Haute Corrèze communauté : une réorganisation accompagnée par une anthropologue (19)

La fusion complexe créant Haute Corrèze communauté en 2017 avait fragilisé le service des ordures ménagères. Pour installer une nouvelle organisation et poser des fondations solides, la collectivité a missionné une anthropologue, qui a écouté et accompagné les équipes dans le changement. Retour sur une démarche convaincante et originale, quelques mois après sa finalisation.

Une anthropologue au pays des rippers de camions poubelles et agents de déchetteries ? « Il y avait un vrai pari, né de la rencontre avec une professionnelle qui nous a convaincus par son approche, reconnaît Célia Escurat, directrice générale des services (DGS) de Haute Corrèze communauté. Mais le résultat est là : on est contents d'avoir foncé et fait confiance à l'intelligence collective. »

Petit retour en arrière. En 2017, Haute Corrèze communauté naît aux forceps : « Les élus ne voulaient pas de cette fusion à grande échelle, 6 EPCI et 70 communes, explique la DGS. Nous avons passé les 3 premières années à gérer cette union imposée, constituer le nouvel organigramme, adopter un projet de territoire et d'administration. » Pour ce qui concerne les ordures ménagères, il faut réussir la fusion de 3 syndicats, de régies, et de services délégués aux fonctionnements différents : régie/prestation, gestion du personnel différente (1 chauffeur/1 ripper sur un syndicat, 1 chauffeur/2 rippers sur les 2 autres) et éloignement géographique des sites d'embauche. « Face aux besoins en personnel pour passer en tout régie avec 2 rippers par camion, les élus ont fait le choix de limiter l'encadrement intermédiaire : ça n'a pas marché. » Des agents démissionnent, il y a des difficultés à remplacer les absents et le service à l'habitant se dégrade. Fin 2021, un nouveau chef du pôle technique arrive, et mission lui est donnée de penser une nouvelle organisation du service ordures ménagères.

Renforcer l'encadrement intermédiaire

« Après avoir pris le pouls des besoins et des attentes, mais sans processus formalisé de co-construction, j'ai rendu ma copie à la direction générale mi-2022 », indique Guillaume Bellessort, le nouveau chef du pôle technique. En plus d'un chef de service ordures ménagères secondé d'un seul adjoint technique (ancienne organisation), il propose de créer 4 postes supplémentaires d'encadrement : 1 chef adjoint administratif et financier et 3 postes de coordonnateurs intermédiaires : 1 pour la collecte, 1 pour les déchetteries et 1 en charge du patrimoine (garage, camions poubelles…). La cellule prévention des déchets est directement rattachée au chef du pôle technique. « En outre, je proposais que tous les agents embauchent sur un même lieu, à Ussel, pour plus de cohésion d'équipe. » Exposée aux représentants du personnel, la nouvelle organisation à 55 agents convainc. Reste à la présenter aux agents : « au-delà de l'acceptation, on devait recréer un dialogue apaisé, vu le passif compliqué », souligne le chef de service. « Il fallait entraîner tout le monde, ajoute la DGS. Poser des fondations solides et arrimer les agents dans la nouvelle structure intercommunale, qu'ils se sentent faire partie du projet de territoire. »

L'écoute par une anthropologue recrée un climat de confiance

La rencontre avec une anthropologue, récemment installée sur le territoire et venue proposer ses services, tombe à pic. « Stéphanie Douillard travaillait en défrichant le passé des lieux, des bâtiments et des équipes, pour construire l'avenir. Cette approche et sa capacité d'écoute m'ont convaincue de la faire intervenir », précise la DGS. À l'automne 2022, l'anthropologue lance sa mission : 3 demi-journées de travail en groupe, suivies par une journée conclusive commune à tout le service et un repas convivial. Chaque demi-journée suit le même déroulé : « brise-glace » pour créer un climat de confiance, temps pour poser les différents aspects de chaque métier (ce qui plaît, ce qui irrite, ce qui est neutre) et réagir sur les remarques des autres, puis temps de propositions et de solutions opérationnelles sur les aspects qui irritent. « Avec une personne extérieure, à l'écoute, nous avons pu donner nos points de vue sans être jugés, souligne Maxime Lepelletier, chauffeur de camion. Le faire en groupe nous a permis de dire des choses que l'on n'aurait pas dit seul, face à un chef. À la sortie de la démarche, tous les gars du service étaient enchantés, y compris les plus anciens. » « Il y a eu une grande bienveillance et le courage de chacun de se livrer », souligne le chef du pôle technique, présent à chaque rencontre.

Un plan d'action plus large

À partir de cette matière, l'anthropologue a proposé un plan d'action autour de 3 axes de travail : la cohésion d'équipe (aménager un espace café, organiser un barbecue annuel avec les élus...), l'organisation du travail (cahier de doléances, règlement usagers, formations...), la relation agents-cadres-élus (inviter les élus à faire une tournée, être reconnu par un bonjour...). « Le volet relationnel était essentiel pour nous, souligne le chauffeur de camion. On ne se sentait pas reconnus, malgré un travail pénible ».

Présenté en réunion conclusive, ce plan d'action incluait le nouvel organigramme de service, répondant à la demande d'encadrement intermédiaire renforcé. « Nous avons aussi proposé un recrutement en interne des coordonnateurs et testé le vote sans candidat, indique le chef du pôle technique. À titre indicatif, chacun pouvait ainsi désigner les personnes qu’il voyait le mieux assurer les postes de coordonnateurs. » « Proposer les postes en interne et se voir plébiscité par les collègues, c'est une reconnaissance essentielle, très gratifiante », confirme le chauffeur du service.

Une mise en mouvement réussie

8 mois après l'adoption de la nouvelle organisation, 4 postes parmi les 5 sont pourvus (seul le responsable d’exploitation ne l'est pas encore). « Le délai de mise en œuvre peut parfois sembler long aux agents », souligne le chef de service. La réorganisation des tournées de collecte est à l'agenda, tout comme la création d'un règlement des usagers ou l'extension et la réhabilitation des locaux. « La démarche a permis de sortir d'une culture de l'oral, de poser de nouvelles bases et de mettre en mouvement le service », note la DGS, qui souligne combien la réussite tient aussi à la qualité d'écoute de l'anthropologue. « Son apport, c'est une approche sensible. On a entendu parler de la beauté des levers de soleil, des paysages parcourus, mais aussi de l'importance d'un bonjour pour se sentir reconnu. Des éléments forts, qui nous permettent aussi de valoriser ces métiers qui connaissent aujourd'hui des difficultés de recrutement. »

Chiffres clés

  • 55 agents encadrés par 1 chef de service, 2 chefs adjoints et 3 coordonnateurs de proximité
  • 3 000 € de prestation d'accompagnement de la réorganisation par une anthropologue

Haute-Corrèze communauté

Nombre d'habitants :

32103

Nombre de communes :

70
23 parc d'activité du Bois Saint-Michel
19 200 Ussel
contact@hautecorrezecommunaute.fr

Alain Fonfrede

Vice-président, en charge des déchets

Guillaume Bellessort

Chef de service Pôle technique

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