La « maison » du Quai, habitat partagé et échanges 360° (63)
Le terme officiel parle d'habitat inclusif. Pour les cinq résidents, handicapés psychiques ou âgés, c'est la « maison ». Un lieu de vie et d'échanges, ouvert sur l'extérieur avec son café-espace culturel, où chacun participe à la vie quotidienne. Une vie retrouvée après des années d'errance hospitalière.
La maison du Quai est une jolie maison de bourg, agrémentée d'un jardin. Tous les services et commerces sont accessibles à pied. Un lieu central parfait pour cette forme d'habitat partagé d'un nouveau genre, qui a ouvert en mars 2021. Son but : offrir « un habitat inclusif et accompagné pour des personnes en souffrance psychique ou vieillissantes », explique l'une des deux cofondatrices du projet, Tatiana Gautier. Comme sa collègue Caroline Zajaczkowski, elle était infirmière à l'hôpital Sainte-Marie de Clermont-Ferrand. « 20 % des patients hospitalisés en psychiatrie sont stabilisés sur le plan clinique, mais n'ont pas de solution adaptée pour vivre complètement seul ». C'est pour eux que les deux infirmières ont imaginé ce projet.
Un toit, une vie sociale et des soins infirmiers
Cinq personnes, de 35 à 70 ans, vivent à la maison du Quai. Ce sont des habitants avant d'être des patients. Chacun a un appartement, peut manger et passer ses soirées seul ou avec les autres. Les habitants participent à la gestion de la maison, et ses multiples activités, planifiées ensemble d'une semaine sur l'autre, accompagnés des deux infirmières, présentes du lundi au vendredi. Le week-end, les habitants sont autonomes. « Dans les faits, tous ne le sont pas », glisse Tatiana. Au besoin, des aides ménagères ou des portages de repas par exemple sont donc mis en place.
Chacun participe à l'entretien des parties communes : salon salle à manger, salon TV, buanderie… Cela fait partie des activités. De même que l'entretien de la cour devant la maison et du jardin potager partagé de 3 000 m², situé à 300 mètres de la maison.
En journée, les habitants sont rejoints par quatre autres personnes qui vivent dans des appartements proches, et qui ont également besoin d'un appui pour ne pas rester isolées.
Le café du Quai est un lieu à part, aménagé dans le garage. Il est ouvert sur l'extérieur. Ce sont les bénéficiaires qui assurent l'ouverture (une demi-journée par semaine en hiver, un peu plus l'été) et la gestion. Le café compte déjà plus de 500 adhérents, qui viennent y boire un café, écouter un concert, voir un ciné débat ou danser lors des après-midi « boom ».
Un mieux-être évident
« La qualité de vie de chacun s'est améliorée », souffle Tatiana. Tous étaient hospitalisés depuis des mois, voire des années. Au départ, il y a eu plusieurs allers-retours avec l’hôpital, « car certains ont des pathologies lourdes ». Mais aujourd'hui, « il n'y en a quasiment plus ». Aucun habitant n'a quitté la maison, et aucun n’a l'intention de le faire. « L'entraide s'est beaucoup développée, cela n'allait pas de soi, mais tout s'est mis en place. Certaines périodes, qui pouvaient être difficiles, comme Noël, ne sont plus aujourd'hui appréhendées avec angoisse, mais vécues comme en famille », témoigne-t-elle encore.
La maison dépend du dispositif d'habitat inclusif, autrement dit elle est ouverte aux personnes dont le handicap est reconnu ou aux personnes âgées. Il n'y a pas besoin d'être « orienté » par la Maison départementale des personnes handicapées pour y entrer. « Ce sont surtout les assistances sociales des hôpitaux ou des communes qui dirigent des personnes vers nous », explique Tatiana. Une procédure d'admission a été mise au point avec le service réhabilitation du Centre hospitalier universitaire. Le besoin est tel dans le domaine de la psychiatrie, que la Maison a affiché complet avant même d'ouvrir. L'équipe est très régulièrement sollicitée pour des demandes de renseignements voire d'admission. Un projet d'extension verra d'ailleurs le jour en fin d'été 2023. Il permettra d'accueillir trois nouvelles personnes.
