Le Jardin sur le Toit, habitat participatif intergénérationnel à La Réole (33)

« En 2013, un groupe de cinq femmes, âgées de 70 ans et plus, très impliquées dans le milieu associatif, expose à la mairie son projet de créer un lieu de vie participatif sur le modèle des Babayagas [NDLR : une résidence réservée aux femmes de plus de 60 ans ouverte à Montreuil (93) en 2012], explique Bruno Marty, maire de La Réole. Elles étaient à la recherche d’un immeuble existant ou d’une parcelle abandonnée pour mener ce projet. » Un an auparavant, la ville avait préempté trois parcelles contiguës, à l’abandon, situées dans le cœur historique. Elle avait dans l’idée de créer une liaison entre différents îlots. La Réole est un bourg fortifié labellisé Ville d'Art et d’Histoire, mais dont le centre ancien concentre plusieurs difficultés : paupérisation, habitat dégradé et vacant, fragilités du tissu commercial, espaces publics inadaptés aux mobilités douces et aux nouveaux usages, etc. Impliquée dans la démarche Petite villes de demain, La Réole agit pour redonner vie à son cœur médiéval en s’appuyant sur ses atouts : sa desserte par la ligne TER Bordeaux Agen, son économie locale, son tissu associatif, ses équipements culturels de qualité, son patrimoine bâti et paysager ou encore la présence du fleuve.

Séduite par l’idée du collectif de dames, mais soucieuse néanmoins de ne pas créer un lieu qui devienne un « entre-soi », la municipalité prend conseil auprès de ses partenaires : le département de la Gironde, la région Nouvelle-Aquitaine, et l’État, liés par la convention cadre La Réole 2020. La région mandate alors un bureau d’études pour mieux cerner les envies, le projet et les contraintes. La décision de monter un projet intergénérationnel est prise.

Le bailleur social Gironde habitat répond à l’appel

Les dames à l’origine du projet, veuves et disposant de très petites retraites, vivaient dans des maisons devenues trop grandes et trop éloignées du centre-ville. Elles étaient donc éligibles au logement social. « Nous cherchions un partenaire capable de porter ce projet, explique le maire de La Réole. Mais nous sommes situés à 62 km de Bordeaux et les bailleurs sociaux étaient encore frileux pour venir sur notre commune. Il était plus simple et plus rentable pour eux de réaliser des opérations plus proches de Bordeaux. Mais Gironde Habitat, bailleur départemental, a répondu à l’appel. Et a eu l’intelligence de créer une mission d’assistance à maîtrise d’usage. » Dès lors, le bailleur et la commune, accompagnés par Dauphins Architectes et Camino comme assistant à maîtrise d’usage, élaborent conjointement le projet.

D’un projet communautaire à un projet partagé

La démarche Fabrikatoits menée par Gironde Habitat en partenariat avec la commune de la Réole débute en septembre 2016 avec un café débat autour de l'habitat participatif. Plus de 30 ateliers, cafés rencontres et ciné débat plus tard, un projet co-construit commence à émerger : Le Jardin sur le Toit.

L’opération est livrée en septembre 2021 : 11 logements collectifs allant du T2 au T4 ainsi que des espaces communs : toiture-terrasse paysagée, buanderie, atelier, salle commune. « Les bâtiments sont construits en matériaux biosourcés dans un souci de démarche environnementale : structure des bâtiments en bois, enduits à la chaux, isolation en chaux chanvre ou en laine de bois. Une nouvelle venelle piétonne est créée et relie l'impasse du Loup à la rue Michel-Dupin, tout en traversant l'enceinte médiévale classée Monument Historique », complète Olivier Bayle-Videau, chef de projet à la mairie de La Réole.

Prévoir que « la grande famille » puisse évoluer

« Une des dames qui avait participé à la genèse du projet est décédée une semaine avant l’inauguration, se souvient le maire avec émotion. Mais ce qui est important, c’est le socle qu’on a bâti. Cela fait chaud au cœur. Une femme célibataire et un couple avec enfants ont emménagé dans le Jardin sur le toit, et aujourd’hui la pièce commune est ouverte aux activités extérieures, à la demande de la mairie, des réunions sont organisées et souvent les mamies gardent les enfants… c’est une grande famille. Certes, en un an et demi, il y a déjà eu deux changements. Cela doit inciter les maîtres d’ouvrage intéressés par ce type d’opération à bien prévoir un cadre juridique pour les éventuels départs imprévus d’habitants impliqués dans le projet participatif. »

Aujourd’hui, le maire « remercie Gironde habitat pour les très nombreux ateliers organisés, qui ont permis de bien évaluer les usages et de penser le lieu ». Il remercie également les architectes pour « la finesse de leur travail qui a permis de préserver un rempart classé monument historique, de gérer les différents niveaux topographiques par un jeu de passerelles et d’ascenseur, et de transformer une impasse en ruelle… Le tout en réalisant une parfaite intégration d’architecture contemporaine dans un tissu médiéval, dans une démarche résiliente et dynamique, qui tient compte de son environnement patrimonial et social. »

Si le maire reconnaît que ce projet a été « un travail très long et difficile », notamment pour combler le déficit de l’opération (cf. encadré ci-dessous), la municipalité réitère : elle travaille aujourd’hui sur trois nouveaux projets participatifs avec Gironde habitat : des logements pour les jeunes avec un tiers lieu ; des logements sociaux pour artistes dans l’ancienne gendarmerie à réhabiliter ; et un mix de logements sur un troisième site. « Je crois beaucoup à la co-construction avec un collectif de départ. Et ces projets font revivre notre centre bourg sans avoir à créer de nouveaux lotissements en périphérie… »