Européennes : en manque de panneaux, les communes recourent au système D

L'existence de 38 listes pour le scrutin des européennes - un record - représente un vrai casse-tête pour les communes, avec la contrainte de devoir installer autant de panneaux électoraux aux abords de chaque lieu de vote. Avec peu de moyens, les plus petites s'en sont sorties grâce à diverses astuces.

Le nombre record de listes candidates aux élections européennes (38, soit 4 de plus que lors du précédent scrutin de 2019) a obligé les communes à commander ou fabriquer elles-mêmes des panneaux d'affichage électoral, qu'elles devaient installer avant le 27 mai, date d'ouverture de la campagne électorale.

La commune d'Auriat (110 habitants) en Creuse dispose en face de la mairie des 38 panneaux d'affichage électoral exigés. Mais comme la commune n'était pas équipée d'un nombre suffisant de panneaux en métal, elle a fait l'acquisition de panneaux supplémentaires. Ceux-ci sont en contreplaqué, donc moins onéreux. "Nous les avons achetés chez un grossiste et façonnés pour qu'ils aient la dimension souhaitée", témoigne auprès de Localtis le maire, Franck Simon-Chautemps. L'élu a lui-même mis la main à la pâte, aidé par l'employé communal. Le matériel a été installé dimanche 26 mai, la veille de l'ouverture de la campagne électorale. 

Tables de ping-pong, bâche agricole…

À l'image d'Auriat, les communes et leurs élus ont déployé des trésors d'ingéniosité pour pallier, à moindre frais, le manque de panneaux électoraux. Patrick Mangin, maire de Saint-Maurice-aux-Forges (Meurthe-et-Moselle, 106 habitants), a par exemple eu l'idée d'installer sur la place de la mairie des panneaux de bois et… deux tables de ping-pong inutilisées. Posées à la verticale et calées "entre deux piquets de fer", celles-ci viennent compléter les sept panneaux d'affichage en métal dont disposait déjà la commune, relate France Bleu Sud Lorraine.

À La Lande-Chasles, plus petite commune du Maine-et-Loire (120 habitants), le premier adjoint, agriculteur de profession, a quant à lui déroulé une bâche le long d'une haie jouxtant la mairie, rapportent Ouest-France, Le Parisien ou encore BFMTV. Soutenue par les dix panneaux métalliques que possédait la commune, et fixée à l'aide d'un adhésif orange, elle permet à cette dernière de se passer de l'achat de neuf nouveaux panneaux. L'économie s'élève à 1.350 euros.

"Avoir les 38 emplacements représente un casse-tête pour les maires et une dépense qui est vraiment salée", fulmine Jean-Michel Bolvin, maire de Montmoreau (2.468 habitants) en Charente. Sa commune a dû débourser 1.600 euros pour des panneaux de contreplaqué. "Outre le coût des fournitures, il faut prendre en compte le temps passé par les services techniques pour aller chercher les panneaux et les installer. En sachant que toutes les communes n'ont pas les véhicules qui permettent de les transporter", s'agace celui qui est président de l'association des maires et présidents d'intercommunalité de la Charente. Selon lui, le sujet déclenche un sentiment de colère "unanime" chez ses collègues élus.

Panneaux inutilisés

D'autant que beaucoup de panneaux resteront vierges. L'État ne remboursant les dépenses de propagande qu'aux listes de candidats ayant obtenu au moins 3% des suffrages exprimés, nombreuses sont celles qui limiteront leurs frais dans ce domaine.

Les principales listes ont une marge d'action plus grande. Mais "il y a des années qu'on n'a pas vu une affiche", se désole le maire d'Auriat. Les sociétés mandatées par les listes candidates pour coller les affiches "privilégient les grandes métropoles". Et pour ne pas avoir à "faire des kilomètres", elles s'abstiennent d'aller dans les communes rurales, déplore-t-il. Si les emplacements de sa commune demeurent inutilisés au jour du scrutin, Franck Simon-Chautemps compte exprimer son indignation. Il menace, non sans ironie, d'y coller des affiches représentant des clowns, qu'il dit avoir déjà trouvées.

N'est-il pas temps de revoir les règles électorales pour limiter le nombre de listes aux élections européennes et éviter sur le terrain une situation absurde ? C'est l'avis de Pierre-Jean Verzelen. Le sénateur (Indépendants) de l'Aisne a déposé le 3 mai, dans ce but, une proposition de loi, qui a toutefois peu de chances d'aboutir. Le texte prévoit que pour être candidate à ce scrutin, une liste devra réunir 10.000 parrainages citoyens, dans au moins 50 départements. Un tel "filtre" existerait déjà dans certains États européens, comme la Belgique.