Sports - L'emploi sportif associatif n'est pas viable sans aides publiques et ne favorise pas la pratique
Les emplois associatifs dans le champ du sport ne peuvent s'autofinancer sans aides publiques locales et ne génèrent pas de hausse de la pratique sportive... Tels sont les principaux enseignements d'un rapport de l'inspection générale de la Jeunesse et des Sports intitulé "Evaluation des dispositifs de soutien à l’emploi dans le champ du sport", achevé il y a un an mais rendu public il y a quelques jours à peine.
Mais au fait, lorsqu'on parle de dispositifs de soutien à l’emploi sportif, de quoi parle-t-on exactement ? Pour les rapporteurs, il s'agit tout d'abord du dispositif de la Fédération nationale Profession Sport, créée en 1989, dont l'ambition est depuis son origine de mutualiser à l'échelle départementale des emplois dans les clubs sportifs. Aujourd'hui, Profession Sport met à la disposition des clubs et des collectivités territoriales 9.500 salariés et assure pour le compte d'employeurs associatifs ou publics la gestion de 14.700 autres.
L'autre grand dispositif dans ce secteur est le Plan sport emploi, lancé en 1996 et qui se poursuit actuellement à travers les aides à l'emploi du CNDS (Centre national de développement du sport). Son principe est d'accorder des aides – dégressives – aux clubs ou comités des fédérations sportives pour recruter des éducateurs sportifs ou des agents administratifs afin de structurer le mouvement sportif.
Un secteur dépendant de l'argent public
Pour cette catégorie d'aides directes, le bilan est, vingt ans plus tard, "mitigé", selon les auteurs du rapport. 600 emplois ont été créés en moyenne chaque année dans le cadre du Plan sport emploi, pour un coût total de 386 millions d'euros. 12.200 emplois ont été pérennisés sur la période, le coût de chacun de ces emplois pérennisés pour l'Etat étant estimé à 40.000 euros. Parallèlement, le coût des emplois-jeunes, lancés en 1998, et qui ont généré à peu près autant d'emplois pérennes dans le secteur de l'animation sportive (12.500), s'est élevé à 30.500 euros par emploi.
Plus globalement, 26% des emplois actuels de salariés associatifs de l'animation sportive ont pour support un dispositif d'emplois aidés, ce qui, pour les rapporteurs, "est révélateur de la dépendance du secteur à l'argent public".
Au final, le rapport estime à 31.000 le nombre d'associations sportives employeuses, soit 19% des 165.000 associations affiliées aux fédérations sportives agréées. Il met ensuite en avant des données structurelles sur la pratique en club : avec 18 millions de pratiquants recensés, dont plus de 2 millions sur des pratiques saisonnières, les effectifs des clubs sont en moyenne de 109 pratiquants. Or, toujours selon l'estimation des rapporteurs "un club peut supporter financièrement la charge d'un emploi s'il atteint 250 adhérents". On en conclut donc fort logiquement, et en chœur avec les auteurs, que "le gisement d'emplois solvables dans les associations sportives est relativement limité".
Comment dès lors autant d'associations ont-elles réussi à embaucher ? "Principalement en raison des soutiens publics locaux, ceux des communes en tout premier lieu, ceux des départements ensuite, et également des régions avec des dispositifs de type Emplois tremplins."
Pas de développement de la pratique
Et les rapporteurs d'ajouter : "L'hypothèse que sous-tendant la conception du Plan sport emploi [PSE] – une croissance des effectifs dans des proportions qui permettraient de consolider l'emploi créé – a été partiellement validée, avec la création de plus de 35.000 emplois, PSE et NSEJ [emplois-jeunes] cumulés, et la pérennisation de 24.700 d'entre eux dans un périmètre de 143.000 associations, hors fédérations scolaires. Mais la démonstration n'a pas été faite que les emplois pouvaient, en masse, s'autofinancer sans aides publiques locales."
Mais le constat le plus terrible n'est sans doute pas celui de l'impossibilité des associations sportives à financer leurs propres emplois. Non, le plus terrible est que cette débauche d'argent public n'aurait été qu'un coup d'épée dans l'eau au regard de l'objectif qui devrait prévaloir en matière de politique publique en faveur de l'emploi sportif : le développement de la pratique sportive en club. "Cette croissance de l'emploi ne s'est pas accompagnée, affirment les rapporteurs, d'une évolution significative de la population des pratiquants licenciés des fédérations sportives, les 15,8 millions recensés en 2014 ne marquant qu'une progression de 2 millions par rapport à 1996, soit 15%, en 18 ans, rythme à peine supérieur à celui de la croissance démographique sur la même période (13%)."
D'où une proposition-phare : "Il serait préférable que [l'Etat] substitue à ces aides CNDS affectées aux emplois locaux, un soutien, en fonctionnement et un investissement, à des projets territoriaux de rattrapage sportif, dans le cadre de conventions signées avec les communes, sur des territoires carencés et au profit de publics en retard de pratique sportive, en y appliquant une ingénierie appropriée."