La collecte des biodéchets fait avancer l'économie circulaire en Alsace centrale (67)

Au 1er janvier 2025, toutes les collectivités françaises devront proposer une collecte spécifique aux biodéchets. En Alsace Centrale, le SMICTOM collecte les biodéchets en bornes d'apport volontaire depuis 2019. Bien accueilli et très respecté, le dispositif permet déjà de détourner de l'incinération 20 % des ordures ménagères. La méthanisation de ces biodéchets contribue aussi à amender les sols et produire de l'énergie locale. Le SMICTOM compte bien amplifier ce projet d'économie circulaire vertueux. Explications.

Depuis 2020, les 132 000 habitants d'Alsace centrale (90 communes situées entre Strasbourg et Colmar) disposent de bornes d'apport volontaire des biodéchets dans leur commune. Pas de mauvaises odeurs, ni d'animaux nuisibles, les bornes sont propres et respectées par les habitants. « Il y a eu dès le départ beaucoup de sympathie, même des remerciements, comme si les habitants attendaient cette offre », souligne le directeur du SMICTOM d'Alsace Centrale, Nicolas Pieraut.

Un an d'expérimentation

Engagé de longue date sur le compostage (tri mécanique des ordures ménagères fermentescibles depuis 1994, incitation au compostage individuel depuis 2002, installation de composteurs collectifs dans les écoles, résidences seniors…), le SMICTOM a d'abord mené une concertation avec le grand public fin 2017. « Nous avons fait le tour des rares expériences alors menées en France et choisi le principe de l'apport volontaire, en partant sur le principe d'une borne pour 200 habitants », indique le directeur. Le SMICTOM a ensuite testé son dispositif sur 6 sites pilotes, représentatifs de différents milieux (campagne, habitat dense, pavillonnaire...) en intégrant la période estivale pour repérer les éventuelles odeurs et avec un dispositif d'accès individuel pour mesurer les fréquences de dépôt. « L'expérimentation a montré une vraie qualité de tri, une mobilisation des habitants et aucune nuisance. » Organisé en régie pour la collecte des ordures ménagères, le SMICTOM a choisi de gérer collecte et traitement des biodéchets par appel d’offres, les biodéchets étant méthanisés sur une unité agricole proche.

Évolution de la redevance incitative

Le déploiement de l'offre sur tout le territoire s'est opéré de juin à décembre 2019 : la ville de Sélestat (19 000 habitants) a d'abord été équipée, puis chacune des 6 communautés de communes, suivant un rythme mensuel. Les bornes ont été localisées sur des lieux de passage, selon les vœux des communes, et en respectant les règles de sécurité. « Nous avons mené une intense campagne de sensibilisation et de communication en ciblant plus particulièrement les immeubles collectifs, qui constituent 30 % de nos logements », souligne le directeur. Des ambassadeurs du dispositif ont rencontré en porte à porte les habitants d'appartements pour leur distribuer leur « bioseau » et une réserve de sacs kraft, « plus cher mais plus vertueux que le sac en amidon de maïs ». Les autres habitants devaient aller chercher leur kit en mairie. « L'enjeu était d'être prêt au 1er janvier 2020, date à laquelle nous avons fait évoluer la redevance incitative en passant d'une facturation au volume à une facturation à la levée, poursuit le directeur. Les habitants ont donc été fortement incités à mieux trier, sous peine de voir croître leur redevance. »

32 kg de biodéchets par an et par habitant

Avec 24 kg de biodéchets collectés par an et par habitant en 2022, le SMICTOM a déjà passé son seuil de rentabilité : « Ce seuil dépend de chaque territoire, précise le directeur. Le coût d'incinération est chez nous à 130 € la tonne, là où les biodéchets nous coûtent 65 € la tonne. » Même si la pandémie Covid a limité les opérations de sensibilisation prévues auprès des scolaires notamment, le SMICTOM est en passe d'atteindre ses objectifs : détourner un quart des ordures ménagères de l'incinération, soit la moitié des biodéchets attendus et 32 kg par an et par habitant. « Dans le même temps, le poids total ordures ménagères et biodéchets a diminué : c'est la preuve que les gens qui pratiquaient déjà le compostage individuel ont poursuivi, c'est quand même la solution la plus vertueuse. » La distribution des sacs kraft en mairie a permis de maintenir de bonnes relations avec les communes, les erreurs de tri sont rares et le SMICTOM a optimisé sa collecte en régie des ordures ménagères avec moins d'équipes. « Aujourd'hui, ce sujet est derrière nous, se réjouit le directeur, même si l'habitant moyen produit encore 12 kg de gaspillage alimentaire par an, soit 150 € de dépenses inutiles. » Le SMICTOM a prévu le passage à l’extension des consignes de tri pour les recyclables et une diminution du nombre de levées au 1er janvier 2023, ce qui devrait optimiser encore le dispositif. Les clés de cette réussite ? « Il ne faut surtout pas lésiner sur le nettoyage des bornes : notre marché prévoit le nettoyage systématique des tambours et des bacs à chaque levée, cela nécessite des camions équipés de buses à haute pression. »

Un projet vertueux d'économie circulaire

Selon le directeur, une autre clé de réussite consiste à convaincre l'habitant que son geste est vertueux. « La crise de l'énergie a remobilisé les habitants : créer de l'énergie et du gaz près de chez soi est motivant. » Si les biodéchets d'Alsace centrale ne sont pas aujourd'hui méthanisés sur son territoire, le SMICTOM souhaite développer l'offre de méthanisation sur place. « En 2023, nous devrions prendre des parts dans un méthaniseur local pour y installer une unité de déconditionnement et d'hygiénisation, étapes nécessaires pour accepter les biodéchets ménagers. » Le SMICTOM est aussi partenaire du Projet alimentaire territorial du PETR Sélestat Alsace centrale qui vise une autonomie pour le maraîchage d'ici 2030, avec la création d'un projet de conserverie. « Pour reconquérir des terrains maraîchers, il va falloir amender les sols, précise le directeur. Le digestat produit par les méthaniseurs grâce aux biodéchets devient donc indispensable. Nous sommes sur un projet global d'économie circulaire, particulièrement vertueux et mobilisateur, le geste de tri du citoyen a véritablement tout son sens. »

L'opération en quelques chiffres

  • 700 bornes d'apport volontaire installées sur les 90 communes
  • 24 kg de biodéchets collectés par an et par habitant en 2022, soit 3 000 tonnes annuelles
  • 65 € de coût de collecte et de traitement à la tonne de biodéchets, contre 130 € pour les ordures ménagères qui sont incinérées

Syndicat mixte de collecte et de traitement des ordures ménagères (Smictom) d'Alsace Centrale

Nombre d'habitants :

132000

Nombre de communes :

90
Zone d'Activité du Giessen 2 rue des Vosges
67 750 Scherwiller

Jean-Pierre Piela

Président

Nicolas Pieraut

Directeur

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