Innovation - Entre 2006 et 2009, les pôles de compétitivité n'ont pas eu d'impact sur les brevets
"Il n'y aurait eu ni effet d'aubaine ni effet d'entraînement sur les dépenses privées de R&D." C'est la conclusion à laquelle arrivent Christophe Bellégo et Vincent Dortet-Bernadet dans leur étude sur l'impact de la participation aux pôles de compétitivité sur les PME et les ETI, publiée par l'Insee le 29 octobre 2014.
L'étude porte sur les premières années d'existence des pôles et s'arrête à l'année 2009, soit une année après la fin de la première phase. Durant cette période, les pôles de compétitivité ont entraîné une hausse progressive des dépenses de R&D pour les PME et les ETI. Celles-ci ont ainsi réalisé en moyenne 116.000 euros de R&D de plus que les entreprises similaires restées au dehors, soit un surcroît de 7,3% par rapport aux dépenses moyennes de 2005. Mais ce surcroît correspond peu ou prou aux aides publiques reçues. En 2009, ces entreprises appartenant à des pôles auraient reçu en moyenne 44.000 euros en plus sous forme d'aides directes, issues d'Oséo, de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et du fonds unique interministériel (FUI) et 53.000 euros sous forme de crédit d'impôt recherche (CIR), soit 97.000 euros au total en moyenne. "La partie des dépenses de R&D supplémentaires financée sur fonds propres serait donc faible", indique l'étude, autour de 19.000 euros seulement…
En revanche, les auteurs précisent qu'il n'y aurait pas eu non plus d'effet d'éviction de la dépense privée par la dépense publique. "Les subventions publiques ne se seraient pas substituées aux dépenses privées, puisque celles-ci n'ont pas diminué", assure ainsi le document. Parmi les financeurs des pôles se trouvent aussi les collectivités, qui "occupent un rôle croissant dans le financement public de la R&D des entreprises".
980 emplois créés dont 570 très qualifiés
Globalement, les dépenses supplémentaires de R&D que réalisent les PME et ETI des pôles correspondent à des dépenses internes, relatives à du développement expérimental, "là où les innovations sont le plus proches du marché", souligne l'étude. Un phénomène relativement normal car les PME et ETI sont généralement spécialisées dans ce domaine. "La recherche appliquée progresse aussi pour les entreprises membres des pôles mais de façon non significative", expliquent les auteurs.
Au total, la participation aux pôles des PME et ETI du champ serait liée à une dépense supplémentaire de 400 millions d'euros sur la période 2006-2009.
D'après l'étude, l'augmentation des dépenses de R&D s'est traduite par une augmentation du nombre d'emplois consacrés à la R&D : 980 emplois à temps plein sur la période 2006-2009, dont 570 emplois à temps plein très qualifiés (ingénieurs et chercheurs). Lors du bilan de la première phase des pôles, il était encore trop pour évaluer l'impact plus général des pôles en matière de création ou de maintien des emplois, un des objectifs principaux de cette politique. Le bilan de la deuxième phase des pôles, qui couvre la période 2009-2012, fait ressortir des points positifs à ce sujet : 66% des entreprises interrogées avaient ainsi indiqué avoir créé des emplois grâce à leur adhésion aux pôles ; pour 14% des entreprises adhérentes, ce taux de création d'emploi était même supérieur à 25%. 84% des entreprises interrogées considéraient aussi que l'adhésion aux pôles leur avait permis de maintenir des emplois et 43% plus de 50% des emplois.
Aucun effet perceptible sur les dépôts de brevets
En revanche, sur la période 2006-2009, les pôles n'ont eu aucun effet perceptible sur les dépôts de brevet. "Les entreprises des pôles n'auraient pas déposé plus de brevets que les entreprises restées hors des pôles", détaille ainsi l'étude. Toutefois, soulignent les auteurs, l'étude ne portant que sur les années 2006-2009, l'effet sur les brevets, qui demandent plusieurs années avant d'être déposés, n'est peut-être pas encore visible. Pas d'effet non plus mesuré sur le chiffre d'affaires des PME et ETI. "L'effet de la participation aux pôles sur la période 2006-2009 semble donc limité à des dépenses supplémentaires de R&D qui n'ont pas encore eu d'incidence significative en termes commerciaux en 2009", conclut l'étude.
A noter que la troisième phase des pôles, qui couvre la période 2013-2018, vise justement à corriger le tir. Le gouvernement s'est fixé comme objectif d'accroître l'impact économique des pôles, avec une mise sur le marché plus fréquente et plus rapide des produits issus de la recherche des pôles.