Innovation - Pôles de compétitivité : un effet de levier faible sur les dépenses de recherche
L'effet de levier dans les dépenses de recherche et développement des pôles de compétitivité n'a pas vraiment eu lieu, si l'on en juge par une étude de l'Insee publiée le 7 novembre. Les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) membres de pôles ont réalisé, en 2009, 116.000 euros de R&D de plus que les autres entreprises, restées hors des pôles, soit un surcroît de 7,3%. Mais cette somme correspond peu ou prou au montant des aides publiques qu'elles ont reçues, soit 97.000 euros annuel en moyenne (44.000 euros sous forme d'aides directes et 53.000 euros sous forme de crédit d'impôt recherche-CIR). "La partie des dépenses de R&D supplémentaires financée sur fonds propres serait donc faible, estime l'étude, il n'y aurait pas eu d'effet d'entraînement significatif de la dépense publique sur la dépense privée." Cela dit, l'Insee modère son propos, en signalant toutefois qu' "il n'y aurait pas eu non plus d'effet d'éviction de la dépense privée par la dépense publique : les subventions publiques ne se seraient pas substituées aux dépenses privées et le surcroît de financements publics reçu aurait bien financé une dépense supplémentaire de R&D."
L'étude reste prudente, avec des énoncés au conditionnel. Elle repose en effet sur l'hypothèse que les entreprises hors des pôles n'ont pas réagi à l'évolution globale des aides en diminuant leurs dépenses privées de R&D. "Si tel était le cas, l'évaluation surestimerait la hausse des dépenses dans les pôles de compétitivité", signale ainsi l'Insee. L'institut indique aussi que l'étude n'a pas permis de séparer l'effet du dispositif des pôles de celui de la réforme du CIR de 2008. A partir de cette date, les entreprises membres des pôles ont pu plus facilement utiliser le dispositif du CIR, réduisant le coût de leur R&D. "La hausse des dépenses en R&D dans les pôles serait peut-être due au fait que les entreprises ont pu compléter le financement par un fort recours au CIR", détaille l'étude. Le financement public en matière de pôles de compétitivité est pourtant important. Depuis leur création en 2005, 1,7 milliard d'euros publics leur ont ainsi été consacrés, dont 1,1 milliard d'euros de la part de l'Etat.
Pas d'effet sur les dépôts de brevets ni sur le chiffre d'affaires
Autre déception : la participation des entreprises aux pôles ne favoriserait pas le dépôt de brevets. "Les entreprises des pôles n'auraient pas déposé plus de brevets que les entreprises restées hors des pôles", détaille la note de l'Insee, mentionnant toutefois qu'il faut peut-être attendre encore pour que les effets des pôles soient visibles. Aucun effet n'apparaît non plus sur le chiffre d'affaires des entreprises membres des pôles. "L'effet de la participation aux pôles sur la période 2006-2009 semble donc limité à des dépenses supplémentaires de R&D qui n'ont pas encore eu d'incidence significative en termes commerciaux en 2009", conclut l'Insee.
Seul véritable changement positif pour ces entreprises membres de pôles : l'emploi. La hausse des dépenses de R&D, résultat des aides publiques supplémentaires, a ainsi un effet positif sur l'emploi consacré à la R&D. En 2006, une ETI ou une PME entrée dans les pôles aurait utilisé 0,3 emploi à temps plein (ETP) de plus qu'une entreprise similaire restée hors du dispositif. Le tiers de cet emploi serait occupé par des chercheurs ou des ingénieurs. Ce chiffre a atteint 0,9 emploi à temps plein par entreprise en 2009, soit 5,6% de l'emploi en R&D de ces entreprises. Sur l'ensemble des entreprises, cela représente quelque 980 emplois à temps plein sur la période de 2006 à 2009, dont 570 emplois très qualifiés (ingénieurs et chercheurs).
Ce sera l'enjeu de la nouvelle phase des pôles de compétitivité pour les années 2013-2018, prévue dans le cadre du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. La mise sur le marché de plus de brevets et d'innovations est inscrite parmi les nouveaux objectifs, tout comme un accompagnement plus efficace des PME et ETI innovantes, depuis la recherche et développement jusqu'à la commercialisation de leurs produits.