La commune de Billom n'a pas investi financièrement dans le projet. Mais elle a joué un rôle déterminant auprès des porteurs de projet dès 2019, à l'heure où personne ne croyait en ce projet. Car les fondatrices avaient « l'idée folle d'acheter cette maison », et donc un besoin d'emprunt. La mairie les a aidées au montage, en les mettant en lien avec les « bons interlocuteurs », notamment le Conseil départemental, devenu partenaire financier. La mairie est également entrée au capital de la Société coopérative d'intérêt collectif (SCIC), créée le 1er janvier 2023, pour prendre le relais de l'association le Quai, à l'origine du projet.
Le Conseil départemental en soutien
Conformément aux orientations du Schéma départemental de l’habitat (SDH) 2019-2024, le Conseil départemental a souhaité s’engager dans le soutien aux projets d’habitat innovant. Ainsi, l’Assemblée départementale a voté la création du Fonds OSIRIS, en décembre 2016. Il a pour but de soutenir le développement d’opérations de logements adaptés aux personnes âgées et personnes en situation de handicap. Cette intervention volontariste préfigurait à l’époque ce que le législateur a inscrit depuis dans la loi en matière d’habitat inclusif.
Le Conseil départemental intervient financièrement sur le volet investissement à hauteur de 15 000 € par logement, avec un bonus de 10 % du coût de revient prévisionnel en cas de réhabilitation. (cf encadré) Par ailleurs, le Conseil départemental, en tant que chef de file de l’habitat inclusif, a lancé un appel à manifestation d’intérêt en 2022, pour le financement en fonctionnement des projets de vie sociale et partagée. À ce titre, les 5 premiers habitants du Quai bénéficient d’une aide à la vie partagée de 9 000 € chacun soit 315 000 € votés pour les années 2023 à 2029. Le Conseil départemental a délibéré favorablement pour l’octroi de l’aide à la vie partagée pour 7 habitants supplémentaires, soit 441 000 € votés pour la même durée. Ce sont donc au total 900 913 € qui sont prévus pour ce projet.
De l'association à la SCIC
« Nous voulions dès le départ évoluer vers cette forme de gouvernance partagée, tout en appliquant les principes de l'économie sociale et solidaire qui nous sont chers. L'association nous a permis de nous faire connaître et de lancer le projet, la SCIC en est l'aboutissement », explique Tatiana. La SCIC réunit les bénéficiaires, les salariés, les bienfaiteurs et la collectivité.
Un montage financier à étages
Les porteurs de projet et les 32 associés engagés pour voir ce projet aboutir ont réuni 197 000 euros via une société à action simplifiée (SAS), qui est devenue propriétaire des murs de la maison du Quai.
La SAS loue la maison à l'association le Quai (devenue SCIC), qui sous-loue les appartements aux habitants, moyennant un loyer de 570 euros toutes charges comprises.
150 000 euros de travaux ont été dépensés pour aménager les studios, transformer le garage en café.
Le projet du Quai a pu bénéficier d’une première subvention du Conseil départemental de 85 000 € pour la création de 5 logements en 2020 et d’une seconde subvention de 59 913 € pour la création de 3 logements supplémentaires en 2023.
Le reste a été emprunté par la SAS.
L'Agence régionale de santé a aidé au fonctionnement de la maison pour son lancement.
Une fondation handicap – le Comité national coordination action handicap (CCAH) - a aidé au lancement du projet et à l'équipement des locaux.
Le budget total de fonctionnement est de 110 000 euros environ, couvrant les deux emplois à temps plein des infirmières, et la location à la SAS.
Association Le Quai
Commune de Billom
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Conseil départemental du Puy-de-Dôme
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