La Gironde teste la Sécurité sociale de l’alimentation (33)
Le département de la Gironde teste, auprès de 400 foyers, le versement d’une dotation mensuelle de 150 euros aux familles, pour qu’elles s'approvisionnent auprès de producteurs locaux conventionnés.

© Sandrine Koeune/département de la Gironde
Sainte-Foy-la-Grande et ses environs, la commune de Bègles, le sud de la Gironde (autour de Captieux) et le quartier défavorisé de la Benauge et de Bordeaux Nord à Bordeaux sont les quatre territoires inclus dans l'expérimentation de la Sécurité sociale de l’alimentation (SSA). Une initiative orchestrée par le département de la Gironde, la ville de Bordeaux et le collectif associatif Acclimat’action. Avant son déploiement, une gestation de deux ans, destinée à un « prototypage » du dispositif, a été nécessaire : dans chacun des quatre territoires concernés, une caisse locale de l’alimentation a vu le jour. Elle réunit des habitants et des chercheurs, qui ont conçu collectivement les modalités de cette sécurité sociale de l’alimentation. L’expérimentation a démarré en avril 2024, pour une durée d’un an.
Un compte en monnaie numérique locale
Quatre cents personnes, soit 200 foyers, répartis dans les quatre territoires, cotisent à la caisse locale : chacune donne un montant de cotisation autodéterminée en fonction de ses ressources, selon une grille établie par la caisse locale. La cotisation minimum est fixée à dix euros par mois. Les participants bénéficient d'un compte sur une plateforme, où sont versés 150 euros chaque mois par personne. Cette enveloppe peut être dépensée dans les 50 commerces conventionnés : producteurs locaux, épiceries classiques ou solidaires, artisans boulangers, artisans bouchers… « Chaque foyer perçoit en début de mois une allocation mensuelle de 150 euros, distribuée en MonA : Monnaie Alimentaire, ou MonA. Un MonA vaut un euro. Enfin, cette enveloppe est complétée par 75 MonA pour chaque personne supplémentaire dans le foyer », explique Justine Bosredon, chargée de mission résilience, innovation territoriale et démocratie participative au département de la Gironde. La caisse locale est financée grâce à des subventions publiques et aux cotisations qui sont solidaires.
Soutien aux commerçants
Près d'un an après le début de l'expérimentation, les constats sont positifs : « La sécurité sociale de l’alimentation rime avec la liberté de choisir ses produits et de manger sainement et à sa faim, témoigne encore la chargée de mission. Certains ont pu sortir du seuil de pauvreté et se passer de l'aide alimentaire, grâce à ce dispositif. » Un impact positif sur la vie locale a aussi été relevé, avec davantage d’animation autour des points de vente, notamment au marché de Sainte-Foy-la-Grande. « Les modalités de conventionnement des producteurs ont été définies par les citoyens dans une charte lors de la phase de prototypage, les critères écologiques sociaux et environnementaux étant prioritaires », précise Justine Bosredon. Ce dispositif permet à des foyers aux revenus modestes de se rendre dans des commerces où ils n'avaient pas l'habitude d'aller. Pour Amélie Cohen-Langlais, adjointe au maire de Bègles en charge des solidarités, de l’habitat et de la solidarité alimentaire, ce projet est en phase avec les objectifs de la municipalité. « Des commerçants ont vu leurs ventes multipliées, telle une boutique de vrac de Bègles. Un abattoir et une boucherie, tous deux tenus par une coopérative d’éleveurs, ont été conventionnés, ce qui permet à certains participants de consommer à nouveau de la viande », se réjouit l’élue. Par ailleurs, une salariée de la commune, qui travaille dans un centre socioculturel, est membre du collectif Acclimat’action, ce qui aide à créer des synergies avec la ville.
Cotisations : un montant à adapter
Un bémol cependant : le budget prévisionnel n'a pas pu être respecté. Il s'élève à environ 400 000 euros, avec des subventions du département (150 000 euros, auxquels il faut ajouter le temps de travail pour l’animation et la coordination), l'État à travers l'appel à projet « Mieux manger pour tous » (50 000 euros), les villes de Bordeaux (34 000 euros) et de Bègles (10 000 euros), la fondation Carasso (10 000 euros) et les cotisations des participants. Une certitude : face au succès rencontré, l’expérimentation va se prolonger jusqu’à fin 2025. « Par la suite, il faudra envisager un autre modèle économique », souligne Justine Bosredon. Parmi les pistes envisagées : revoir à la hausse la part des cotisations et baisser un peu le montant de l’allocation. Pour la chargée de mission du département, le modèle peut être dupliqué dans tout territoire. Et de conclure : « La phase préalable de prototypage, qui vise notamment à définir la charte de conventionnement via un processus de démocratie participative, est le principal levier de réussite du dispositif ».
Recherches, actions en réseau et législation
Quatre travaux de recherche sur l’expérimentation girondine sont en cours de réalisation. Le conseil départemental de la Gironde, la ville de Bordeaux et le collectif Acclimat’action se sont rapprochés d’un réseau de collectivités qui s’interrogent sur la SSA ou qui ont déjà commencé une démarche. L’objectif est de porter un plaidoyer au niveau national en faveur d’un droit alimentaire pour tous. Enfin, une proposition de loi d’expérimentation vers l’instauration d’une Sécurité sociale de l’alimentation a été débattue le 20 février dernier à l’Assemblée nationale.
Conseil départemental de la Gironde
Nombre d'habitants :
Commune de Bègles
Nombre d'habitants :
Amélie Cohen-Langlais
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