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Fronde anti-pesticides : cinq grandes villes proposent d'aller plus loin que la loi Labbé

Après les villes moyennes, c'est au tour des grandes villes de prendre le relais des maires ruraux qui ont initié, dans une quarantaine de communes, une forme d'action de désobéissance civile en prenant des arrêtés systématiquement déférés par les préfets et annulés par les tribunaux. Dans l'espoir de faire pression sur le gouvernement, Paris, Lille, Nantes, Grenoble et Clermont-Ferrand appuient cette démarche et proposent d'aller plus loin sur le plan législatif et de combler les trous dans la raquette de la loi Labbé.

Les villes de Paris, Lille, Nantes, Grenoble et Clermont-Ferrand ont signé ce 12 septembre un arrêté conjoint visant à interdire l'utilisation des produits phytosanitaires chimiques sur leur territoire. Elles emboîtent le pas à d'autres comme Villeneuve-d’Ascq (62.000 habitants) dans le Nord, La Chapelle-sur-Erdre (19.000 habitants) en Loire-Atlantique, ou encore Arcueil et Cachan dans le Val-de-Marne, premier département à avoir pris, le 10 septembre, un arrêté anti-pesticides "au nom du principe de précaution et en solidarité avec les associations et les maires engagés".

Sur la forme, un arrêté conjoint pris entre des communes non voisines est plutôt rare. Il s'entend dans un contexte de soutien "renouvelé" de ces villes au mouvement citoyen des coquelicots contre les pesticides, qui a fortement mobilisé partout en France devant les mairies et tient le décompte des communes ayant pris un arrêté anti-pesticides. Sur le fond, il élargit le périmètre d'interdiction de l'utilisation de pesticides de synthèse à l'ensemble des espaces de ces villes. Donc non plus seulement dans les espaces verts, promenades, forêts, voiries accessibles ou ouverts au public ainsi que les jardins des particuliers - la loi Labbé l'interdit déjà depuis 2017 et 2019 (interdiction de l'usage non professionnel) - mais aussi dans les espaces gérés par des structures privées, ceux appartenant à des structures publiques mais dont l'accès est fermé au public ou encore ceux qui sont publics mais non considérés comme des espaces verts.

Compléter la loi Labbé

"Soit au total environ 600 hectares hors réseau ferré dans notre cas", estime-t-on à la louche à la ville de Paris. Ce qui est considérable : pour situer, par comparaison, le bois de Boulogne s'étend sur 846 ha... Problème : cela revient donc à élargir l’objectif zéro phyto des lois Labbé et de transition écologique, qui ne s'applique par exemple ni aux cimetières (passés pour la plupart en zéro phyto ou y tendant dans ces cinq villes), ni aux terrains de sport, sauf lorsque leur usage s'apparente à celui d'un lieu de promenade ou d’un espace vert. Sont aussi pointés du doigt les espaces verts privés des copropriétés et les terrains gérés par les entreprises, notamment la SNCF pour désherber ses voies et leurs abords immédiats, mais aussi d'autres opérateurs faisant appel à des prestataires utilisant pour désherber des pesticides de synthèse.

Cité par l'AFP, Olivier Bianchi, maire de Clermont-Ferrand, explique ainsi que "beaucoup de maires ruraux se sont positionnés mais [que] cet enjeu est aussi un enjeu des métropoles et des aires urbaines : sur notre territoire, nous avons des espaces industriels ou des emprises SNCF qui peuvent être encore traités". Et Florence Presson, adjointe au maire de Sceaux (Hauts-de-Seine), d'insister au nom du collectif des maires anti-pesticides, sur le fait que cet enjeu des "pesticides en coeur de ville est tout sauf loin d'être anecdotique".

Cette décision commune des cinq villes n'est en tout cas pas du goût du ministère de la Transition écologique, qui a ironisé sur leur annonce et dénoncé un "coup de com". Quant à la consultation publique sur la distance minimale entre les habitations et les zones d’épandage, lancée par le gouvernement sur le site du ministère de l’Agriculture, elle suit son cours jusqu'au 1er octobre. Les citoyens sont invités à donner leur avis sur un projet de décret qui doit entrer en application en janvier 2020. Les élus écologistes et les ONG, comme Générations futures, ont appelé à y participer massivement. La consultation a recueilli à ce jour plus d'un millier de commentaires.