Dépendance - Eric Woerth plaide pour un "juste partage" entre financement public et privé
Organisées le 15 novembre à l'initiative de Marie-Anne Montchamp - députée du Val-de-Marne et ancienne secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées - les premières Rencontres parlementaires sur la dépendance ont consacré leurs travaux à un thème d'actualité : "Quelles réponses pour couvrir et financer la dépendance ?". Ce colloque a donné l'occasion à Eric Woerth de préciser la position du gouvernement sur cet enjeu décisif, qui conditionne la mise en place de la cinquième branche de la protection sociale, prévue pour 2008.
Le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique a tout d'abord jugé "globalement pertinente" l'architecture actuelle du financement de la dépendance (assurance maladie pour les soins, départements à travers la PCH et l'APA, et usagers pour l'hébergement). Ce satisfecit d'ensemble n'exclut toutefois pas des aménagements significatifs. Le ministre estime en effet que deux problèmes restent posés : l'insuffisance de l'offre de places et de services "malgré les efforts réalisés ces dernières années" et le financement de l'hébergement, qui repose à 80% sur les ménages et représente - déduction faite des différentes aides - un reste à charge très important pour certains d'entre eux. S'ajoutent à ces deux questions les effets inévitables du vieillissement de la population - qui entraîne une hausse prévisionnelle du nombre de personnes dépendantes de l'ordre de 1% par an (avec une accélération sur les périodes 2005-2020 et 2030-2040) - et de la montée en puissance de la maladie d'Alzheimer et des affections apparentées.
Dans ce contexte, "la part de la richesse nationale consacrée à la dépendance va progresser", ce qui pose la question du financement des besoins. La réponse doit s'inscrire, selon Eric Woerth, dans le respect de deux principes essentiels : la solidarité et la responsabilité, autrement dit la "soutenabilité financière". Tout en affirmant que son intention n'était "pas d'annoncer le plan de financement de la politique de la dépendance dans les cinq ans qui viennent", le ministre n'en a pas moins clairement indiqué les trois pistes envisagées par le gouvernement.
"Favoriser le développement de la prévoyance"
La première consiste à redéployer certaines dépenses publiques. Le ministre a évoqué - sous une forme certes interrogative - la possibilité de "transformer des places d'hôpitaux en places pour personnes âgées dépendantes", accélérant ainsi un mouvement déjà engagé. Il en va de même pour les dépenses fiscales, qui devraient donner lieu à "un meilleur ciblage [...] sur le financement de la dépendance". Le rapport 2005 de la Cour des comptes rappelait en effet que, sur 6,5 milliards d'euros d'allègements fiscaux consentis aux personnes de plus de 60 ans, seuls 273 millions étaient spécifiquement affectés au financement de la dépendance. La seconde piste envisagée par le gouvernement concerne la place et l'articulation des financements publics. Sur ce point - et dans l'attente de l'avancement du projet de cinquième branche - Eric Woerth s'est contenté d'indiquer que la répartition actuelle, notamment entre la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les départements, "[lui] semble être la bonne".
La troisième piste, qui s'inscrit dans la droite ligne des récentes déclarations du chef de l'Etat, est la plus polémique. Il s'agit en effet de déterminer un "juste partage" entre "solidarité nationale et familiale, financement public et privé". Le ministre du Budget estime en effet que le risque de perte d'autonomie présente toutes les caractéristiques nécessaires pour être assurable : risque coûteux, intervenant de façon tardive et qui peut être anticipé, prise de conscience collective des enjeux de la dépendance... Selon lui, "il s'agira en conséquence d'identifier les bons curseurs pour déterminer la part dévolue respectivement à la responsabilité et à la solidarité". Il a d'ailleurs rappelé, à cette occasion, que la France constitue déjà, avec deux millions d'assurés, le second marché mondial pour l'assurance dépendance derrière les Etats-Unis. Cette volonté de "favoriser le développement de la prévoyance" devra toutefois s'entourer d'un certain nombre de garanties : déterminer les meilleurs leviers d'action (ce qui rejoint l'allusion de Nicolas Sarkozy à la mise en place d'incitations fiscales), éviter "les effets d'aubaine coûteux pour les finances publiques" et mettre en place des aides spécifiques pour les ménages les plus modestes.
Jean-Noël Escudié / PCA