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Pesticides : les élus vigilants suite à la publication d'un nouveau cadre réglementaire

Alors qu'un nouveau cadre réglementaire s'applique depuis le 1er janvier à la protection des riverains de cultures agricoles, une centaine d'élus regroupés depuis peu sous forme associative pointent les carences du volet non agricole de ce dispositif, qui repose sur l'élaboration de chartes d'engagements dont ils se sentent exclus. 

Deux textes réglementaires, un arrêté et un décret, forment l'ossature du nouveau dispositif encadrant l'épandage de pesticides à proximité des habitations. Le premier, paru au Journal officiel du 29 décembre, fixe les distances de sécurité à respecter autour des lieux d’habitation par les agriculteurs lors du traitement des cultures. Cette distance varie en fonction du type de culture et de la dangerosité des produits utilisés. Principale nouveauté par rapport à la version mise en consultation du public l'automne dernier (voir notre article du 9 septembre 2019), l'instauration d'une distance minimale de 20 mètres non réductibles "pour les substances les plus préoccupantes". C'est-à-dire celles dont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) comporte des mentions de danger (par exemple l'étiquetage H300). La contrainte s'applique dès maintenant pour les parcelles ensemencées au titre des semis d’hiver.
Pour les produits moins dangereux, cette distance de sécurité s'appliquera dès juillet prochain et descend à 10 mètres pour les cultures hautes, telles que les vignes ou l'arboriculture (mais aussi les petits fruits, certaines cultures ornementales, les bananiers, le houblon), et à 5 mètres pour celles dites basses (céréales par exemple). 
Sans surprise, cette clarification interministérielle reprend les préconisations scientifiques de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et permet d'adapter ces distances minimales dans le cadre de chartes d’engagements, à la condition d’avoir recours à des moyens de réduction et protection (filets anti-dérives en bordure de champ). Pour la viticulture, elle pourrait être réduite jusqu’à 3 mètres. En annexe est évoqué, comme moyen de réduire la largeur de la zone non traitée (ZNT), le recours à des haies ou à des "dispositifs végétalisés permanents en bordure de points d'eau".
Sur le terrain, l'ONG Générations futures craint que ce dispositif ne change rien, la ZNT de 20 mètres "ne concernant qu’un nombre très faible de produits" et l'information du public sur la nature des produits pulvérisés restant trop opaque pour que les riverains puissent réellement s'approprier le sujet. Le monde agricole a aussi réagi, estimant que la fixation de distances incompressibles pénalisera les exploitants, sans compensation pour les pertes subies et alors même qu'émergeait une volonté de dialogue et de souplesse au niveau plus local.

Des chartes sur les usages agricoles... mais aussi non agricoles

Quant au décret du 27 décembre 2019, qui porte sur les chartes en question, il ne satisfait pas non plus tout le monde. Ces chartes d'engagements des utilisateurs doivent a minima intégrer des mesures d'information des résidents, les distances de sécurité et prévoir des modalités de dialogue et de conciliation entre les utilisateurs et les habitants concernés. Le texte précise qu'elles peuvent inclure des éléments faisant progresser la transparence sur les dates et horaires de traitements ou le fait de prévenir les riverains. Un point sensible qui fait défaut selon des associations expliquant que ces derniers ne sont généralement même pas au courant des pulvérisations à venir. Côté agricole, ces chartes d'engagements sont élaborées par les organisations syndicales représentatives opérant à l'échelle du département ou par la chambre départementale d'agriculture. Et pour les usages non agricoles, elles sont élaborées par des organisations représentatives, des regroupements d'utilisateurs ou des gestionnaires d'infrastructures linéaires.
Si des utilisateurs individuels utilisent des produits phytopharmaceutiques "dans plus de dix départements", la concertation sur le projet de charte et son périmètre "peut être nationale". De même si la charte est élaborée "par des gestionnaires d'infrastructures linéaires de portée nationale", pour ne pas citer les voies ferrées gérées par SNCF Réseau. Le préfet du département dispose de deux mois une fois la charte transmise pour se prononcer "sur le caractère adapté des mesures et leur conformité".
A peine lancé, ce dispositif s'attire déjà les critiques d'élus locaux. Trop verrouillé et dans les mains des utilisateurs, estiment ceux qui souhaitent bannir l'utilisation de pesticides en coeur de ville. "En effet, les élus locaux ne sont pas conviés à l'élaboration de ces chartes", confie Florence Presson, adjointe au maire de Sceaux (Hauts-de-Seine).

Une nouvelle association d'élus

Pour se constituer en association et se doter d’une personnalité juridique, le collectif  des maires anti-pesticides dont elle fait partie a déposé ce 6 janvier un dossier en préfecture. L’association est présidée par le maire de Langouët Daniel Cueff et compte parmi les membres de son bureau les maires de Gennevilliers, de Malakoff, d’Us-en-Vexin (Val-d'Oise) et de Revest-des-Brousses (Alpes-de-Haute-Provence). "Ce statut associatif va nous permettre de nous positionner en justice, de faire des recours aux côtés des maires ou de contester certaines décisions administratives, par exemple devant la Cour de justice de l’Union européenne", détaille dans un communiqué Daniel Cueff. "Nous restons dans une posture d'accompagnement des maires et d'écoute de tous les acteurs et parties prenantes. Notamment, pour cet enjeu des pesticides en coeur de ville, des entreprises, bailleurs et syndics de copropriété", conclut  Florence Presson, vice-présidente de cette nouvelle association fédérant une centaine d'élus locaux.