32281

Nombre de communes :

19
Domaine de la Motte – 3 rue François de Ganay
95 270 Luzarches

Patrice Robin

Président

Val d'Oise Numérique

Hôtel du Département - 2 avenue du Parc
95 032 Cergy-Pontoise

Rachid Adda

Directeur général

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