En Haute-Ariège, les élus parient sur le tourisme industriel (09)

« La réussite du concept des vallées ingénieuses dépasse ce que nous avions imaginé. Le territoire d’Auzat-Vicdessos qui nous a rejoints en 2017 suggère d’ailleurs que nous le prolongions », explique Alain Naudy. Le président de la communauté de communes de Haute-Ariège et maire de la commune d’Orlu ne cache pas sa fierté.

Depuis plus de vingt ans, les élus ariégeois travaillent à la mise en valeur de leur territoire et à la sensibilisation du public aux fragilités de la montagne. À l’Observatoire de la montagne créé en 2002, s’est adjoint huit ans plus tard un accueil général du public intégrant la réserve nationale de chasse gérée par l’Office français de la biodiversité (OFB) et la visite de l’usine hydroélectrique d’Orlu (80 mégawatts) en partenariat avec EDF. Le président de Haute-Ariège et ses collègues cherchent toutefois une manière plus ambitieuse de mettre en valeur l’eau sur leur territoire, château d’eau des Pyrénées.

S’appuyant sur le patrimoine de barrages hydroélectriques, mais aussi sur la présence de la carrière de talc à Luzenac, ils pensent à mettre en scène le génie des hommes, d’où le nom de « vallées ingénieuses ». Exemple de ce génie : Orlu, village de 160 habitants, a vu naître en 1908 une centrale hydroélectrique « de haute chute », avec plus de 900 mètres de dénivelé : la plus haute du monde pendant quelques années. L’histoire des vallées est aussi liée à la construction des grands barrages entre 1955 et 1970, tandis que la carrière de talc de Trimouns, toujours exploitée (pour les plastiques des voitures, la cosmétologique…), est un véritable poumon économique.

Ils choisissent donc deux têtes de pont à ce parcours des vallées ingénieuses. Talcaneô, le centre d’interprétation du talc à Luzenac se visite depuis début juillet 2023 en deux temps. Une balade sur site en bus avec les commentaires des professionnels de l’office du Tourisme, et un musée « tout à fait extraordinaire, avec ses écrans circulaires et son contenu de grande qualité », précise Alain Naudy. Outre les savoir-faire qu’ils y découvrent, les visiteurs sont ébahis par le bâtiment blanc (500 m² d’exposition), œuvre de l’architecte Patricia Benazet. Ils peuvent également admirer la vue sur le téléphérique qui descend vers la carrière. En trois mois, près de 8 000 visiteurs ont profité de cette nouvelle offre touristique.

Aux forges d’Orlu, ancien hameau des maisons EDF, le site de Mountaneô reçoit le visiteur avec un parking réaménagé de 250 places et une maison d’accueil qui présente l’ensemble des espaces mis à disposition : le spectacle immersif sur l’eau ; l’hydrogame où les jeunes en particulier, jouent à gérer une centrale hydroélectrique ; la goutte d’eau où l’on suit le parcours de celle-ci depuis le nuage jusqu’à la nappe phréatique puis vers l’usine hydroélectrique ; la forêt des sons ; l’espace de la biodiversité. Ce dernier espace est issu de la transformation de l’observatoire de la montagne, il constitue le nouveau pôle de sensibilisation et d’information du public, au sein duquel l’office français de la biodiversité conduit des recherches scientifiques. À l’issue de ce parcours, le visiteur peut rejoindre la centrale EDF située à 300 mètres pour une visite gratuite. Une option qui existe depuis 2010 !

Moyens financiers et humains

Trois ans et demi de travail ont été nécessaires aux élus et à leurs partenaires pour permettre ces ouvertures à l’été 2023. Le budget de 5,5 millions d’euros a été pris en chargé à 30 % par la communauté de communes. Il a permis de financer à Mountaneô les travaux de transformation des cinq maisons EDF (rachetées par la commune d’Orlu, elles logeaient jusqu’en 1994 les agents EDF), le réaménagement du parking, la création de la maison d’accueil, la muséographie, le travail avec le conservateur de l’OFB ; et à Talcaneô, la construction du musée.

La gestion des sites est confiée au Sesta, service d’exploitation des sites touristiques de l’Ariège. Le public est accueilli sur les deux sites d’avril à fin octobre, après les vacances scolaires de Toussaint.

Un écueil instructif

En trois mois, Mountaneô n’affiche pourtant que 2 000 entrées, un faible score lié à une confusion autour du coût du stationnement. Alain Naudy explique : « Nous sommes allés trop vite, impatients d’ouvrir le nouveau site. Nous allons donc très vite rencontrer les acteurs privés d’Orlu : les gestionnaires de la maison des Loups d’une part et ceux du parc Akrobranch d’autre part, afin de définir une stratégie commune. Indispensable pour le bon équilibre budgétaire, le coût du stationnement ne doit néanmoins pas être un frein à l’accueil de tous les utilisateurs : randonneurs, pêcheurs, cueilleurs, visiteurs des sites… » Un écueil instructif pour les acteurs publics : quel que soit le territoire, il importe d’avancer avec l’ensemble des partenaires.