Sport - Béatrice Barbusse : "Le chantier le plus important est celui des équipements sportifs"
Après deux ans et demi passés à la tête du Centre national pour le développement du sport (CNDS), Béatrice Barbusse, appelée à de nouvelles fonctions au sein de la Fédération française de handball, a présidé le 6 juillet son dernier conseil d'administration. Pour Localtis, elle revient sur ce dernier rendez-vous et évoque une institution souvent présentée comme le bras financier de l'Etat pour sa politique sportive.
Localtis - Vous avez rencontré récemment Laura Flessel, nouvelle ministre des Sports. De quoi vous-êtes vous entretenues ?
Béatrice Barbusse - Laura Flessel m'a parlé de quelques priorités qui seront les siennes, comme le sport-santé. Elle m'a aussi précisé que le CNDS devrait faire des économies, ce qui n'est pas exclusif au domaine sportif. De mon côté, je lui ai dit que l'équilibre budgétaire du CNDS avait été rectifié. Ses finances sont désormais saines, c'est important. Cela veut dire qu'on peut fonctionner en voyant les choses d'une manière beaucoup plus claire. J'ai aussi précisé qu'il fallait faire attention à ce que la part territoriale, si tant est qu'elle doive diminuer, ne diminue pas trop, car c'est elle qui aide directement les structures locales du mouvement sportif (Cros, Cdos, ligues et comités) et les clubs.
A propos de la part territoriale, avez-vous évoqué avec la ministre le relèvement du seuil minimum de l'aide, aujourd'hui de 1.500 euros (1.000 euros dans les QPV et ZRR), qui a exclu un certain nombre de petits clubs ?
Le seuil de subvention minimum n'a pas été discuté lors de notre entretien. Personne ne l'a remis en cause non plus lors du conseil d'administration du 6 juillet, sauf pour les territoires ruraux pour lesquels il est question d'agrandir les zones concernées, ce qui permettrait à de petites villes ou villages, même en dehors des ZRR (zones de revitalisation rurale), de bénéficier de la mesure. Un point d'information a été fait sur cette question, et les critères précis seront arrêtés prochainement. On s'est en effet aperçu que les changements de critères du CNDS avaient très lourdement handicapé les territoires ruraux.
Quels ont été les autres points à l'ordre du jour de votre conseil d'administration du 6 juillet ?
C'était un CA de transition qui a permis à Laura Flessel de rencontrer les membres. L'immense majorité des délibérations a concerné le plan héritage Paris 2024, ce qui nous a permis de valider des dossiers portant sur des projets d'équipements de proximité. En outre, deux grands évènements sportifs internationaux ont obtenu des subventions : les championnats d'Europe de BMX à Bordeaux et les championnats d'Europe de natation pour nageurs atteints de trisomie. Par ailleurs, en ce qui concerne les emplois sportifs qualifiés, des subventions à certaines fédérations considérées comme riches ont été réduites de manière à pouvoir aider d'autres fédérations moins riches.
Après deux ans et demi passés à la présidence, vous quittez le CNDS. Pour quelle raison ?
Je dois rationaliser mes activités. En acceptant le poste de secrétaire générale à la Fédération française de handball (FFHB), il me fallait forcément plus de temps pour pouvoir m'engager. Etant donné que j'ai un métier à part entière [Béatrice Barbusse est enseignante-chercheure en sociologie, ndlr] et que je ne bénéficie pas de décharge, cela faisait beaucoup, d'autant plus qu'il s'agit de fonctions bénévoles.
Quel bilan tirez-vous de votre passage au CNDS ?
Mon expérience m'a confirmé que le CNDS est un bel outil d'accompagnement et de développement du sport pour tous en France. Sur un plan personnel, j'ai beaucoup apprécié de travailler avec les membres du CNDS et ses salariés. J'ai pu voir qu'ils étaient des travailleurs de l'ombre, motivés par un très grand professionnalisme. J'ai trouvé des agents au service de l'Etat et de l'intérêt général. C'est donc avec beaucoup de regrets que je quitte cette présidence.
Ces derniers années, certains se sont plaints que le CNDS mettait trop l'accent sur les grands événements sportifs internationaux (Gesi)...
Oui, mais les Gesi bénéficient aux clubs. Ces Gesi sont désormais visibles pour les Français. Il y en a beaucoup et quand l'un s'arrête, un autre prend le relais. Cela permet de faire de la France une nation plus sportive, ce qu'elle n'était pas il y a encore quelques années. L'engouement autour de la candidature de Paris 2024 commence à devenir très intéressant. Indirectement, à moyen et long terme, cela bénéficie aux clubs. Les Gesi sont aussi structurants, car ils s'accompagnent d'appels à projets, par exemple sur l'animation territoriale. Les clubs s'en emparent, cela leur permet de monter en puissance, de se rendre visibles sur leur territoire, ce qui leur profite ensuite pour chercher de nouveaux partenaires ou de nouveaux licenciés.
Reste une pierre d'achoppement : la capacité d'accueil des clubs à travers notamment un manque d'équipements, comme le montre une enquête récente de la FFHB…
Quand j'étais présidente de club à Ivry, il y avait déjà un problème d'équipements, et je suppose que les choses ne se sont pas améliorées mais au contraire dégradées. La France a un retard important et les équipements sportifs arrivent à saturation, d'autant qu'il y a de nouvelles activités, comme le futsal, qui eux aussi demandent à avoir des créneaux horaires dans les salles pour pratiquer. Ce sera le chantier le plus important à mener dans les années qui viennent pour les collectivités, l'Etat et le mouvement sportif. Les clubs sont aujourd'hui très clairement bloqués par les capacités d'accueil.
L'enveloppe du CNDS dédiée aux équipements est pourtant celle qui a le plus diminué ces dernières années…
Quand vous avez un ministère qui vous dit : "C'est tant et pas autrement", c'est compliqué de faire avancer les choses. Moi, je ne suis pas au gouvernement... Ce qui a été mal accepté, c'est aussi la priorité donnée aux créations d'emplois. Mais pour structurer les clubs, il faut bien commencer par quelque chose. On ne peut pas mener tous les chantiers de front. C'est la fonction de l'Etat d'impulser un mouvement. Faire des choix, c'est forcément faire des mécontents. Par ailleurs, au sein des fédérations on commence à comprendre que l'argent public ne va pas tomber du ciel et qu'il faut mettre en place un nouveau modèle économique.