À Thégra, saisonniers et personnes âgées logés sous le même toit (46)

« Des petits ruisseaux naissent les grandes rivières. C’est ainsi que je présente souvent la résidence intergénérationnelle Les trois ruisseaux. Son nom fait référence au nom du village, qui veut dire trois gués en occitan », sourit Thierry Chartroux, maire de Thégra, dans le nord du Lot. Et il évoque aussi le fait que cette résidence est née de l’implication et du travail conjoint de trois structures – la commune, Lot Habitat et l’association Lot pour Toits. 14 logements, pour les aînés et les plus jeunes, « ce n’est pas rien pour une commune rurale de moins de 500 habitants ! »

« En 2012, explique-t-il, la commune a l’opportunité d’acquérir 1 800 m2 de foncier en centre bourg – une maison et une ancienne grange. Elle saute le pas, sans avoir alors de projet encore bien défini, et, dès 2014, creuse différentes pistes, avec Lot Habitat, l’office HLM du Lot, qui accepte de porter l’opération d’une nouvelle construction. Très vite, l’idée d’une résidence intergénérationnelle émerge, en réponse aux problématiques locales.

D’une part, le territoire manque de logements adaptés pour une population vieillissante, aux revenus souvent faibles, qui peine parfois à assumer les charges de grandes bâtisses. Une constante dans le Lot, deuxième département le plus âgé de France. D’autre part, la zone située non loin de Rocamadour et de Padirac souffrait d’une pénurie de logements pour les saisonniers, explique Thierry Chartroux. Le schéma de cohérence territorial de la communauté de communes Cauvaldor, Causses et vallée de la Dordogne, dont fait partie Thégra, l’avait mis en évidence. Une enquête, menée en 2015 par une de mes adjointes auprès des entreprises du territoire, l’a confirmé ».

Désireux d’associer au projet une structure capable de porter la gestion locative d’un habitat jeune, la commune et Lot Habitat choisissent en 2017, comme gestionnaire de la future résidence, l’association Lot pour Toits, qui œuvre dans le département auprès des jeunes et des publics fragiles.

Loyers modérés

Ensemble, les trois partenaires affinent leur projet, « qui prend la forme d’une résidence sociale. Une formule synonyme de loyers modérés, et d’accompagnement : si besoin, Éloïse Larribe, animatrice de Lot pour Toits est présente sur site à mi-temps », commente Thierry Chartroux.

La recherche de financements pour ce projet, « particulièrement innovant pour une petite commune comme la nôtre, fut complexe », confie l’édile. Mais la détermination des partenaires s’avère payante. Les travaux débutent le 1^er septembre 2020, et le 25 mai 2022, les premiers locataires intègrent leurs logements.

Au rez-de-chaussée, quatre T3 de 67 m2 sont occupés par quatre personnes âgées autonomes, issues du village ou de communes voisines, avec possibilité de colocation avec un jeune - même si cela ne s’est pas fait cet été. Aux deux étages, dix logements accueillent de jeunes saisonniers, apprentis, étudiants en alternance… répartis entre six studios meublés de 24 m2, et deux T2 et deux T3, également meublés – les T2 pouvant accueillir des couples et les T3 de la colocation non mixte. D’une superficie de 775 m2 au total, la résidence dispose de 183 m2 de surfaces collectives - salon, salle d’activité, laverie, terrasse… pour favoriser le lien social.

Chargée de la gestion administrative et de l’animation des lieux, Eloïse Larribe prend en charge l’attribution des logements, la gestion des entrées et sorties, le suivi technique… et l’accompagnement humain. « Les jeunes essentiellement sur des démarches administratives, les seniors plutôt sur des temps d’animation - ateliers peinture, jeux, sorties, etc. », explique-t-elle.

Hors d’éventuelles aides personnelles au loyers (APL), les loyers sont de 300 euros par mois toutes charges comprises pour les jeunes, et de 420 euros par mois, hors charges, pour les seniors.

Depuis son ouverture, la résidence n’a pas désempli : apprentis, jeunes travailleurs ou alternants ayant peu à peu remplacé les saisonniers. Un vrai plus pour Thégra, commente Thierry Chartoux. « Certes, Les trois ruisseaux est une résidence sociale - la commune ne touche donc ni taxe d’habitation ni taxe foncière. Mais l’enjeu était autre, dans la réponse aux besoins du territoire et de ses habitants. C’est aussi un peu de vie pour le village. Une vraie richesse en zone rurale », suscitant d’ailleurs l’intérêt, dont celui d’élus de la Corrèze voisine, venus il y a peu en visite.