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Sport - La commission pour un football durable rend un rapport peu consensuel

Avant même sa présentation ce mercredi 29 janvier à Valérie Fourneyron, ministre des Sports, qui l'avait commandé, le rapport de la commission pour un modèle durable du football français, présidée par Jean Glavany, a fait l'objet de vives critiques. Dans un communiqué publié ce même jour, les principales instances du football (fédération, ligue professionnelle et union des clubs professionnels) estiment que "le très court temps imparti au groupe de travail [installé le 25 septembre 2013, ndlr] n'a pas permis d'atteindre les objectifs fixés". En rendant sa copie (38 pages où se côtoient constats parfois durs, objectifs quelquefois flous et propositions concrètes), l'ancien ministre et députés des Hautes-Pyrénées a mesuré l'ampleur de la fronde. "Je n'ai pas pu faire plaisir à tout le monde", a-t-il avancé lors de sa présentation, avant d'ajouter avec mordant : "Est-ce que cela fait grincer des dents ? J'espère bien."
Du côté des collectivités locales, plusieurs des mesures proposées pourraient effectivement faire grincer des dents. Passons sur la disparition d'une mesure visant à créer un comité des stades, associant toutes les parties prenantes, dont les riverains et les supporters, prévue dans une version antérieure du rapport. Mais sur la question des stades, justement, de nombreux élus regretteront qu'un élan plus net ne soit donné en faveur d'un transfert de propriété aux clubs. Sur ce sujet, en effet, les avis des membres de la commission divergeaient. Si pour certains, la propriété des stades par les clubs constitue une condition sine qua non de l'investissement dans les infrastructures sportives et commerciales liées aux stades, pour d'autres, une association des clubs aux réflexions sur l'évolution des enceintes, appartenant à 90% aux collectivités, et des investissements ciblés sur les abords des stades suffisent. Le rapport se contente donc d'inviter clubs, collectivités et exploitants à mieux coopérer pour "élaborer une compréhension partagée".

Propriété des stades : chacun doit faire sa "révolution culturelle"

Pour Maurice Vincent, "le rapport prend acte de la diversité des modes de financement des stades. Dans ce cadre-là, on ne peut pas faire la promotion d'un modèle unique de gestion des stades". Le maire de Saint-Etienne et membre la commission Glavany voit dans la proposition d'intégrer les collectivités au comité stratégique Stades de la Ligue de football professionnel une occasion "pour réfléchir à des modes de gestion convergents, de sorte qu'on n'ait pas à tel endroit une redevance très élevée et à un autre endroit pas de redevance du tout [les annexes du rapport parlent de 'rétributions modérées de la part des clubs', ndlr]". Sur ce sujet, Valérie Fourneyron est plus offensive : "Les clubs et les collectivités locales doivent chacun faire leur révolution culturelle pour que les investissements soient davantage partagés, que l'exploitation, la maintenance, pourquoi pas pour certains à terme, la propriété soient de plus en plus de la responsabilité des clubs." En clair, pour la ministre, le débat sur la propriété des stades "peut être mis sur la table".
Autre axe de réflexion pour les collectivités : la proposition de renforcer les fonds propres des clubs par l'ouverture de leur capital. Parmi les pistes possibles, l'actionnariat populaire des supporters est cité. Les collectivités, elles, figuraient dans les cibles prioritaires de cette diversification du capital. La version définitive du texte les a fait disparaître du texte… mais pas des esprits. "Ce qui est souhaité, c'est l'amélioration des fonds propres des clubs avec des investisseurs de long terme. Cela peut être des investisseurs institutionnels, et je n'ai pas noté dans nos discussions que les collectivités en étaient exclues", précise Maurice Vincent. Or, dans le débat autour du football professionnel "qui suscite les passions", Valérie Fourneyron dixit, une telle mesure fait naître le risque de revenir à une relation trop étroite entre les clubs professionnels, entreprises privées aux déficits chroniques, et les collectivités dont la loi a progressivement limité l'apport au sport professionnel pour éviter les dérives.

TVA sur la billetterie, l'invité surprise

Enfin, on ne l'attendait pas dans ce rapport… la TVA s'est invitée dans le débat. "Une procédure dite 'précontentieuse' est actuellement engagée à l'échelon européen concernant la taxe sur les spectacles", précise le texte de la commission Glavany. Et dans l'éventualité où cette taxe locale et facultative serait considérée comme introduisant des distorsions de concurrence – une large partie des clubs étant exonérée par les collectivités – et où les pouvoirs publics français choisiraient d'y renoncer, il conviendrait, selon le rapport, de lui substituer une TVA sur les recettes de billetterie. Pour y parvenir, la commission Glavany considère qu'il y a lieu de rapprocher les spectacles sportifs des autres spectacles au nom de "l'unification des démarches culturelles". Un scénario a même été envisagé. Directement concerné par la question, Maurice Vincent a porté la parole des collectivités lors des travaux : "La TVA, c'est l'invité surprise du rapport, car il s'agit d'une anticipation. A l'heure où nous parlons, chaque ville peut ou non appliquer une taxe sur les spectacles. Pour que les clubs soient sur un pied d'égalité, ce qui se dessine est probablement le remplacement de cette taxe sur les spectacles par une forme de TVA. Si on devait aller vers une TVA applicable aux recettes des matchs de football, la suggestion de notre commission est que ce soit une TVA à taux réduit de 5,5%, pour être en parité avec la culture. De plus, j'ai beaucoup insisté, et cela a été accepté, pour que dans cette hypothèse, les collectivités territoriales bénéficient du reversement par l'Etat de ces 5,5%."
A l'issue de la présentation du rapport, Valérie Fourneyron a assuré que "ces propositions n'allaient pas dormir". Mieux, elles pourraient, pour celles qui seront retenues, être étendues à toutes les disciplines qui possèdent des secteurs professionnels. Par ailleurs, un chapitre du Code du sport devrait, après l'adoption de la loi de modernisation du sport en cours de rédaction, être réservé à la régulation du sport professionnel.