Epandage de pesticides près des habitations : des associations attaquent le nouveau dispositif réglementaire
Des associations environnementales, de consommateurs et de médecins ont déposé ce 25 février des recours au Conseil d’État contre les textes qui forment l'ossature du nouveau dispositif encadrant l'épandage de pesticides à proximité des habitations.
Elles avaient prévenu. Ce 25 février, un collectif d’associations a déposé un recours au Conseil d’État contre l'arrêté et le décret du 27 décembre dernier qui fixent les distances de sécurité à respecter autour des lieux d’habitation par les agriculteurs lors du traitement des cultures et déterminent les chartes encadrant ces pratiques d'épandage (voir notre article du 6 janvier). "Des textes entachés d'illégalité dont nous demandons l’annulation", a déclaré leur avocat. Ce collectif est constitué de neuf associations, dont Générations futures, France Nature Environnement, Eaux et Rivières de Bretagne, UFC-Que Choisir, l'AMLP (une association de médecins) et l’Union syndicale solidaire et des collectifs de protection des riverains.
Ces recours essentiellement sur le fond (légalité interne) invoquent, pour commencer par le fait le moins attendu, la légalité externe en pointant des irrégularités liées à la phase de consultation publique de ces projets de textes réglementaires. Cette consultation - un beau succès avec 53.000 contributions -, a été clôturée en octobre dernier. Mais ce collectif estime que les délais écoulés entre cette clôture et la promulgation des textes réglementaires fin décembre ont été "très courts" (moins de trois mois). Il attaque sur le défaut de prise en compte des propositions déposées et pointe une irrégularité sur la mise en ligne des observations et propositions déposées par voie électronique.
Sur le fond, il cible à la fois la protection des populations, des travailleurs et celle des milieux et de la biodiversité en relevant "l'insuffisance des mesures de nature à éviter le ruissellement pluvial". Sur le premier axe, il met en avant "les carences et faiblesses des évaluations actuelles concernant les pesticides, notamment sur la non prise en compte réelle des effets cocktails (effets synergiques et cumulatifs notamment) et des effets chroniques", ce qui impose selon lui de "prendre des mesures de protection applicables à tous les pesticides, en sus des éventuelles restrictions d’usage propres à chaque autorisation de mise sur le marché".
Sur la protection spécifique des travailleurs agricoles, il estime que l’arrêté actuel encadre insuffisamment les délais et conditions de "réentrée dans les parcelles", c'est-à-dire une fois l'application des pesticides faite, en prévoyant un trop grand nombre de dérogations possibles. Sur la protection des riverains, il attaque notamment l'arrêté sur trois points : l’absence de prise en compte de facteurs influant sur la dispersion des pesticides (alors que des dérogations autoriseraient l’utilisation de techniques réductrices de dérive) ; l’absence de mesures appropriées de gestion des risques privilégiant l’utilisation de pesticides à faible risque et des mesures de lutte biologique ; et l’absence d’information des riverains. Il s'appuie aussi sur les difficultés que rencontreraient les inspecteurs des services régionaux de l'alimentation (SRAL) et des Draaf (directions régionales) à s'assurer du respect des distances d'épandage, afin de dénoncer "les faiblesses de ces contrôles a posteriori".
Enfin, il estime peu efficace le dispositif actuel de chartes élaborées au niveau local (décret) : "L’ensemble des mesures de protection ne peuvent y être débattues, comme l’arrêté le recommande, mais elles doivent faire l’objet de mesures nationales strictes car, comme l’a démontré le CGEDD (Conseil général de l'environnement et du développement durable, ndlr), transférer ces obligations au local est voué à l’échec". Sur l'ensemble, il enjoint donc à l’État de prendre des mesures plus protectrices dans un délai de six mois.