Equipements sportifs professionnels : un rapport préconisait le maintien de l'interdiction de la garantie d'emprunt
C'est une attitude récurrente : lorsqu'on referme un épais rapport officiel, on se demande toujours si ses recommandations seront un jour traduites dans un texte de loi ou si elles resteront lettre morte. Une fois n'est pas coutume, on sait déjà ce qu'il est advenu des mesures préconisées dans le rapport intitulé "Leviers de la puissance publique dans le développement de la filière économique du sport", émanant de l'inspection générale des Finances (IGF) et de l'inspection générale de la Jeunesse et des Sports (IGJS).
Et pour cause : si sa publication date du 7 mars 2017, ce document avait été rendu aux ministres de l'Economie et des Sports dès octobre 2016. Or, durant cet intervalle, la loi du 1er mars 2017 "visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs" a été définitivement adoptée. Ce texte était le parfait véhicule législatif pour donner vie aux recommandations des rapporteurs. Pourtant, aucune des mesures préconisées n'a été retenue.
"Risques d’appel en garantie trop importants"
Dans son travail, la mission a cherché à appréhender les leviers dont dispose la puissance publique pour contribuer à l’émergence d’un environnement plus favorable au développement économique du sport et à l’implication du secteur privé, notamment en matière d’équipements sportifs. A propos de ces derniers, les rapporteurs soulignent en introduction que leur modèle économique "repose quasi exclusivement sur l’interventionnisme public des collectivités territoriales" et qu'il est aujourd'hui "fragilisé".
Pour autant, les rapporteurs précisent que "la recherche d’une implication plus forte des acteurs privés ne saurait se traduire par de nouvelles mesures publiques de soutien financier au secteur". Ce qui conduit logiquement à une première recommandation en "négatif" : "S’agissant de l’hypothèse de la levée de l’interdiction faite aux collectivités territoriales d’apporter leur garantie aux clubs sportifs aux fins d’investissement dans les infrastructures, la mission considère qu’elle doit impérativement être écartée."
Parmi les arguments avancés par les rapporteurs, notons qu'"une telle garantie ne serait envisageable qu’au bénéfice de clubs professionnels, dont l’activité est génératrice de recettes commerciales" ; qu'outre "l’aléa sportif inhérent à leur activité, la santé financière [des clubs] est particulièrement dégradée" ; que, par ailleurs, "les risques d’appel en garantie seraient alors trop importants pour les collectivités" ; qu'enfin, "le modèle de rentabilité des grandes enceintes occupées par des clubs sportifs n’est pas encore stabilisé".
Le gouvernement et le Parlement ont-ils été sensibles à ces arguments ? Aucunement, à en croire l'article 18 de la loi du 1er mars 2017 qui dispose que, désormais, les collectivités territoriales peuvent "accorder leur garantie aux emprunts contractés en vue de l'acquisition, de la réalisation ou de la rénovation d'équipements sportifs par des associations ou des sociétés sportives".
La redevance des stades toujours en suspens
La mesure la plus emblématique de la récente loi en matière d'équipements sportifs est donc en totale contradiction avec le rapport. Mais ce dernier allait plus loin encore. Il suggérait ainsi que la programmation des équipements sportifs d’intérêt régional et local soit inscrite à l’ordre du jour des conférences territoriales de l’action publique (CTAP). Il recommandait également que les grands projets d’équipements, pour lesquels une participation de la puissance publique est sollicitée, fassent l’objet d’une évaluation préalable de leur rentabilité socio-économique. Il proposait en outre d’étendre aux collectivités territoriales, spécifiquement pour leurs projets d'équipements sportifs, l'obligation imposée depuis 2013 à l'Etat d'évaluer les projets d’investissement supérieurs à 20 millions d'euros.
Le rapport pointait encore deux problèmes récurrents dans les relations entre sport professionnel et collectivités : la redevance d'utilisation des enceintes sportives et la destination des subventions publiques aux clubs. Sur la redevance, la mission entendait "encourager la poursuite des démarches d’encadrement du calcul des redevances d’occupation des équipements sportifs par les clubs professionnels", notamment dans une perspective d'équité entre, d'une part, les clubs évoluant dans des enceintes financées sur fonds privés et, d'autre part, les clubs bénéficiant d’enceintes publiques ou financées sur fonds publics.
Sur les subventions, la mission appelait de ses vœux – à travers les "pouvoirs de régulation de la puissance publique" – la mise en œuvre effective d'un salaire maximum (salary cap), "en particulier dans le football". But de la manœuvre : ne pas pénaliser les clubs investissant dans les infrastructures et la formation, qui bénéficient d'aides publiques spécifiques, face aux clubs "affectant toutes leurs ressources disponibles à la masse salariale des joueurs, dans une logique de maximisation des résultats sportifs à court terme". Pas plus que les autres, ces recommandations n'ont été adoptées ni même discutées durant les travaux parlementaires. En politique, on pourrait appeler cela un pied de nez. En football, on appelle cela un contrepied parfait.