Le méthaniseur d'Apprieu : d'une naissance difficile au succès (38)
En service depuis 2019, le méthaniseur d'Apprieu a été le premier méthaniseur construit en Isère à fonctionner exclusivement à partir de déchets agricoles. S'il a « essuyé les plâtres » avec trois années de bataille juridique et de tensions sur fond de non-acceptation sociale, cet équipement d'échelle locale constitue aujourd'hui une fierté sur la commune, exportatrice nette d'énergie. Et un outil qui conforte les exploitations agricoles locales.
C'est un projet qui était bien mal parti : trop peu de concertation, comité de défense d'habitants, accord tacite du permis de construire malgré l'opposition du conseil municipal, attaque en justice… Pourtant, 3 ans après son inauguration, le méthaniseur d'Apprieu, commune située entre Lyon et Grenoble, fait désormais la fierté de la commune. Il a même essaimé comme un véritable modèle dans le département. « Notre réputation est passée d'une catastrophe au démarrage à une vraie réussite in fine, se réjouit le maire Dominique Pallier. Et aujourd'hui, grâce à cette installation née de porteurs de projets locaux, notre commune est exportatrice nette d'énergie. »
Le projet de méthaniseur agricole germe en 2012. 7 exploitations agricoles (12 agriculteurs associés) d'Apprieu et de 3 communes voisines se regroupent progressivement sous le nom de société Méthanisère. « Je trouvais plutôt le principe intéressant, indique le maire, alors qu'on demandait à l'époque aux agriculteurs d'investir dans des plateformes de fumier. Là, ils investissaient dans des perspectives de revenus futurs. Notre commune, de plus, était déjà familiarisée avec les énergies renouvelables car nous avions facilité l’implantation d'un parc photovoltaïque de 11 hectares. » Sauf que le conseil municipal découvre le projet finalisé lors du dépôt de permis de construire, en 2015 : « C'était une installation classée pour la protection de l'environnement, nous n'avions pas été mis dans la boucle d'un permis instruit par le préfet. » C'est un engrenage implacable qui se met alors en place : constitution d'une association de défense de riverains, avis défavorable voté par le conseil municipal pour non-conformité au PLU (du fait d'une implantation en terrain agricole et non industriel), accord tacite du permis de construire par la préfecture malgré l'opposition des élus locaux, attaque en justice du permis par la commune pour négocier une autre implantation du méthaniseur, puis suspension des travaux par référé du tribunal administratif.
Faire tomber les peurs
En 2018, un changement de législation autorise l'implantation des méthaniseurs en secteur agricole, le jugement rendu est favorable aux porteurs du projet et les travaux relancés. « J'obtiens alors de mon conseil municipal de ne pas faire appel du jugement, indique le maire. Ce projet était source de tensions permanentes depuis 4 ans. Je considérais aussi qu'il ne fallait pas condamner ce projet, pertinent sur le fond, juste pour un mauvais départ. » En octobre 2019, le maire est toutefois le seul élu municipal présent à l'inauguration du nouvel équipement ! Les premiers mois de fonctionnement et des journées portes ouvertes font finalement tomber toutes les peurs : « Ça ne sent pas, il n'y a pas de problème de pollution des sols, pas d'impact sur les prix de l'immobilier, souligne le maire. Mais les peurs, même infondées, ça ne se maîtrise pas. » Quelques mois plus tard, le maire est réélu à la tête de la commune, preuve de l’acceptation sociale du nouvel équipement. Pour ce dernier, « l'enseignement majeur de cette expérience est que pour faire accepter un tel projet, porté par des acteurs locaux, équilibré et de taille ajustée, il faut réussir à expliquer en quoi il ruisselle sur l'économie agricole locale et rencontre l'intérêt général. »
Un impact positif sur l'agriculture locale
La création du méthaniseur a ainsi permis de conforter plusieurs exploitations et d'assurer la transmission d'autres : la vente des cultures intermédiaires à vocation énergétique (cive) qui l'alimentent a généré un revenu complémentaire pour des exploitants installés à la tête de fermes d’en moyenne 60 à 70 hectares. Aussi, la disponibilité d'un engrais écologique sorti du méthaniseur (le digestat) a supprimé les dépenses relatives aux engrais. Une grande partie des 750 ha de superficie agricole cultivés par les associés est fertilisée par le digestat (mis à part les coteaux non mécanisables), y compris les cultures de cive. Deux exploitations sont aussi passées en bio et toutes ont développé des méthodes de culture plus agroécologiques en cultivant ces couverts végétaux (cive) entre deux productions, qui sont favorables au maintien des sols. Le méthaniseur d'Apprieu est désormais devenu le modèle du méthaniseur agricole local en Isère. 9 autres projets du même type ont vu le jour sur le département. Les institutions partenaires (préfecture, élus locaux, chambre d'agriculteurs, conseils départemental et régional) collaborent au sein du comité départemental de méthanisation, permettant généralement d'améliorer et de faire aboutir les projets de méthanisation des agriculteurs locaux.
« Ce méthaniseur rencontre aussi l’intérêt général, nous pouvons désormais être fiers de dire que notre territoire produit plus d'énergie qu'il n'en consomme, une énergie renouvelable locale, se réjouit le maire. Ça a été compliqué mais c'est un bel aboutissement. » Dans les prochaines années, Apprieu va également accueillir une station multi-énergie réalisée par la Communauté de communes de Bièvre Est : les poids lourds pourront s'y approvisionner en biogaz, électricité et hydrogène dans le futur. « Aux portes des métropoles, nous permettons aussi aux zones à faible émission des villes de se concrétiser. C'est aussi très intéressant. »
Chiffres clés
- 6,2 millions d'euros : le coût du projet de méthaniseur. Ce projet sur fonds privés a bénéficié de 950 000 € d'aides publiques (500 000 € du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, 200 000 € du conseil départemental de l'Isère, 250 000 € de l'ADEME). Il générera ses premiers bénéfices nets pour les agriculteurs associés 5 ans après sa mise en service.
- 1,6 millions de m3 de biogaz sont produits par l'installation (production annuelle)
- 14 000 tonnes de cive et 6 000 tonnes d'effluents d'élevage alimentent le méthaniseur. Des déchets de céréales et du lactosérum de fromagerie intègrent aussi la composition en moindre proportion.
- 12 000 tonnes d'engrais écologique sont obtenues à l'issue du processus de méthanisation chaque année.
Commune d'Apprieu
Nombre d'habitants :
Méthanisère
Max Gros-Balthazar
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