Pesticides : une instruction expose le nouvel arsenal réglementaire
Alors que le Conseil d’État devrait trancher d’ici la fin de semaine sur le référé-suspension déposé par le Collectif des maires anti-pesticides, une instruction interministérielle, rendue publique ce 11 février, invite les préfets à une mise en oeuvre rapide du nouveau dispositif de protection des riverains, en particulier via l’élaboration de chartes locales.
Pas moins de quatre directions générales - Prévention des risques, Santé, Alimentation, Concurrence, Consommation et Répression des fraudes - ont signé une instruction précisant le nouveau dispositif encadrant l'épandage de pesticides à proximité des habitations. Un exercice pédagogique visant à permettre l’appropriation de la réforme, "notamment afin que les chartes puissent être rapidement approuvées". L’objectif est d’apporter un cadre "stabilisé localement" concernant les distances minimales de sécurité applicables, "dans un délai compatible avec les premiers traitements de 2020". Il est toutefois permis de douter que ces clarifications interministérielles parviennent à emporter la conviction du Collectif des maires anti-pesticides et des ONG à l’origine du référé-suspension visant l’arrêté et le décret du 27 décembre 2019, et sur lequel le Conseil d’État doit trancher d’ici le 14 février. Un arsenal réglementaire qui s’appuie sur les préconisations scientifiques de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), et dont la principale nouveauté réside dans une distance incompressible de 20 mètres "pour les substances les plus préoccupantes". Pour les produits moins dangereux, cette distance de sécurité descend à 10 mètres pour les cultures hautes, telles que les vignes ou les fruitiers, et à 5 mètres pour celles dites basses (céréales par exemple).
Des chartes au centre du dispositif
Toutefois, l’instruction polarise l’attention sur les chartes d’engagements des utilisateurs qui seront établies à l’échelle départementale. Des chartes qui constituent bel et bien "l’élément central du dispositif" mis en place par la loi Egalim de 2018, souligne l’instruction. Et pour cause, ces chartes permettront le cas échéant de réduire les distances de sécurité de l’arrêté interministériel, à la condition d’avoir recours à des moyens de réduction de la dérive de pulvérisation. Actuellement, seuls les équipements homologués par le ministère de l’Agriculture permettent d’y répondre. D'autres moyens (tels que haies et filets) pourraient désormais être pris en compte, "sous réserve d’un avis de l’Anses et de travaux permettant d’évaluer l’efficacité de ces moyens". Un appel à projets, piloté par FranceAgriMer à hauteur de 25 millions d’euros, sera lancé au printemps dans les filières viticulture, arboriculture et maraîchage, pour soutenir le matériel le plus performant (Label Pulvé).
Une concertation à deux vitesses
Tout reposera donc sur la "qualité de la concertation" sur les projets de charte, "étape essentielle", insiste l'instruction, pour "renforcer la compréhension mutuelle et satisfaire les attentes respectives des agriculteurs et des riverains". Et c’est bien là que les choses se compliquent. Le Collectif des maires anti-pesticides critique notamment une consultation à deux vitesses "selon qu’il s’agit de ville ou de campagne". "S’agissant des campagnes, les maires des communes concernées et l’Association des maires du département sont associés à la concertation. En revanche, pour les usages non agricoles, les maires ne sont pas consultés de même que l’organisation des maires au niveau national", reproche-t-il au dispositif.
Dans l’attente de l’approbation des chartes et d’ici le 30 juin 2020, les utilisateurs engagés dans un projet de charte auront en quelque sorte le feu vert et pourront, "à titre individuel, appliquer ces réductions de distance". En outre, les chartes préexistantes "pourront être conservées", "dès lors qu’elles sont issues d’un processus de consultation ayant associé les riverains et qu’elles contiennent les mesures minimales de protection conformes à la réglementation".