Equipements sportifs : la difficile course à l'innovation
L'innovation dans les équipements sportifs est à la mode. Le ministère des Sports en a fait un axe de travail prioritaire. En début d'année 2017, il lançait un premier concours d’idées d’équipements sportifs innovants à l’attention des étudiants en architecture et en ingénierie du bâtiment dans le cadre du contrat de la filière Sport signé en mars 2016 avec le ministère de l’Economie et le secrétariat d’Etat au Commerce extérieur. Parallèlement, le Centre national pour le développement du sport (CNDS) devenait "démonstrateur de ces nouveaux équipements auprès des acteurs du monde sportif" et, surtout, revoyait ses critères d'aides en doublant le taux de subventionnement pour les projets innovants "réplicables". Le cadre était posé. Restait à lui donner un contenu…
Or, justement, de quoi parle-t-on lorsqu'on évoque les équipements sportifs innovants ? La question était posée lors d'une conférence organisée par le ministère des Sports et le CNDS le 21 novembre 2017, dans le cadre du Salon des maires. Laurent Letailleur, chef du bureau du sport professionnel et de l'économie du sport au ministère des Sports, y apportait une première réponse : "Quand on réfléchit sur l'innovation, nous avons trois idées force. La première consiste à replacer les attentes des pratiquants au cœur des réflexions. La deuxième est celle de la logique de service rendu par l'équipement : on cherche à savoir en quoi l'équipement s'adapte à la vie quotidienne de nos concitoyens, à des publics spécifiques, ou comment l'exploitant d'un équipement de référence améliore l'expérience du spectateur. Le troisième point-clé est l'acceptabilité et la soutenabilité de l'équipement, que ce soit à travers de nouveaux modèles économiques, l'écoresponsabilité ou la plus-value architecturale."
"Nouvelle intelligence collective"
Aux côtés de Laurent Letailleur, des intervenants du secteur privé illustraient par des exemples concrets cette vision théorique. Pierre Paquin, fondateur de la société Airfit, fabricant d'aires de fitness de proximité en accès libre, mettait en avant l'innovation par le recours au digital "pour enrichir l'espace" : "Nous créons des lieux de vie qui doivent être compréhensibles et le digital permet d'optimiser les éléments mis à disposition et de favoriser une pratique sportive régulière."
Pour l'architecte Jonathan Leroy, directeur associé au cabinet Chabanne et partenaires, l'innovation passe, certes, par les nouvelles technologies mais peut revêtir d'autres formes, comme les nouveaux usages sportifs. "On commence à intégrer la pratique sportive dans des établissements de santé ou d'enseignement", a expliqué l'architecte. Par ailleurs, le mode de consultation oblige, selon lui, à penser le projet sportif de manière globale, "intégré dans quelque chose qui peut être plus gros", notamment sur une opération de restructuration urbaine. Et Jonathan Leroy de citer deux exemples récents, à Lusignan et Chaumont, où les municipalités ont eu "la bonne idée" de réaliser complexe aquatique et salle de sport-spectacle côté à côte. Par les synergies dégagées, des économies d'énergie ou d'échelle ont été rendues possibles. L'innovation trouve encore sa place dans le financement, notamment avec l'arrivée de partenaires privés aux côtés des investisseurs publics, qui crée "une nouvelle intelligence collective".
Nouveaux modèles économiques
Les montages de projets innovants passent effectivement par de nouveaux modèles économiques. "Les collectivités ont des problèmes financiers, néanmoins, elles possèdent du foncier à valoriser. Dans le même temps, les entreprises prennent conscience qu'un salarié productif est un salarié en pleine santé qui fait du sport", a pointé Pierre Paquin, qui propose aux villes de mettre à disposition du foncier à des entreprises qui y construiront des équipements sportifs qu'elles donneront ensuite à la ville.
Pour sa part, Bruno Lartigue, directeur des relations institutionnelles de GL Events, estime que "toute la recherche et développement va maintenant vers la construction de structures modulaires qui permettent une flexibilité pour les territoires qui n'ont pas de grands stades ou de grandes infrastructures en ciment". Pour lui, le modulaire permet à des territoires qui ne bénéficient pas de moyens de financement "puissants" de profiter d'infrastructures égales à celles des grandes métropoles.
Une innovation balbutiante
Toutes ces pistes concrètes en faveur de l'innovation dans les équipements sportifs se heurtent toutefois à des limites. Le recours au digital pour attirer de nouveaux pratiquants, par exemple, a ceci de paradoxal qu'il vise des publics éloignés de la pratique sportive… qui, souvent, sont également les plus éloignés des usages des nouvelles technologies.
En termes de financement, la garantie d'emprunt prévue par la loi du 1er mars 2017, qui permet aux collectivités d'accompagner un projet d'équipement sportif porté par un acteur privé, n'a pas pour l'heure provoqué les soubresauts attendus dans les milieux visés…
"En termes d'innovation dans les équipements sportifs, nous n'en sommes qu'aux balbutiements", a rappelé Armelle Daam, directrice du CNDS. Cette année, la campagne de subventions du centre n'a en effet retenu qu'un seul équipement innovant : une patinoire mobile, présentée par la Fédération française des sports de glace avec plusieurs collectivités, subventionnée pour plus de 400.000 euros. "En 2018, nous allons passer de l'incitatif à une action plus prospective, en demandant à nos délégués territoriaux de travailler avec les collectivités, avec les porteurs de projets, pour nous faire remonter au moins un dossier innovant par région", a conclu Armelle Daam. Et si la première des innovations était finalement contenue dans cette démarche prospective et collaborative qui invite les partenaires à dialoguer en amont sur les projets des collectivités ?