En trente ans, la consommation de cocaïne a été multipliée par dix
Un Français sur deux déclare avoir déjà consommé du cannabis au cours de sa vie. Mais c'est la cocaïne qui connaît la plus forte progression. Sa consommation a été multipliée par dix entre 1992 et 2023, alerte l'Office français des drogues et des tendances addictives (OFDT), dans une enquête publiée le 26 juin. La première du genre depuis 2017.
En 2022, lors du congrès des maires, plusieurs élus alertaient sur la "démocratisation" de la consommation de cocaïne, jusque dans le rural profond (voir notre article du 24 novembre 2022). Depuis, les signaux d'alerte se multiplient. Mais derrière ces retours empiriques, il fallait remonter à 2017 pour trouver les données officielles sur l'état de la consommation de drogues en France. Une carence comblée aujourd'hui avec la publication des premiers résultats d'une nouvelle enquête de l'Office français des drogues et des tendances addictives (OFDT), qui a sondé quelque 12.500 personnes âgées de 18 à 64 ans. Si le cannabis reste de loin la première drogue illicite répandue en France (en 2023, 50,4% des personnes interrogées déclarent en avoir déjà consommé, contre 12,7% en 1992 mais 10,8% en ont consommé au cours de l'année, une proportion stable au fil des ans), la cocaïne connaît bien la plus forte progression. Entre 1992 et 2023, sa consommation a été multipliée par dix, selon cette "Enquête sur les représentations, opinions et perceptions sur les psychotropes" (Eropp), publiée le 26 juin, à l'occasion de la Journée mondiale contre l'abus et le trafic de drogues (l'enquête définitive portera sur un échantillon plus large de personnes allant jusqu'à 75 ans). 2,7% de la population en a consommé l'an dernier, contre 0,3% au cours de l'année 1992. Si bien qu'aujourd'hui, près d'un adulte sur dix a déjà consommé de la cocaïne au moins une fois dans sa vie. Presque deux fois plus qu'en 2017, date de la dernière étude de l'OFDT. À ce compte, les hommes sont 2,5 fois plus nombreux que les femmes.
Grande vigilance
"L’augmentation de l’usage de la cocaïne appelle à une grande vigilance et peut s’expliquer par différents facteurs qui se surajoutent. Parmi ces facteurs, nous pouvons citer une plus grande disponibilité, mais aussi une perception de la dangerosité de la cocaïne qui diminue, et une diversification des motivations à consommer, par exemple pour tenter de faire face à des conditions de travail difficiles", explique Guillaume Airagnes, directeur de l'OFDT, dans un communiqué. Pour ce qui est de la plus grande disponibilité, elle est la conséquence de l'explosion du trafic, comme l'ont récemment pointé la commission d'enquête sénatoriale sur le narcotrafic (voir notre article du 14 mai) et l'Office européen des drogues et des toxicomanies, dans son rapport publié il y a quelques jours (voir notre article du 17 juin). La proportion de personnes ayant déjà expérimenté la MDMA (ecstasy) connaît aussi une forte progression, passant de 5,0 % à 8,2 % entre 2017 et 2023. Son usage actuel a doublé (1% de consommateurs en 2017 contre 1,8% en 2023). La consommation de champignons hallucinogènes suit à peu près la même courbe. L'héroïne est stable (0,3% de consommateurs en 2023 contre 0,2% en 2017 et les années précédentes).
Nouvelles drogues
L'enquête fait apparaître pour la première fois la consommation de la kétamine (0,6% de la population), des drogues de synthèses telles que la 3-MMC (0,7%) et le GHB/GBL (0,7%) rattachées au milieu des "chemsex" et aussi le protoxyde d'azote (gaz hilarant) très prisé chez les jeunes. 6,7% de la population déclare en avoir déjà consommé, un taux qui passe à 11,7% chez les 18-24 ans et même 12,5% chez les 25-34 ans. À noter aussi la très forte prévalence du poppers qui touche 15% de la population, dont 24% des 18-24 ans et des 25-34 ans.
Ces résultats provisoires n'abordent pas le problème de la "polyconsommation" (consommation de plusieurs drogues en même temps) ni l'apparition des opioïdes de synthèse pourtant présentés comme des risques sérieux pour la santé par l'office européen qui, au 1er juillet, change de nom pour devenir l'Agence de l'Union européenne sur les drogues.