Archives

Innovation - Bercy réduit les dépenses d'animation des pôles de compétivité

La stabilité des pôles de compétitivité pourrait être mise à mal par la décision de la DGE de réduire sa contribution à leur budget de fonctionnement. Du côté des régions, on se demande si l'Etat ne chercherait pas tout simplement à se retirer du dispositif d'ici deux ou trois ans. Elles qui aspirent au rôle de chef de file n'y seraient pas opposées. A condition de recevoir des compensations financières. Mais entre PLF 2015 et réforme territoriale, le calendrier semble très serré.

Les pôles de compétitivité vont-ils devoir faire les frais de la "Macron-économie" ? Devant leurs représentants, le 4 juillet, l’ancien ministre Arnaud Montebourg avait trouvé des mots fraternels : "Je suis votre ministre de tutelle mais j’espère être plus qu’un tuteur, un grand frère qui veille sur ses enfants et qui voudrait les voir grandir le plus vite possible." Bercy l’assurait : il n’y aurait pas de désengagement de l’Etat, les crédits seraient maintenus. Mais dans un courrier dévoilé par AEF, adressé aux présidents des 71 pôles, le 16 octobre, la Direction générale des entreprises (ex-DGCIS) annonce qu’elle compte réduire de 10 à 50% sa contribution au fonctionnement des pôles. Des crédits qui servent à financer les dépenses d'animation. Soit une poignée de salariés qui, au sein de chaque pôle, travaillent à l’émergence, au montage et au suivi des projets, nouent des relations à l'international, structurent la stratégie du pôle.
Tous les pôles ne seront pas logés à la même enseigne. Ce sont les pôles régionaux qui seraient le plus touchés. La baisse pourrait s’élever à 50% pour eux, les pôles mondiaux s’en tireraient mieux avec une réduction de 10%.
Au regard des dépenses d'investissements des pôles, les sommes en jeux ne sont pas très élevées. Et puis la DGE n'est pas le seul contributeur. Il y a la DGA (direction générale de l’armement) et surtout les régions. Mais comme l'ont montré plusieurs rapports ces dernières années, l'animation souffre déjà d'un manque de crédits. Or c'est elle qui permet la cohésion de ces groupements d'entreprises et de laboratoires.

"Cela s'anticipe, se programme"

La décision de la DGE, justifiée par les contraintes budgétaires actuelles, peut paraître paradoxale au regard de la décision de reconduire les pôles pour la période 2013-2018 autour d’un partenariat renforcé entre l’Etat et les régions. Mais jusqu’ici, l’Etat refusait de se retirer, assurant vouloir garantir une stratégie d’ensemble à la politique des pôles. Il s’agissait bien d’assurer un copilotage.
Or les régions, qui n’ont pas été "officiellement mises au courant" de cette coupe budgétaire, se demandent si l’Etat ne chercherait pas à se retirer complètement du dispositif d’ici deux ou trois ans. Un scénario qu’au fond elles verraient d’un bon œil - elles aspirent en effet au rôle de chef de file unique après avoir obtenu celui de copilote -, à condition d’en avoir les ressources. Elles plaident ainsi pour un transfert des crédits d’animation des Direccte vers leurs services, mais avec les financements correspondants. A noter que ce rôle de chef de file était prévu dans le défunt projet de loi "de mobilisation des régions" enterré depuis pour laisser place au projet de loi Notr sur les compétences des collectivités. Les régions pourraient donc défendre un amendement pour organiser ce transfert. Encore faudrait-il que les finances suivent… dans le cadre du PLF 2015 en cours d’examen. Le calendrier est donc extrêmement serré.
A défaut d’organisation de ce transfert, vu leur situation financière, les régions se disent dans l’incapacité de compenser les crédits de l’Etat et craignent pour la solidité des pôles. "Les régions sont en train de faire l’état des lieux, mais ça va être compliqué", indique une source proche du dossier. "A la décharge de l’Etat, on comprend la nécessité de maîtriser les dépenses publiques, et il n’est sans doute pas idiot de mettre un peu la pression pour augmenter la part des financements privés, poursuit la même source. Mais cela s’anticipe, se programme, cela ne sort pas tout d’un coup du chapeau."

1.445 projets financés depuis 2006

Les dépenses d’animation ne sont que la partie immergée de l’iceberg. Les pôles de compétitivité, ce sont aussi des centaines de millions d’euros consacrés à la recherche et développement. Seulement, ces dépenses d’investissements ont elles-aussi eu tendance à diminuer au fil des ans. Depuis le lancement du dispositif sous Dominique de Villepin en 2006, les pôles de compétitivité ont bénéficié pour leurs dépenses de R&D d’un financement public de 2,54 milliards d’euros (1,53 milliard de l’Etat à travers le Fonds unique interministériel et environ 1 milliard des collectivités) et d’un financement privé de 3,86 milliards d’euros. Dix-huit appels à projets ont ainsi permis de financer quelque 1.445 projets. Un 19e appel à projets vient d’ailleurs tout juste d’être lancé (les projets qui devront être déposés avant le 28 novembre devront être en corrélation avec les comités stratégiques de filière et les 34 plans de la Nouvelle France industrielle). Mais depuis 2009, le montant des financements publics est passé de 171 millions d’euros à 99,6 millions d’euros en 2012, d’après les chiffres de la DGE. Une baisse contrebalancée cependant par l'arrivée en 2011 des PSPC (projets structurants des pôles de compétitivité) dans le cadre du programme d’investissements d’avenir. Mais dans le même temps, le privé n’a pas su prendre le relai : sa participation a fortement diminué pour se stabiliser autour des 200 millions d’euros par an.
Selon l'AEF, Jean-Luc Beylat, président de l’Association française des pôles de compétitivité (AFPC) a écrit au ministre de l’Economie Emmanuel Macron pour en savoir plus. L’association, qui regroupe 55 pôles, souhaite notamment savoir si le choix des coupes budgétaires se fera aussi en tenant compte des performances de chacun.